On se laisse surprendre par ces textes, qui vrillent le réel pour le transformer en théâtre. Cela arrive sans prévenir : les séquences entrent en collision. Harms, c'est du montage au plateau, ça commence concret, réaliste, et puis ça dérape, ça risque de tourner mal. L'oppression frappe toujours à la porte, à un moment ou à un autre. Il faut oublier les lois logiques pour y échapper et si l'on arrive à suffisamment tordre le temps et l'espace, on aperçoit des phénomènes fabuleux, drôles, terribles, et poétiques. Une fuite en avant, à cloche pied sur le sens et la raison.

Absurdes, fragmentés, les textes de Harms offrent un champ de liberté ludique : de courtes vignettes où se succèdent des scènes de pauvreté ou de privations, des scènes fantastiques, oniriques, comiques.

" Une vieille, par excès de curiosité, a basculé par la fenêtre puis elle est tombée et s'est écrasée au sol. Une autre vieille s'est penchée par la fenêtre pour regarder celle qui venait de s'écraser, mais par excès de curiosité, elle a basculé elle aussi, puis elle est tombée et s'est écrasée au sol. (...) Lorsque a basculé la sixième vieille, j'en ai eu assez de les regarder et je suis allé au marché Maltsevski, où, à ce qu'on disait, un aveugle avait reçu en cadeau un châle tricoté. " ...