Ses critiques Théâtre classique: Le Cid -Rodrigue, tu en as ? 8/10 Oui, ce soir encore, il en avait du coeur, le Rodrigue ! Quant à nous, spectateurs, nous partîmes deux, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois-cent-cinquante en arrivant au théâtre Michel, puisque la salle était archi-comble ! Le parti pris de Jean-Philippe Daguerre, le metteur en scène de ce Cid décoiffant, est simple, assumé, et pédagogique : " l'idée, c'est de revisiter ces classiques avec une dimension rythmée et moderne, afin de les faire partager à toutes les générations. " Et en terme de rythme et de modernité, nous avons été servis ! Et très bien servis ! C'est en effet l'objectif de cette troupe " Le grenier de Babouchka " que de proposer ces pièces qui traversent les siècles, mais qui ont besoin d'être un peu " bousculées " afin de les coller à l'air du temps, démontrant ainsi leur universalité. Et paradoxalement, on retrouve avec cette démarche en général, et dans cette mise en scène en particulier, l'origine du théâtre : la farce, l'aspect brut, accessible à tous, ce sentiment d'immédiateté, sans afféterie ni affectation. Ca pulse ! Ca bouge ! Les corps se touchent, s'attirent, se repoussent ! (Ah ! Ces beaux combats à l'épée, sur scène ! ) On ne s'ennuie pas un seul instant ! Bien au contraire ! Car évidemment, un " Corneille " où l'on s'ennuie est un " Corneille " raté... Les comédiens, justes, passant l'alexandrin de façon naturelle, nous comblent. On sent bien qu'ils s'amusent, ensemble, en troupe. Et nous aussi, on s'amuse. N'oublions pas que l'auteur définit sa pièce comme une " tragi-comédie ". Mention spéciale à Don Fernand, le roi, interprété par Alexandre Bonstein Jean-Philippe Daguerre en a fait une sorte de précieux bouffon efféminé, doté d'un zézaiement irrésistible. A aucun moment, il ne réussira à prononcer le nom de l'héroïne, se contentant d'un " sssschchchchimène " drôlissime ! Une autre trouvaille scénographique qui m'a beaucoup plu : On parle beaucoup au théâtre des trois unités. Daguerre en a introduit une quatrième : l'unité de couleur. Tous les costumes (aussi bien masculins que féminins) sont déclinés en un camaïeu de rouge et de pourpre du plus bel effet. Je vous recommande également les deux musiciens qui tout au long du spectacle, ponctuent de belle façon les péripéties de l'intrigue. Dans la salle, au moment du salut final, les nombreux et tout jeunes spectateurs applaudissaient à tout rompre ! C'est un signe qui ne trompe pas ! Publié dans Critique # écrit le 26/04/16 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
| -Une soirée délicieuse 8/10 Qui donc a décrété que Marivaux et la Pop/Rock des années 60/70 étaient incompatibles ? Assurément, celui-là n'a pas vu cette brillante adaptation de Salomé Villiers, menée tambour battant ! Il fallait oser. Elle a osé. Et elle a très bien fait. En trois mots comme en cent, ce fut une soirée délicieuse, épatante et formidable ! Le point commun de ces deux entités apparemment éloignées (Marivaux et la pop/Rock), ce point commun est bien entendu le questionnement de l'ordre établi et des préjugés sociaux. La double intrigue, les maîtres et les valets qui échangent leur rôle social, est prise à bras le corps par les cinq brillants comédiens (Raphaëlle Lemann- " Lisette ", Bertrand Mounier- " Mario ", François Nambot- " Dorante ", Etienne Launay- " Arlequin ", Philippe Perrussel- " Orgon " et l'également metteure en scène Salomé Villiers- " Silvia "). Oui, c'est vrai, l'auteur nous parle d'amour, de passion, d'envie, de désir. Certes. Mais pas que. Marivaux, avec cette admirable langue du XVIIIème, n'est pas un révolutionnaire, mais il est totalement au fait des enjeux sociétaux de son époque. Melle Villiers a bien compris une chose : on est vraiment, avec cette pièce, dans une totale et sauvage lutte des classes, totalement assumée à l'époque, mais