@316251 Vous suivez cet utilisateur Inscrit depuis longtemps 2 critiques
Ses critiques -Andromaque ou les Caractères 8/10 Juger de l'interprétation d'une pièce demande au préalable une idée sur la pièce elle-même, permettant de calibrer sa propre subjectivité sur celle du critique. Voici mon idée. L'avantage d'une pièce comme Andromaque, pour un acteur, réside dans l'incroyable somme d'antécédents qui lui permet de s'installer dans le rôle en bénéficiant de l'aide de tous les auteurs qui ont façonné au cours des siècles, par ajouts successifs, un personnage et ses facettes. Dans notre cas, Homère est la référence évidente et absolue. Chez lui, dans l'Iliade du moins, les personnages trouvent leur destinée en la volonté des dieux. C'est librement, en connaissance de cause, sentant la volonté des dieux, que les héros s'y conforment. Le destin est en-dehors d'eux, et s'applique sur eux de l'extérieur, mais ils l'acceptent librement. Chez Racine au contraire, les dieux ont disparu, mais le destin est toujours là. C'est désormais dans le caractère de chaque personnage qu'il est enfoui, et c'est maintenant de l'intérieur, réduisant la liberté à l'état de frustration, qu'il agit sur les personnages. Ceux-ci sont secondés par leur servant ou ami, qui, de l'extérieur, vient représenter leur bon sens, voire leur intérêt. Mais toujours c'est leur caractère que les héros suivent. Ainsi en va-t-il de Pyrrhus, roi, souverain, héros de guerre et fils d'une légende, qui toujours en roi agit, maître de sa propre volonté, à laquelle il plie les autres. Ainsi en va-t-il d'Hermione, qui toujours suivant son caractère dominateur, orgueilleux, mais amoureux, agit. Ainsi en va-t-il d'Oreste, qui toujours en amant altruiste mais soumis agit, sacrifiant son bonheur à son amour pourtant jamais payé de retour. Enfin, Andromaque, femme d'Hector pour toujours et à jamais, fille de roi vaincu, femme de prince vaincu, vit selon l'amour pour Hector qui en tout la régit. Leurs servants ou amis respectifs leur rappellent leur intérêt, leur montre la folie de leur attitude, mais ils n'écoutent jamais que leur coeur, leur caractère dicte et impose. Dans ce cadre, je comprends mal l'interprétation de Pyrrhus (Jonathan Frajenberg), qui s'adresse à tous d'un ton très agressif qui est tout sauf royal : quand on est un roi imposant à sa guise sa volonté, aimé de tous, fût-ce à l'exception de la femme aimée, la menace est-elle un ton naturel ? Même son gouverneur Phoenix (Denis Godec), sa raison par excellence, a droit au même traitement. Pyrrhus sonne malheureusement faux, et on a autant de mal à croire à son amour qu'à son autorité. Oreste (Olivier Quinzin, également metteur en scène, ceci expliquant sans doute cela), lui, au contraire, est souple comme son caractère. Lorsque son rôle d'ambassadeur lui fait parler pour les Grecs, il s'impose et rugit. Lorsque Hermione, maîtresse sur son coeur, lui fait face, il perd presque ses moyens. Lorsque son ami Pylade (Loick Hello) lui montre le bon sens, il plie, hésite... c'est d'ailleurs celui qui connaît le destin le moins funeste, ayant le caractère le moins rigide. Hermione (Lys Caro), elle, est impériale, magnifique ; blessée, soumise aux mouvements perpétuellement contradictoires de son coeur et de son honneur, qui finiront par lui coûter à la fois la raison et la vie, elle griffe et caresse selon les aléas de son coeur ; il n'y a qu'en présence de sa fidèle Cléone (Christine Melcer), sa raison, qu'elle recouvre momentanément ses esprits ; mais le courant de ses passions finit inexorablement par l'emporter, et Lys Caro l'interprète admirablement bien. Enfin, Andromaque, elle, est un cas particulier, et probablement le rôle le plus difficile de la pièce. Rôle titre, elle est pourtant surtout un prétexte, et est enchaînée tout le long de la pièce tant à son maître et prétendant qu'à son mari décédé et adulé. Soumise, elle subit les événements et pourtant les provoque. Son caractère, à aller chercher peut-être chez Homère encore, est celui d'une jeune femme déchirée par la mort qui a assailli sa famille, et qui s'est arrêtée de vivre vraiment le jour où on lui a pris Hector. Extrêmement complexe, à la fois effacée et inflexible, elle est très difficile à