Monologues, petits sketches dialogués, grands sketches amorçant déjà un véritable théâtre, ou plutôt un anti-théâtre.
Père spirituel de buster keaton (pour le jeu, un certain "surréalisme") ; de Groucho Marx (pour les ruptures de style, les complications progressives et grotesques jusqu’à l’inextricable), de Raymond Devos (pour les mots, l’écriture), et de bien d’autres, Brecht écrira même de Valentin, qu’il "est impossible de comprendre pourquoi on ne (le) mettrait pas sur le même plan que le grand Charlot".Karl Valentin n’a rien d’un industriel du gag, c’est plutôt un bricoleur tenace dont les échecs ne font que renforcer l’acharnement : acharnement du clown acrobate obligé de s’y reprendre à plusieurs fois, non sans tristesse, mais qui, par essais et par erreurs, à la fin vous a mis dans sa poche. Rien ne se règle une fois pour toutes chez Karl Valentin, même le dérèglement. Et tout patine : embrayage sur le réel, passage à vide, passage au vide, ré embrayage, etc.
Karl Valentin n’affronte jamais l’adversaire de face, il s’insinue en lui par une fente qu’il élargit progressivement, et le vide de sa substance, le bouffe. C’est en collant de trop près aux mots et aux situations que Karl Valentin les décolle, les débite, les retourne. Il détruit leur logique de l’intérieur, en la poussant jusqu’à son terme. la distanciation vient d’un excès d’imitation. a cet égard, il est vrai que Karl Valentin est plus proche de certains personnages de brecht que de brecht lui-même.

Les personnages affichent une grande sérénité, impavides, inquiétants. Ils semblent appartenir à une autre planète et l’on s’aperçoit qu’ils sont très proches de nous, presque nous-mêmes et nous savons que c’est notre vie qui est en cause, nous pressentons les très grands dangers qu’ils côtoient journellement. bien que son humour soit le reflet d’une époque et d’un pays déterminé (la bavière des années 20-30), il nous évoque cependant des situations actuelles et de chez nous.

La situation de chacun des protagonistes de cette pièce est toujours issue de la "cité", ce sont des commerçants, des artisans, des petits directeurs, des musiciens, des chômeurs, des migrants, des hommes et des femmes aux prises avec le monde qui les entourent, avec la justice, les lois, la liberté, etc... et tout cela poussé jusqu’à l’absurde par Karl Valentin, ce qui amène le burlesque évident de toutes ces situations.