complètement tue, larvée et qui ne dit pas son nom aujourd'hui. D'où son parti-pris de la transposition moderne. Elle a également rendu de façon éclatante le propos vraiment féministe de cette pièce : les femmes savent ce qu'elles veulent, le revendiquent et assument ! Le quintet de comédiens, mené à la baguette par le pater familias Orgon (Philippe Perrussel, qui fut le professeur des quatre autres) est parfait de justesse, de cohérence et de complicité. On le voit, on le ressent : ils s'amusent ! Ils se sont d'ailleurs regroupés en troupe, ce qui est un signe qui ne trompe pas : le théâtre, c'est avant tout une affaire de copains qui s'amusent à jouer entre eux. Une trouvaille dramaturgique : de temps en temps, des clips-video hilarants nous montrent ce que font les personnages lorsqu'ils ne sont pas sur le plateau, entre les actes. Une riche idée, qui fonctionne à merveille. On aura compris mon enthousiasme. Courez au Lucernaire, jusqu'au 4 juin prochain, ou bien au Festival d'Avignon cet été, dans la salle du Roi-René, où la petite troupe reprendra cette brillante production. # écrit le 23/04/16 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
| -Des petits tableaux 6/10 Peut-on raconter au théâtre la vie de Toulouse-Lautrec en une succession de petits tableaux ? (Vous me direz que des petits tableaux pour évoquer la vie d'un peintre...) C'est en effet le parti-pris de Maurice Lamy, qui a écrit et mis en scène ce "biopic scénique". Cette heure et quart compte au moins trente petites saynètes, entrecoupées de noir total, et d'un narrateur invisible qui semble lire une fiche Wikipedia sur un ton monocorde et avec une diction parfois un peu approximative. Côté jardin, l'atelier du peintre, avec pinceaux, chevalet, ainsi qu'un paravent qui dissimule la dive bouteille. Côté cour, une table où l'artiste écrit sa correspondance. Au milieu un fauteuil, qui va accueillir le vrai personnage principal : Adèle, la mère du peintre. Le talent des deux comédiens n'est évidemment pas en cause : Maurice Lamy, qu'on connaît bien, étonne par la ressemblance avec les portraits connus de l'artiste, et son jeu sonne juste : on est souvent ému par son évocation des difficultés rencontrées, la non-reconnaissance artistique, les périodes de doute du peintre et surtout, la solitude. Cette solitude qu'il semble désirer à tout prix, mais qui lui pèse tellement... Martine Delor, la maman, est glaçante à souhait en mère issue de la noblesse albigeoise, tenante du classicisme face à l'innovation picturale de son fiston. Maurice Lamy a écrit un texte intéressant, mais qui selon moi, se disperse et saupoudre la biographie, au lieu de s'attarder sur un point particulier, au lieu de choisir un cap, un angle, un parti. C'est son choix. Comme j'aurais aimé, sans être amoureux fou de la psychanalyse, que soient évoquées plus précisément et plus longuement les étonnantes relations de ces deux-là. Au final, on sort du petit théâtre du Gymnase en restant un peu sur sa faim. La peinture à l'huile, c'est bien difficile. L'art de la mise en scène aussi. # écrit le 21/04/16 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
| -Cinquante nuances de Gray 9/10 " Cinquante nuances de Gray ", c'est ainsi que Thomas Le Douarec aurait pu sous-titrer sa pièce, tellement son adaptation du seul roman écrit par Oscar Wilde est subtile, pertinente et au final réussie. Oui, il a vraiment su traduire sur un plateau les affres de ce jeune dandy en pleine époque victorienne, pudibonde et corsetée en diable. Ce Faust britannique est ici mis en scène d'une façon qui rend totalement hommage à ce roman fantastique qui, on ne le rappellera jamais assez, valut la prison à son auteur. Le quatuor d'acteurs s'en donne à coeur joie, avec un Thomas Le Douarec qui est parfait en Lord Henry, âme damnée, machiavélique à souhait et luciférienne au possible, qui en rencontrant