Ses critiques -Un bijou qui luit dan le noir 10/10 J'ai passé la grille du Théâtre du Nord-Ouest vendredi, et, quittant la soirée ensoleillée et joyeuse des terrasses des Grands Boulevards, je suis descendue par un escalier à double hélice dans une salle toute noire, radicale comme un tableau de Soulages, ou l'oeuvre au noir de l'alchimiste du roman de M. Yourcenar. Plongée, coeur battant, dans cet état de césure qui annonce l'entrée de la poésie sur scène. D'emblée, avec des moyens discrets, épurés, Théophile Gros seul, puis Anne Langlois créent la grâce à chacun de leurs déplacements, lents et mesurés, avant de s'immobiliser comme des statues, des gravures ou des ombres. D'une simple inclinaison de tête, profil perdu, d'une voix tantôt blanche, tantôt tendre et navrée, ils tissent entre eux - l'un noir et l'autre blonde - le lien d'une présence-absence qui irradie sourdement dans les noirs de la scène vers les spectateurs /écoutants. Leurs regards sont tournés, le plus souvent, vers l'intérieur ou l'ailleurs ; lors qu'ils se rencontrent, il se croisent, repartent. L'entame de chaque poème nous place dans une évidence simple et mystérieuse : "Ceux qui nous attendaient se sont lassés d'attendre et sont morts sans savoir que nous allions venir". De poème en poème, la lecture nous convie, sur la pointe des pieds, avec pudeur, à un dialogue avec nous-mêmes et avec nos absents. Ce dépouillement fait lever, comme dans une cathédrale, une ferveur qui fait entendre du Bach ou du Marin Marais. Il n'y a rien d'autre parfois au théâtre que ce qui est le plus essentiel et qui dure en nous, intact. # écrit le 24 Mars
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