" Denise jardinière vous invite chez elle ", dans une conception tout à fait originale de Thibaut Boidin au théâtre Essaïon, vous surprendra tant cet homme est délirant de malice. Ce gars du ch'nord, à l'âme généreuse, originaire d'un p'tit patelin " Seclin " mais qui a tout de même sa sortie sur l'autoroute du nord, vous accueille chez sa patronne Denise. Une invitation que vous ne pouvez, ne devez pas refuser. Surtout qu'il ne pouvait pas rêver mieux que l'intimité de ce théâtre pour dresser la table de la réception : une cave voûtée qui se prête à merveille à l'ambiance si particulière qui s'y dégage. Cette gouvernante, dès votre entrée dans cette atmosphère qui ressemble à un lieu de culte avec ses chants, ses bougies, ses parfums, vous hypnotise par son regard ; ses rituels vous surprendront mais ne soyez pas effrayé, elle ne vous veut que du bien, même si parfois ses sauts, ses cris peuvent vous glacer d'effroi. C'est un spectacle 100% interactif dans le bon sens du terme. Point de misères vous attendent, uniquement des crises de fou rire, car le but de cette soirée est bien de vous divertir, que vous ressortiez heureux de cette aventure, je dis bien aventure... Pensez donc le producteur David Coudyser m'a même confié que certains spectateurs venaient pour la quinzième fois tant le spectacle varie d'une représentation à l'autre et qu'ils sont heureux de revenir. Forcement puisque le public à sa part de réussite dans cette entreprise, et ce soir là nous avons été gâtés par la présence d'Arnaud, un beau gosse qui s'est laissé au fur et à mesure gagné par le jeu avec ses belles trouvailles et réparties. Il dira même à la sortie, lors du passage vidéo, que vous pouvez voir sur la page Facebook : " c'est un amour qui commence ! ". C'était délicieux de voir Arnaud qui commençait à transpirer devant les oeillades de la gouvernante pendant qu'elle-même avaient les joues qui rosissaient. J'y ai trouvé une belle poésie comme fil conducteur de cette réception. Une gouvernante bienveillante, au service depuis de nombreuses années de sa patronne Denise, qui veut que tout soit parfait avant son arrivée, en commençant par endormir son fils Denis avec votre contribution en racontant une histoire et en chantant une berceuse. Thibaut Boidin a reçu une formation à l'école du mime Marceau, par le maître lui-même, et cela se sent dans sa façon de se déplacer sur scène, dans sa préhension des accessoires. Je revois encore dans ses expressions le sourire et l'oeil qui frise de " Bip " dont il a hérités (quel beau souvenir que d'avoir eu la chance de voir Marcel Marceau sur la scène du théâtre des Champs-Elysées). Un regard, un sourire, un déhanché, tout est précisément à sa place dans son jeu tout en émotion. Il pourrait sembler brouillon, mais ne vous y trompez pas, il faut un sacré métier pour s'adapter, à chaque représentation, aux spectateurs qui auront généreusement accepté d'y participer. N'essayez pas de vous cacher derrière votre voisine ou voisin, de vous enfoncer dans votre siège, elle vous trouvera et vous en redemanderez : elle ne vous veut que du bien. Courrez voir ce phénomène au nom de Thibaut Boidin : il est génial, on rit beaucoup. Un gros challenge l'attend cet été puisqu'il se produira à Avignon dans le théâtre " la Tâche d'encre ". Et si vous ne pouvez pas venir l'applaudir au théâtre Essaïon, sachez qu'il peut venir chez vous pour une animation dont vos invités s'en souviendront longtemps, succès assuré, ils vous remercieront pour le rire qui les aura envahi. C'est d'ailleurs dans son appartement, en janvier 2012, qu'il a créé ce spectacle. Vous comprendrez que je ne pourrai pas vous en dire plus sur ce spectacle qui a dépassé les 260 représentations et les dix mille spectateurs au risque de vous dévoiler toutes les surprises, les rebondissements que cette gouvernante vous réserve. Je me demande d'ailleurs pourquoi je ne l'ai pas vu avant ? Un bouche à oreille qui fonctionne efficacement. # écrit le 06/03/19