interprêter et à vraiment comprendre, c'est pourquoi je ne saurais en vouloir à son interprète, Dominique Massat, d'être peut-être passée à côté en l'interprétant sans doute trop caricaturalement, voix chevrotante (à la Sarah Bernhardt ?) à l'appui ; un détail de son interprétation, sa manière d'étendre les bras à l'antique, loin derrière elle, en devient malheureusement risible car répétitif et caricaturalement tragique. On pourrait également considérer les quatre personnages principaux comme autant d'options amoureuses différentes ; même ainsi, la crédibilité d'Oreste et surtout Hermione est supérieure à celle de Pyrrhus et celle d'Andromaque. Malgré tout, ceci reste peut-être de l'ordre du détail si l'on considère que le spectateur est touché par ce ballet tragique des caractères affrontés, dont rien ne ressortira que le malheur et la mort. Une réussite donc. # écrit le 31/05/06 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
| -Une superbe mise à jour... 9/10 Ayant eu le privilège d'assister ce soir à la dernière représentation, il n'est plus question d'inciter les gens à aller voir la pièce, mais simplement de laisser trace d'un sentiment. Au-delà du texte lui-même et de son adaptation réussie correspondant très certainement aux moyens de la pièce, la mise en scène en elle-même profite astucieusement d'un théâtre qui pourrait être considéré comme un handicap. Bien sûr, l'entrée des spectateurs, arrivant par le fond de la scène au milieu des acteurs déjà en place, permet un début extrêmement théâtral, une mise en abyme en forme de clin d'oeil. Mais l'utilisation des lieux dans leur intégralité (le long de la tribune, les poteaux, les coulisses, etc) permet de se passer d'un décor sophistiqué sans que la pièce n'y perde en aucune manière. Le rythme et l'action (car on s'y bat en duel, bravo au maître de ballet/maître d'armes) permettent de souligner efficacement les moments importants en effaçant tout temps mort. Mais surtout, un des grands mérites de l'interprétation et de la mise en scène est ici d'avoir su parfaitement mettre en valeur l'humour présent dans toutes les grandes pièces de Shakespeare, à côté duquel passent généralement les troupes qui s'y attaquent (ce qui cède alors place à l'ennui, voire à l'incompréhension). Ici, les personnages secondaires sont parfaitement mis en valeur, et mettent en valeur à leur tour les rôles principaux, qui trouvent leur place naturelle dans le contexte où ils sont nés. Car Roméo sans Juliette vit dans l'amitié chahuteuse et attachante de ses deux compagnons ; Juliette, elle, est dans son état naturelle une touchante âme juvénile, toute de rire et de charme énergique. Roméo et Juliette ne sont pas des adultes, ce sont presque des enfants qui se découvrent en même temps qu'ils découvrent le monde. Le jeu de nos Roméo et Juliette est dans cette ligne-là, et c'est fort réjouissant tout en ayant un sens profond ; Caroline Mouton est particulièrement touchante justement dans ce que la gaîté initiale de sa Juliette rend plus poignant par cette perte le destin implacable auquel elle se trouve soumise. Grâce à ce parti pris réussi, on se surprend à découvrir de nouvelles choses dans cet ultra-classique ; ainsi la réplique de Roméo au mendiant-apothicaire qui lui vend son poison, expliquant que c'est lui, Roméo, qui lui a vendu du poison, les quarante ducats, symboles de l'or qui rend fou et corrompt les âmes comme le poison les corps. On croyait Roméo obsédé seulement par l'amour, et le voilà grave et sans illusion sur le monde... ce n'est pas une trouvaille, c'est Shakespeare ! Une mention toute spéciale (et forcément subjective, je suis tombé tout à fait sous son charme !) pour Lys Caro, dont le regard magnétique, la drôle d'énergie et la finesse d'interprétation (malgré le caractère initialement un peu caricatural du rôle) lui permettent d'incarner et de mettre en valeur le rôle pourtant pratiquement le plus ingrat de la pièce, celui de la nourrice. Et puis, quel sourire ! Je vais d'ailleurs de ce pas réserver ma place pour Andromaque, qu'elle joue bientôt dans ce même théâtre... un avis suivra ! # écrit le 24/05/06 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
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