Cet atelier de la compagnie Théâtre au Présent réunit chaque saison un groupe passionné de comédiens amateurs avec l'objectif d'un spectacle à part entière, réalisé modestement mais avec exigence artistique.

À la différence des autres drames de Tchekhov, il n'y a pas, au premier acte de La Cerisaie, de fusil accroché au mur, mais une décision à prendre, seule réponse à la situation, en conformité à lanmécanique du monde nouveau.

Dans la vie intime comme dans la grande histoire, il y a souvent un tel choix difficile à faire. Lesbamis, les conseillers, tout le monde le suggère, mais quelque chose vous en empêche, qui n'est pas tout à fait l'incurie : impossible de vendre par lots ce vieux domaine familial qui ne rapporte plus rien, impossible de quitter cet amant veule qui vous a trompée et qui, malade, vous appelle.

Dans ce monde nouveau qui ne perd pas de temps à aimer, et qui courant après l'argent, voudrait tout convertir en argent, vous portez une noblesse native : traditions familiales, souvenirs d'enfance quasi effacés, douleur de la mort prématurée d'un fils, vécue comme châtiment d'un appétit immodéré de vivre la vraie vie, et surtout ce désir inapaisable de la beauté... autant d'espèces inconvertibles en ce monde, éclats du métal démonétisé de l'amour. Vous portez comme des faiblesses, soutenue vaguement par un étudiant idéaliste et immature, et par un frère doublé d'enfance, les seules forces pourtant qui pourraient renverser ce monde nouveau auquel ceux mêmes qui s'y sont voués ne sont pas sûrs d'appartenir vraiment.

Beaux cerisiers nostalgiques, quand un coup de vent dispersait vos fleurs, ou quand vos fruits rutilaient sous les feuilles, vous laissiez entendre encore ces voix que le monde nouveau va faire taire en vous abattant, celles des paysans qui vous avaient plantés, qui vous avaient soignés, et auprès de qui toute vie noble devrait reconnaître sa dette, ou renoncer à sa noblesse.