" Un coeur sauvage " de Christophe Botti mis en scène par Frédéric Maugey au théâtre Le Funambule est une ode à la Jeunesse, à l'Amour, à la Différence, à la Tolérance. Cette pièce écrite en 2005 est plus que d'actualité avec cette montée de l'homophobie que l'on constate malheureusement en France de nos jours. Comment dans ces conditions des jeunes adolescents peuvent-ils faire leur " coming out " et vivre leur sexualité au grand jour sans avoir peur des représailles, qu'elles soient familiales ou de la société. Comment accepter le suicide pour réponse ? Sur scène, trois lycéens, adolescents de 17-18 ans que nous suivons avec tendresse et humour dans leur parcours de vie, dans leurs premiers émois, dans leurs recherches d'identité. Prisonniers du carcan de cette société, de ses normes, dans laquelle ils vivent, avec leurs maladresses, leur vocabulaire, dans une pièce très bien écrite, ils vont oser mettre des mots sur leurs situations. Ils vont se débattre pour éclore, pour comprendre comment ils sont faits, à la découverte de leurs corps, pour vivre et grandir tout simplement au milieu de ces adultes dont un jour ils feront partie. Faut-il renoncer à son identité pour se fondre dans le moule de cette société où le regard des autres peut-être destructeur, où combattre, l'accepter et la revendiquer ? D'ailleurs pourquoi combattre ? N'oublions jamais les paroles d'Aznavour dans sa chanson " Comme ils disent " : " et je précise, que c'est bien la nature qui est seule responsable si je suis un homme, oh !, comme ils disent... ". Une fille, deux garçons : trois coeurs sauvages qui vont essayer de s'apprivoiser dans un triangle amoureux : amitié, amour : où est la frontière ? Dans cette pièce il n'est point question de morale, au contraire leurs échanges sincères vont leur permettre de matérialiser leurs sentiments, Nathan amie d'enfance de Virginie ne ressent rien quand elle ose l'embrasser ; en revanche son coeur palpite quand il rencontre le petit ami de Virginie : François. Elle qui s'est retournée vers lui quand elle s'est sentie rejeter, bien malgré lui, par Nathan. Nathan qui se réfugie dans le dessin pour exprimer ses sentiments qu'il a envers François. Un François qui dans un premier temps le rejette lui aussi mais qui au fil des jours, des rencontres avec Nathan va finir par lâcher prise et être troublé par cette relation naissante. Les mains se touchent, les lèvres s'effleurent, les bouches s'unissent, les corps s'assemblent, et c'est l'explosion, la confirmation de sa nature, s'affirmer, mais aussi le doute qui s'installe, le rejet comme défense : comment s'accepter ? Oser franchir le pas, mais dire à 17 ans que l'on est différent de ce que la société voudrait, que l'on est homosexuel, c'est malheureusement accepter d'être harcelé, pour eux au lycée. Dans une écriture qui nous interpelle, Christophe Botti dépeint avec réalisme les turpitudes de cette jeunesse face à son avenir. Cette jeunesse qui rêve elle aussi de fonder une famille, d'être heureuse mais à sa manière, dans son choix de vie. Nathan est joué par Douglas Lemenu avec sensibilité et émotion ; pour sa première fois sur scène il donne vie à ce personnage tout en interrogation sur sa sexualité. Il est frais, il capte notre regard, il nous émeut. Virginie, jouée par Léa Malassenet, est secouée entre deux " hommes ", elle donne beaucoup de tendresse à son rôle en découvrant ses sentiments pour ses amis. Thomas Violleau joue François avec intelligence et fragilité, celui qui a bien du mal à s'y retrouver dans son intimité. Frédéric Maugey, dans sa mise en scène fluide qui va à l'essentiel, dirige ces trois jeunes comédiens tellement justes dans leurs interprétations, à l'unisson dans leurs jeux. Ils ont la passion pour moteur. Ils méritent d'être encouragés. La musique d'Abel L donnent de la couleur à ces rencontres sous les lumières de Nicolas Laprun dans une scénographie de Julien O. " Un coeur sauvage " qui donne envie de connaître la trilogie dont il est issu avec " Un coeur en herbe " et " Un coeur de père ". # écrit le 05/03/19
