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Des maîtres, naufragés, arrivent sur une île, accompagnés de leurs esclaves. Ces derniers sont loin de se douter qu'ici, ce sont eux qui risquent d'avoir le bon rôle, car non seulement les moeurs mais même la loi veulent qu'ils échangent leurs statuts. Idéalement, les dirigeants devraient ainsi percevoir les choses autrement et, qui sait, peut-être se remettre en question. Evidemment, les servants jouissent de leur nouvelle condition, tandis que les privilégiés s'en lamentent. Marivaux joue avec ce fléau de Graal qu'est le pouvoir, rendant méchant quiconque le détient ou y parvient, quand bien même il était auparavant dans le camp des bons. L'auteur s'amuse avec l'évolution des personnalités, la rhétorique qui peut tout faire basculer, et pointe ainsi du doigt le thème de la nature humaine, sujet universellement abordé mais dont on ne fera jamais le tour complet. Les cinq comédiens se plient à des envolées lyriques dans une mise en scène simple mais originale, qui emprunte moins les codes de la commedia dell'arte que d'une possible atmosphère shakespearienne, au parti-pris fort d'avoir recours à un ton et un parler très modernes, frôlant parfois avec l'agressivité quand le texte initial a sans doute été écrit avec une intention plus burlesque. Voici en tout cas une troupe bien loin du naufrage, qui après avoir fait ses premières brasses à Sèvres, ira poursuivre sa croisière au Lucernaire : pour eux, c'est comme fouler les planches d'un paquebot, après s'être échappé des rondins d'un radeau... # écrit le 20/07/24
Ils avaient conquis la France en rassemblant tous leurs talents et en misant sur leur complémentarité afin d'assurer un vrai show à l'américaine autour de la grande illusion. Quelques années plus tard, l'équipe revient, en n'ayant pris le soin de renouveler ni tous ses membres ni tous ses tours. Un peu dommage car même si l'on ne comprend pas exactement tout ce qui se passe, il est évident que la seconde fois, la magie opère un peu moins... surtout lorsque les numéros ne sont pas si nombreux que cela et que certains sont déjà vus... Mais à part ces petits désagréments, si les artistes ont bien un atout commun, en plus de leurs spécialités individuelles, c'est indéniablement de savoir travailler la mise en scène. De l'emphase, du suspense, de l'adrénaline, il n'en fallait pas moins pour mettre le feu dans la salle, à force de jouer avec ! Il faut dire que rien qu'en entrant dans le merveilleux hall des Folies Bergère, on n'a qu'une envie, c'est de gravir le grand escalier puis de se laisser happer par le spectacle. Dans cette nouvelle édition, on appréciera la part belle faite à plusieurs de nos compatriotes émérites, qui ont réussi à s'exporter avec leurs caisses à outils et autres cordes à leurs arcs, bien que, pour une fois, Paris ne semble pas aussi chic que... Broadway. A moins, bien sûr, que tout ceci ne soit qu'un mirage... # écrit le 16/07/24
Il n'est pas commun qu'un chef d'oeuvre au cinéma le soit aussi au théâtre, tout comme l'inverse d'ailleurs. Heureusement qu'il y a des exceptions ! Avec Le cercle des poètes disparus, le film laisse rarement insensible ; la pièce renouvelle nos émotions. Onze comédiens, uniquement masculins, se donnent la réplique dans un lycée d'élite. Les étudiants, réunis autour de leur maître emblématique, découvrent un enseignement peu académique mais absolument passionnant. Pour succéder à Robin Williams, place à Stéphane Freiss, charismatique, drôle et envoûtant. Avec lui, nous aurions tous envie de nous remettre sur les bancs de l'école et de revivre des moments de littérature, dans une atmosphère qui fait parfois penser à un roman d'aventures, presque comme Peter Pan et les enfants perdus, assis en rond dans leur grotte (et comme par hasard, c'est également un grand rôle qui a été interprété par ce même immense acteur américain). La mise en scène est savoureuse, chacun incarne pleinement son personnage, les décors apportent une réalité que l'on ne veut pas du tout quitter. La preuve, une standing ovation comme il n'en existe - et c'est bien dommage - plus beaucoup. Quand le meilleur du grand écran s'invite sur les planches, la magie n'a pas de limites. Et la poésie non plus, pour ceux qui se demandent à quoi ça rime. # écrit le 11/07/24