" Songes d'un illusionniste " dans une conception originale de Rémi Larrousse au théâtre Lepic : un voyage dans le monde de ses, de nos rêves aussi surprenant que fascinant. C'est devant une salle comble que c'est produit Rémi Larrousse pour la première de son spectacle et pour ma part c'est le quatrième auquel j'ai assisté sur les mentalistes. Avec toujours autant d'émerveillement, comme pour les enfants présents dans cette salle, je me suis laissé séduire par tant de charisme. Rémi Larrousse, le jeune fascinant diplômé de Sciences Po et récompensé, s'il vous plaît, d'un Mandrake d'or en 2014, nous propose d'explorer ses rêves, ses cauchemars en prenant bien soin de nous diriger vers les nôtres. Habilement il se connecte à nos cerveaux, car il faut bien parler de connexion pour arriver à un tel résultat toujours aussi bluffant. Sans trop de contacts, à ma grande surprise, dans une mise en scène dépouillée, il plonge dans l'intimité des volontaires pour en dévoiler avec talents leurs secrets les plus enfouis, les plus intimes ; mais peut-on parler avec un mentaliste aussi performant de volontaires... C'est fascinant le chemin qu'il parcoure pour y arriver, cela reste une très grande énigme ; mais faut-il vraiment vouloir connaître les ficelles de ses tours de magie, nous savons qu'il y a un truc, mais à quoi bon... Un chemin qui parfois le conduit sur un tas de verre pilé qu'il traverse pieds nus et dont il ressort indemne ; lui qui aime être pieds nus sur scène afin d'améliorer sa connexion avec nous. Il est tout simplement troublant. Magie, illusionnisme, mentalisme : un trio qui vous laisse sans voix. Pour apprécier pleinement son spectacle, il faut accepter de se laisser transporter dans son monde rempli de poésie, un monde moderne où la musique de Romain Trouillet (qui n'en n'est pas à son coup d'essai après " La machine de Turing " et " Le cas Eduard Einstein ") est une clé qui permet à Rémi Larrousse d'ouvrir les portes de notre subconscient. Une musique qui nous invite au voyage, qui nous berce, qui nous transporte dans un monde parallèle et nous laisse à la merci de ses expériences. Des expériences rythmées par des métronomes qu'il mène avec humour dès que les lumières de Florian Gerbe s'éteignent et laissent place aux surprises qu'il nous réserve. Des lumières qui joueront à nos dépens un rôle dans cette aventure. Dès le début, il confie à un spectateur la clé de l'énigme finale. Un final époustouflant, digne des plus grands mentalistes. La collaboration artistique de Valérie Lesort met en valeur dans le décor de Sarah Bazennerye, évoquant des images de rêves entre la réalité et la fiction, le talent de Rémi Larrousse. Avec une force de persuasion indéniable, une voix captivante, il a l'art et la manière de créer l'illusion, de rendre naturel, simple ce qui peut pourrait paraître compliqué, absurde : son intuition le conduit directement vers la bonne réponse. Faites confiance à votre mémoire, n'hésitez pas à lui confier, vos rêves, vos cauchemars, vous serez surpris de voir comment il arrive à les dévoiler. Laissez-vous embarquer dans un voyage aux frontières du réel où vos rêves deviennent réalité et attention quand vous manipulez le cadenas... lebilletdebruno.com # écrit le 03/03/19
" Holiday On Ice " au Palais des Sports de Paris avec leur nouveau spectacle " Showtime " fête leur 75ème anniversaire dans un show grandiose, avec pour marraine cette année la patineuse Nathalie Péchalat. Un peu d'histoire nous permet de comprendre la genèse de cette fabuleuse aventure sur glace qui se poursuit d'année en année depuis 75 ans. Holiday On Ice a été créé par Carl Snyder et Donn Arden et joué pour la première fois le 25 décembre 1942 à Toledo dans l'état de l'Ohio des Etats-Unis. Et comme ce spectacle sur glace prit naissance pendant les vacances de Noël, il s'est tout naturellement appelé " Holiday On Ice ". C'est à partir des années 50 que la production viendra enchanter les spectateurs européens, notamment dans un premier temps en France, Belgique et Italie. Les organisateurs n'ont pas lésiné sur les moyens pour nous en mettre plein la vue. Un tourbillon de lumières, de musiques, une quarantaine d'artistes à la renommée internationale évoluent sur la glace avec grâce et harmonie. La direction artistique est assurée par Kim Gavin à qui on doit par exemple une mise en scène de l'artiste Robbie Williams ou encore celle de la cérémonie de clôture des jeux olympiques et paralympiques de Londres. Pour les magnifiques chorégraphies, ils ont fait appel à Robin Cousins, le célèbre champion olympique britannique de patinage artistique en 1980 aux jeux de Lake Placid. Mais que serait cette magie du spectacle sans les très jolis costumes aux paillettes multicolores scintillantes de Michael Sharp que nous admirons par centaines. Les changements de tableaux dans les superbes décors de Misty Buckley se font à une vitesse folle pour conserver le rythme endiablé de ce Showtime ! Beaucoup de superlatifs pour qualifier ce spectacle, mais ils le méritent tant nos yeux et nos oreilles sont éblouis par cette profusion de beauté. Avant de nous embarquer pour deux heures de spectacle, un groupe de musiciens passe dans les allées pour cultiver l'ambiance et l'impatience qui naissent dans les gradins. Les patineurs ont pour mission de nous raconter l'histoire de cette mythique aventure qui démarra en 1943. Un incroyable voyage des origines à nos jours en se projetant même dans le futur. Tout débute avec un tableau sur les auditions qui permet de mettre en avant les performances techniques des patineurs avec beaucoup d'humour. Mon seul petit regret, si je dois en avoir un, est qu'étant habitué à voir les compétitions de patinage artistique, je n'ai pas vu de belles combinaisons de sauts. Nous poursuivrons avec les émotions qui se gagnent en coulisse où le producteur devra faire preuve de patience pour mener à bien le montage de sa revue : une mise en scène spectaculaire tant sur la glace que dans les airs en sera sa récompense. Un train fera même son apparition sur la glace. Tant de fabuleux tableaux à découvrir : vous irez de surprise en surprise. Au milieu de cette féerie, nous admirons aussi la puissance et la grâce de deux trapézistes aux impressionnantes figures de voltige qui nous ont donné des frissons. C'était ma première fois pour un tel spectacle et c'était grandiose, avec un final en feu d'artifice et plumes comme dans les plus grandes revues de Las Vegas. Un spectacle à voir en famille. lebilletdebruno.com # écrit le 01/03/19
" Voyages avec ma tante " de Graham Greene adaptée et mise en scène par Nicolas Briançon au théâtre Hébertot est une pure merveille de drôlerie (un humour british comme il l'affectionne avec sa nouvelle création " Le canard à l'orange " où il excelle avec François Vincentelli). Henry Pulling vieux garçon qui cultive une passion pour les dahlias et employé de banque à la retraite, ce qui n'arrange rien, va redécouvrir sa tante Augusta lors de la cérémonie de crémation de sa défunte mère, par la même occasion soeur de la défunte. Dès les premières répliques, nous sommes captivés par cette histoire et nous savons que nous allons beaucoup rire. Comme quand vous lisez une pièce de théâtre et que dès la première page vous savez que cela sera un succès. Nos quatre gaillards se rencontrent lors de la cérémonie et se disent : " Comment allez-vous ? " Et c'est partie pour plus d'une heure, qui passe trop vite, d'un humour anglais qui pétille à chaque réplique, à chaque situation. Je n'ai jamais rien projeté d'illégal, dit-elle, comment le pourrais-je ? Je ne connais pas la loi ! Pendant ce périple, Claude Aufaure, Jean-Paul Bordes, Dominique Daguier et Pierre-Alain Leleu vont interpréter une trentaine de rôles et chacun leur tour celui de la tante Augusta. Autant vous prévenir, soyez à l'heure (cela changera, une manie en France d'arriver en retard....) et ne ratez le départ de l'Orient-Express ou vous aurez du mal à suivre.... C'est 1969 que Henry Graham Greene publie son livre. Un voyageur dans l'âme, lui qui avait la bougeotte, puise dans ses aventures toutes les rencontres qui nous entraînent dans des lieux insolites : il a l'art du récit qui captive son auditoire. En filigrane, avec son humour pince sans rire et beaucoup