Est-il le fondateur de ce nouveau style de danse ? Ce n'est peut-être pas si simple à prouver. Sadeck Berrabah est en tout cas un pionnier que d'autres essaieront indéniablement d'imiter. Artiste dans l'âme, passionné de dessin au point de créer des chorégraphies à géométrie variable, il donne à voir le mouvement autrement. Même si sa troupe compte presque une cinquantaine de danseurs, ceux-ci ne se déplacent pratiquement pas sur scène. Mais ils l'occupent bien, essentiellement avec leurs bras et leurs bustes, qui s'articulent, laissant place à toutes sortes de figures, de vagues, d'histoires racontées avec une prouesse de synchronisation dans la simultanéité ou dans l'enchaînement, même les yeux bandés. Le chef d'orchestre compose et dirige avec une poésie toute particulière, une finesse millimétrée dont on calcule l'immensité, et bien que tout au long de l'oeuvre visuelle on ne puisse s'empêcher de chuchoter des "wouah" enthousiasmés, à la fin, on n'a plus du tout envie de murmurer, mais seulement de crier un immense "bravo et merci, l'artiste, pour ce que tu as créé !". # écrit le 01/07/24
Lorsqu'on n'est pas pleinement satisfait de sa vie, il faut pourtant s'y accrocher. Et surtout composer avec des éléments du passé que l'on ne peut plus changer. Et s'il en était autrement ? Si justement il était possible de revenir sur ces étapes hasardeuses, ces maillons ratés, ces virages que l'on a pris trop larges ou trop serrés ? En clair : si notre propre biographie pouvait être modifiée ? Autrement dit, imaginez qu'une équipe d'acteurs vous aide à recomposer les moments de failles, de mauvaises décisions, voire d'échecs de votre existence. Vous y joueriez ? En adaptant le livre de Max Frisch, Frédéric Bélier-Garcia s'essaie à sa première mise en scène. Et pour compenser la singularité du texte qui repose sur toutes sortes d'étrangetés, il minimise les risques en faisant appel à la sublime Isabelle Carré, l'une des meilleures actrices que l'Hexagone puisse compter, et à José Garcia qui souhaite délibérément s'écarter de l'humour pour aborder des sujets si ce n'est graves, en tout cas moins légers. Bonne pioche car avec ces deux pointures qui ne trichent pas, c'est un double six, qui permet de relancer. Sans eux, la difficile règle du jeu aurait sans doute été bien moins aisée à déchiffrer. Mais là, seuls les mauvais perdants refuseront d'admettre qu'ils ont gagné la partie, et en feront toute une histoire, alors qu'il suffit de la réécrire... # écrit le 24/06/24
Sébastien Castro est étonnant. Pas seulement pour sa voix, qu'il n'a pas choisie, mais aussi pour la voie qu'il a choisie. A sa première pièce, J'ai envie de toi, succède Une idée géniale. Et on peut dire qu'il reste dans les mêmes codes, ceux qu'il affectionne. Bienvenue, donc, dans la véritable comédie de boulevard, qui ouvre une avenue aux clichés les plus élémentaires de quelques années ou même décennies en arrière. A cela près, bien entendu, qu'il rend le tout plus actuel. Sa passion pour le genre sacré du divertissement est dépoussiérée, revitalisée, elle apporte le petit truc en plus qui fait dépasser les limites du scénario classique et apporte le coup de fouet nécessaire à séduire le public des années 2020... Entouré de bons acteurs, il réalise une mise en scène qui fait décoller l'ambiance dans la salle. Et après tout, c'est cela, la modernité. Avoir une idée géniale, et en faire une oeuvre éponyme. # écrit le 21/06/24