d'amusement, il prend de la distance avec sa personne, lui qui a eu une enfance assez perturbée, et pose la question sur le sens que l'on donne à sa vie. Nos quatre héros sont fabuleux, ils savent tout jouer dans toutes les situations et ne rechignent devant aucun sacrifice pour nous faire rire. Le fait de permuter en continuité leurs rôles donne encore plus de saveur à ce rocambolesque périple. Chacun apporte sa personnalité et donne le meilleur de lui-même. Claude Aufaure que je venais d'admirer quelques jours auparavant dans " 7 morts sur ordonnance " joue un british plus vrai que nature. Il est d'une vivacité joyeusement drôle dans le rôle de la tante quand il minaude. Il distribue les cartes avec délicatesse. Une belle performance lui qui enchaîne le même jour les deux pièces. Pierre-Alain Leleu mérite un accessit pour ses compositions, comment ne pas être écroulé de rire quand il est un perroquet ou un chien et d'une dignité dans le rôle de la tante. Jean-Paul Bordes engendre une touche de douceur avec sa voix chaude et rassurante. Quand à Dominique Daguier il est irrésistible dans son rôle de Woodsworth, il apporte un détachement à surmonter les obstacles des plus comiques. Un quatuor qui ne se prend pas au sérieux mais qui est présent sur scène pour nous faire partager sa passion du théâtre. La mise en scène de Nicolas Briançon remplie de trouvailles est d'une fluidité et d'une précision nécessaires à la construction de cette aventure. Les accessoires se résument à des chapeaux et des chaises. Il a su les imbriquer les uns dans les autres pour nous faire voyager avec cette irrésistible tante : il a avec beaucoup de fantaisie rendu touchant ce personnage. Chapeau bas Monsieur Briançon : un remarquable travail qui justifie amplement le Molière que vous avez reçu en 2015. # écrit le 27/02/19
" Le Misanthrope " de Molière dans une mise en scène simple mais efficace de Peter Stein au Théâtre Libre : une vision très sombre du personnage donnant priorité au texte. Le Misanthrope est une comédie mais pas comme celles dont nous avons l'habitude de nous régaler avec Molière, comme par exemple " L'école des femmes " ou " Tartuffe " ; ici point de bouffons qui font rire dès leurs entrées, même si Alceste apparaît avec des rubans verts sur ses manches, signe de reconnaissance en son temps. Nous avons à faire à un personnage fortuné de la haute cour, en bel habit. L'argument de cette pièce est des plus simples et va tenir cinq actes. Une scène très drôle lorsqu'apparaît Oronte joué tout en finesse par Jean-Pierre Malo, celui par qui la foudre d'Alceste va donner toute la mesure de son courroux. Il est irrésistible dans la lecture de son sonnet qui soyons honnêtes est bien d'une médiocrité sans nom et donne raison à Alceste joué par Lambert Wilson. Lambert Wilson nous délivre par sa généreuse interprétation une facette de sensibilité qui vient en opposition avec la noirceur du personnage, malgré ses nombreux coups de sang devant la sottise humaine qui le font débouler comme un jeune taureau dans un jeu de quilles. Il en devient touchant dans son combat amoureux, lui qui n'arrive pas à décrocher le coeur de sa bien aimée Célimène et qui repartira seul dans son désespoir. Célimène, de sa jeunesse, elle ne veut pas se priver, elle veut vivre sa vie et ne pas s'enfermer, s'éloigner du monde comme pourrait l'en priver Alceste si elle le suivait. Pauline Chevallier joue cette Célimène avec la grâce et la légèreté d'une danseuse. Elle esquive les situations comme des sauts d'un jeune félin qui sort ses griffes à l'occasion. Son valet Basque joué par Patrice Dozier est un exemple de simplicité : un petit rôle pour un grand bonhomme. Gravitent autour de nos héros, Eliante, la cousine de Célimène jouée par Manon Combes, un jeu tout en coquetterie au sourire réjouissant. Brigitte Catillon joue cette vieille fille aigrie avec beaucoup de classe. Paul Minthe et Léo Dussolier dans les rôles des deux petits marquis, Acaste et Clitandre, jouent à la perfection ces deux êtres prétentieux, efféminés, à la conversation plus que limitée. Jean-François Lapalus dans Dubois et Dimitri Viau dans le garde de la Maréchaussée complètent cette brillante distribution, sans oublier les valets joués par Arthur Alexiu et Gauthier Buhrer. Un Misanthrope dont au aurait tort de se priver. # écrit le 26/02/19
-c'est frais, c'est jeune, c'est réussi ! " Le Paris de Scapin " d'après " Les fourberies de Scapin de Molière " dans une adaptation et une mise en scène d'Alan Aubert Carlin au théâtre Clavel est une joyeuse farce qui met en joie. Cette comédie en prose de Molière trouve toute sa place dans cette adaptation qui laisse libre court à tout l'imaginaire de la troupe sous la direction d'Alan Aubert Carlin dans le rôle de Scapin. Avec des airs de " flon flon " à l'accordéon par la très discrète Anne-Sophie Valentine, nous allons assister à l'histoire, de ces deux jeunes amoureux, transposée sur la terrasse ensoleillée d'un café dans les années 50 tenu par Mme Argante (ici M. Argante devient Madame) une tenancière pas très catholique où une prostituée aura ses habitudes... Tout commence sur une chanson d'Edith Piaf, mais toute la structure de la pièce est respectée dans cette adaptation. C'est un spectacle rempli de jeunesse, de fougue, à la bonne humeur communicative. C'est propre, c'est clair, c'est net, on ne voit pas le temps passer : Molière aurait aimé. Paul Margenest joue un Octave romantique, très amoureux de sa Hyacinte, ici une nouvelle riche dont l'argent lui brûle les doigts, jouée tout en fraîcheur par Estelle Darazi. Son ami Léandre, le dur à cuire fougueux quant à lui est interprété par Morgan Laquerre. Les parents ne sont pas en reste : Mme Argante jouée par Daria Levannier est une femme autoritaire qui tient la dragée haute à son petit monde : une main de fer dans un gant de velours. Elle est très drôle et donne beaucoup de piquant à cette farce. Le père, Géronte, est Jean-Pierre Hutin, l'avare de service sous les traits d'un mafieux qui s'en prend plein le dos pour notre plus grand plaisir. Zerbinette, la petite ingénue au caractère bien trempé prend les traits de Clémentine West. Son petit air fripon est un soleil dans cette comédie. Pour compléter ce tableau Alex Vicaire est le garçon de café au service de Mme Argante, tel un poisson qui suit le courant qui lui est favorable ; et pour finir ce personnage de la prostituée au service de sa mère maquerelle, Mme Argante, qui rassemble à elle seule les petits rôles voulus par Molière et qui est tenue dans une très belle humeur par Céline Motte. Mais n'oublions pas notre Scapin joué par Alan Aubert Carlin, un Scapin roublard au possible, à l'énergie débordante. C'est d'ailleurs dans cette belle énergie qu'il a mis en scène son adaptation très réussie. " Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? " tout simplement rire comme je vous le conseille ! # écrit le 26/02/19
-une parure délicate " La parure " de Guy de Maupassant adaptée par Annie Vergne et mise en scène par Isabelle Delage au théâtre Le Guichet Montparnasse est une nouvelle réaliste mais pessimiste sur un air de valse impériale... Apparaît sur scène un petit bout de femme avec sa voilette sur la tête, que nous pourrions qualifier de banale, au regard affolé qui vient nous conter son histoire. Guy de Maupassant célèbre pour ses romans comme Bel-Ami et surtout pour ses nouvelles qui l'ont enrichi, avec sa très belle écriture nous entraîne dans une histoire où l'être et le paraître sont les deux valeurs qu'il souligne. Quand on sait que l'action se passe avec un couple dont le mari est un employé du ministère de l'instruction publique, la situation devient cocasse car Maupassant a travaillé dans ce ministère. Avec entrain, légèreté, le visage lumineux, le sourire accrocheur, Annie Vergne déploie toute son énergie pour nous rapporter tous les malheurs de Mathilde Loisel, une femme qui ne se satisfait pas de sa condition. Pendant une décennie de galère nous suivrons son parcours, un parcours initiateur vers une prise de conscience que sa précédente vie n'était peut-être pas la plus enviable. Que le paraître n'est certainement pas un choix de vie sain mais en revanche qu'il vaut mieux s'orienter vers le " être ", se satisfaire des joies de la vie de tous les jours sans pour autant renoncer à ses ambitions. Rien ne sert de dévoiler la fin de cette histoire mise en scène " musicalement " par sa complice Isabelle Delage, rendez-vous au théâtre pour aller écouter avec délice Annie Vergne qui vous comblera avec les mots de Guy de Maupassant dont les descriptions de cette société du paraître sont criantes de vérité : une historie très proche de l'actualité... # écrit le 26/02/19