Ah, tous ces tubes, dont on connaît, à peu de choses près, plus ou moins approximativement les paroles... Le franglais a du bon, il a même bon dos. Cinq décennies de titres mondialement connus sont reprises par des acteurs - chanteurs qui ne mâchent pas leurs mots mais les traduisent tous, pour témoigner la plupart du temps de leur absurdité, dont on n'a pas toujours conscience... C'est depuis 2010 que le show (ou le chaud, si on le francise) se produit, avec plus de 1500 représentations et plus d'un million de spectateurs ! Nominé aux Molières 2015 pour le meilleur spectacle musical et Prix du public 2023 des Trophées de la Comédie musicale, ce divertissement pour toute la famille n'a qu'à annoncer sa longévité pour prouver son succès. Réarrangée plusieurs fois et s'adaptant à l'actualité, l'écriture est formidable mais l'interprétation l'est tout autant. A Bobino ou ailleurs, l'ambiance survoltée est affolée, le rythme électrifiant est affolant. On l'aura compris, les Franglaises, c'est good à voir et à revoir. Alors sur n'importe quel hit, le hot must go on ! # écrit le 04/06/24
Non, c'est certain, Alexis Michalik n'a plus besoin de montrer patte blanche, depuis déjà un moment. Il fait rimer chaque nouvelle pièce avec oeuvre maîtresse et en proposant cette petite dernière, Passeport, il va encore nous jouer un sort. Changement de décor. Cette fois-ci, nous voyageons dans un endroit peu exotique mais coloré : la "jungle de Calais". Peu de ressemblance avec la sublime salle du Théâtre de la Renaissance, en revanche des acteurs hauts en couleurs, qui jouent avec notre coeur, en exprimant ce qu'ils ont sur le leur. Il est question d'immigrants évidemment, mais d'identité avant tout, avec une pincée d'amour et une bonne dose d'humour. Et bien entendu, parce qu'on connaît le style du dramaturge, on ne peut que s'attendre à un spectaculaire rebondissement. De ceux qui révolutionnent le Théâtre et font que, sans surprise, Passeport a mérité un visa pour les Molières, avec la nomination de Kevin Razy en tant que second rôle. Allez, laissez passer ! # écrit le 12/05/24
Ressortir en 2023 une comédie musicale mythique datant de 1979, évidemment, ça fait beaucoup de bruit. Mais pas n'importe lequel, plutôt du beau son. En effet, Starmania, c'est avant tout une partition bien fournie, de morceaux emblématiques : Quand on arrive en ville, Le monde est stone, Ziggy, Le blues du businessman, Les uns contre les autres, Besoin d'amour... Michel Berger et Luc Plamondon ont créé un véritable chef d'oeuvre avec ces titres que bon nombre de personnes de goût doivent fredonner sans parfois même savoir d'où ils proviennent. Alors, plusieurs décennies plus tard, le spectacle est-il aussi... spectaculaire ? Les années sont passées et la technologie a évolué donc, sur ce plan, oui, il y a d'imposants décors, l'insertion d'écrans géants et des lumières qui vont et viennent de partout. L'atmosphère est cependant plus sombre que par le passé, moins colorée, ce qui est un peu dommage. Mais ce qui est plus surprenant, c'est surtout là où la technique n'a rien à voir, à savoir la voix ; et force est de constater que certains ne l'ont pas trouvée ou continuent à la chercher. Ce n'est pas rendre grâce à la grande salle de la Seine musicale qui aura accueilli des dizaines de milliers de curieux voulant (re)découvrir la nouvelle édition d'un coup de génie auquel d'autres se frotteront encore, c'est certain. Et on applaudira de nouvelles vedettes, dans un zénith ou au-delà, avec cette manie de faire briller des stars ! # écrit le 02/05/24
Elle voulait être la reine de la fête, la jolie Sophie, en épousant son prince charmant. Mais s'était elle suffisamment préparée aux diverses embûches qui parsèmeraient son parcours, de l'absence d'un père à l'immixtion de sa mère et de ses amies, et bien entendu de phases de doutes efficacement entretenus par les différents cercles de son entourage ? Imaginait-elle qu'il fallait d'abord passer par l'adversité avant de pouvoir, en principe, vivre le plus beau jour de sa vie ? Que l'on se rassure, la comédie musicale Mamma mia ! a été composée en 1999, à une époque où l'on n'envisageait rien d'autre qu'une happy end aux histoires d'amour, ce que d'ailleurs recherche le public, à en juger par son succès sans faille depuis des décennies. Et, parce que les spectateurs pourraient aussi avoir quelques craintes, même aujourd'hui, le spectacle demeure joyeux et divertissant, d'une fraîcheur savoureuse et gourmande. Comme la fraîcheur d'une glace... à l'italienne... # écrit le 29/04/24