-à ne pas manquer La machine de Turing est une machine infernale dans laquelle Benoit Solès joue, pour sa première parisienne, sa partition avec brio sans aucune fausse note dans une mise en scène de Tristan Petitgirard, issu d'une famille de musiciens et cela se sent. Sans oublier Amaury de Crayencour qui par ses différents rôles permet à Benoit Solès de nous glisser dans l'intimité d'Alan Turing, afin de comprendre toutes les complexités du personnage. Le destin d'un être exceptionnel, d'un mathématicien de génie qui a su décrypter l'encodeuse " Enigma " des allemands pendant la seconde guerre mondiale, permettant ainsi de sauver des millions de personnes et d'un homosexuel rejeté par une société pudibonde : homosexualité tolérée hypocritement dans les milieux scientifiques et intellectuels britanniques. Il ne faut pas oublier que jusqu'en 1967 l'homosexualité était un délit aux yeux de la justice britannique ! Roos : Savez-vous qu'au regard de la loi c'est une perversion, un crime ? Turing : Le seul véritable crime, c'est la honte de soi et le conformisme. Il aurait dû être traité comme un héros mais en contrepartie il n'y a eu de leur part qu'ingratitude même si en 2013 le reine Elisabeth II le graciera : nul n'est prophète dans son pays. Benoit Solès a choisi de nous plonger dans la vie de Turing pendant l'hiver 1952, au moment où il va déposer plainte pour un cambriolage dans sa maison. Au travers de flash-back, de séquences formant un puzzle très réussi, très maitrisé, nous comprenons les principaux évènements qui l'on amené jusqu'à cette issue. Aujourd'hui les vidéos dans le théâtre sont à la mode, mais celles de Mathias Delfau sont très réussies et apportent une vie à cette vie. Tristan Petitgirard a su s'entourer d'Artisans connaissant leurs métiers : un décor d'Olivier Prost fonctionnel souligné par des lumières de Denis Schlepp et des costumes de Virginie H. montrant le côté brouillon de Turing ; le tout harmonisé avec une musique de Romain Trouillet mettant en valeur les sons de la " machine " qui orchestra la vie de Turing. Tristan Petitgirard, assisté d'Anne Plantey, signe une mise en scène fluide, rythmée, enchainant les séquences du puzzle avec une musique légère, tonique, comme celle faite par les engrenages de la machine. Benoit Solès (récemment dans " Rupture à domicile " écrit et mise en scène par Tristan Petitgirard) joue un Alan Turing plus vrai que nature, il met toute sa sensibilité au service du personnage, avec son oeil rieur, son rire particulier. Il nous fait découvrir une partie de sa vie privée qui demeurait dans l'ombre. Avec conviction, intensité, il met en valeur la complexité de Turing qui était plus à l'aise pour résoudre les équations mathématiques que dans les rapports humains. Amaury de Crayencour (remarqué dans les séries télé avec le médecin et le gendre sexy mais notamment dans " Le porteur d'histoire " d'Alexis Michalik) avec la très bonne idée, le très bon choix de Benoit Solès, interprète les quatre rôles qui donnent la réplique à Turing, dont trois auront une présence significative dans sa vie. Il passe de l'un à l'autre avec aisance, avec son oeil charmeur, sa voix des bas fonds et donne toutes les épaisseurs nécessaires à la crédibilité des personnages. Oui cette pièce est une réussite, Benoit Solès a brillamment écrit le destin hors-norme d'un homme au destin incroyable. La salle était suspendue à ses lèvres jusqu'aux applaudissements fournis mettant fin à une belle histoire. Vous l'aurez compris, un coup de coeur que je souhaite que vous partagiez. # écrit le 26/02/19
« Tailleur pour dames » de Georges Feydeau, pièce écrite pendant qu’il était à l’armée en 1884, seulement âgé de 23 ans, créée le 17 décembre 1886, est son premier succès. Celui qui sortit de l’impasse son ami Fernand Samuel (de son vrai nom Adolphe Louveau) directeur du théâtre de la Renaissance où elle a été créée et où il en fut le secrétaire général. A cette époque, Georges Feydeau avait devant lui un certain Eugène Labiche, déjà très connu. En s’attaquant à une pièce en trois actes, il ne prétendait pas révolutionner le vaudeville, il voulait en acquérir, assimiler la technique, pour aller jusqu’au bout des possibilités qu’offre cette forme de théâtre de divertissement. Nous pouvons dire qu’il en a parfaitement compris les mécanismes et qu’aujourd’hui encore ses pièces indémodables font beaucoup rire le public qui les plébiscite. Feydeau c’est aussi des entrées, des sorties à foison, des portes qui claquent, des personnes qui se rencontrent dans des postures toutes plus drôles les unes que les autres et qui surtout qui n’auraient pas dû se croiser, pour au final dénouer toutes les situations qu’il a embrouillées à plaisir, le tout dans un rire qui va crescendo. Des personnages qui jouent une tragédie à l’envers, qui font rire parce qu’ils doivent jouer avec sincérité leur drame : c’est cela la force de Feydeau. Eh bien Jean-Marie Ledo a réussi la gageure d’adapter et de mettre en scène avec de belles trouvailles cette pièce, au tempo particulièrement rapide, dans le petit théâtre du Guichet Montparnasse où sans les portes, il nous a embarqué dans l’esprit et la folie de Feydeau. Pour mémoire, c’est l’histoire du docteur Moulineaux, un galant homme qui pour cacher ses frasques, ses mensonges, à sa jeune épouse, doit se faire passer pour un couturier. Un rôle tout en acrobatie, qui demande beaucoup d’énergie, mené de main de maître par Jean-Marie Ledo. Il sera perturbé dans son entreprise par Bassinet, le roi de la gaffe, de surcroît raseur, qui n’en ratera pas une pour compliquer sa tâche, un rôle joué tout en malice et aux bretelles colorées par Régis Debraz. Moulineaux devra faire bonne figure devant son épouse jouée tout en énergie par Karine Malleret mais qui aura dans ses pattes, sa mère Mme Aigreville bien décidée à protéger sa fille, jouée par la plaisante Michelle Sevault. Ce bon Moulineaux amoureux fou de sa maîtresse, Suzanne Aubin, par qui tous les quiproquos vont se déclencher, est jouée tout en retenue par Natacha Simic : un comique tout en douceur et légèreté. Mais c’est sans compter son mari M. Aubin qui sera là pour empêcher de démêler le fil des malentendus, joué par le singulier Jean-François Labourdette. Pour corser un peu le dossier, un mari Aubin qui aura aussi sa petite aventure avec une cocotte au nom évocateur de Rosa Pichenette, reconvertie, jouée tout en plumes par Maïna Louboutin. Et pour conclure, le chef d’orchestre de ce bal, celui qui distribuera les cartes, celui qui est notre représentant, celui qui a eu mon petit coup de cœur : le valet de chambre Etienne à l’œil coquin, la moustache qui frise et la voix profonde, joué par Olivier Ducaillou. Georges Feydeau meurt à 58 ans, lors de son enterrement le 08 juin 1921, Robert de Flers, Président de la Société des auteurs et ami de Feydeau, prendra la parole dans le cimetière de Montmartre pour dire que son œuvre est le fidèle reflet de sa vision du monde : « De cette contemplation, vous aviez tiré des leçons profondes. Elle vous avait appris à cacher la laideur de l’existence sous son comique, sa mélancolie sous sa folie, et, plutôt que de laisser vos personnages s’attrister dans le monde, vous préfériez les conduire au carnaval. Mais sous les masques, pourtant, vous laissiez deviner les visages. » Un Feydeau qui vous réjouira, une œuvre de jeunesse parfaitement maîtrisée, à la tension comique, aux répliques piquantes, mise à l’honneur par Jean-Marie Ledo et les comédiens de la compagnie « Le théâtre des 400 coups ». # écrit le 01/02/19 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com