Dorian, (le très juste Valentin de Carbonnières) enclenchera le mécanisme du pacte. L'éternelle jeunesse a un prix. Ici, en l'occurrence, de véritables et très lourds tributs ! C'est Le Douarec qui provoque bien souvent les rires de la salle avec des bons mots, des répliques cinglantes et les pensées définitives wildiennes : " Le seul charme du mariage, c'est le mensonge ! " " Un smoking rend même un député de gauche présentable ! " " Ce portrait plairait aux vieux, si tant est que les vieux puissent ressentir des émotions ! " On l'aura compris, il prend totalement à sa charge le cynisme, la misogynie et la misanthropie de Wilde. Une mention également à la scène du théâtre à l'intérieur du théâtre (hommage à la mise en abyme de Shakespeare dans "le songe d'une nuit d'été"), une scène très réussie qui permet à Lucile Marquis, incarnant le premier amour du jeune dandy, de briller et de provoquer bien des rires elle aussi. (C'était en effet elle qui interprétait le rôle ce soir là, les comédiens jouant en alternance.) Tout au long de cette heure et demie, les tableaux s'enchaînent à toute allure, avec des costumes très réussis et des lumières assez sophistiquées. Cerise sur le gâteau, ce qui suit le tomber du torchon vaut également le spectacle. Mais je n'en dirai pas plus. Pas étonnant qu'après sa création au Lucernaire, cette production soit reprise depuis quelques jours à la Comédie des Champs-Elysées, à la jauge plus importante. Une vraie réussite, une soirée délicieuse ! # écrit le 21/04/16 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
| -C'est du bon, c'est de l'Afghan ! 9/10 Vous avez toujours rêvé de longues chevauchées dans l'immensité de la steppe afghane ? Vous avez toujours voulu assister en V.I.P. au Bouzkachi du Roi, ce rude tournoi au cours duquel soixante cavaliers tentent de s'emparer d'une carcasse de mouton décapité ? Vous avez toujours souhaité vous plonger avec délectation dans la culture de l'Afghanistan, ses traditions, ses coutumes, son histoire et ses senteurs ? Une seule solution : vous ruer toutes affaires cessantes au théâtre La Bruyère, où Eric Bouvron, assisté de Anne Bourgeois, a osé le pari fou d'adapter le roman éponyme de Joseph Kessel, un pavé merveilleux de six-cents pages, pour le transformer en une pièce de théâtre d'une heure vingt. Si ça fonctionne ? Au delà de toutes mes espérances ! Avec trois autres comédiens, quelques accessoires, quelques costumes, nous y sommes. C'est même troublant ce dépaysement qui s'opère sur scène et dans la salle. Tout semble réel, tout semble vrai. Même les chevaux sont là, même Jehol, l'étalon fou ! Le voyage initiatique d'Ouroz retournant affronter son père, cette quête semée d'embûches, de rencontres, de sacrifices, ce périlleux et onirique périple, c'est le nôtre. Cette aventure humaine, c'est notre aventure, c'est notre chemin. Bouvron cite en permanence Kessel, et cette phrase résonne dans nos têtes en fin de spectacle : " La fin du voyage n'est rien, ce qui importe, c'est la chemin. " Il faut absolument mentionner Khalid K., qui sur et hors scène, crée une très belle partition musicale et vocale, générant de magnifiques ambiances sonores, grâce à un sampler-looper : tous ces éléments vont contribuer grandement à créer l'illusion. Si d'ailleurs vous faites partie des derniers spectateurs à quitter la salle, cet acteur-musicien vous laissera essayer son micro et son système numérique : ce fut le cas pour votre serviteur qui a eu le privilège d'être " auto-samplé " en direct.... Au final, ce fut une magnifique soirée, un dépaysement intégral, un voyage total dans les univers de Joseph Kessel et d'Eric Bouvron. On comprend d'ailleurs aisément pourquoi ce dernier vient d'être nommé aux Molière 2016, dans la catégorie " Metteur en scène de théâtre privé " et sa pièce dans le Molière 2016 dans la catégorie "Pièce de Théâtre privé ".... # écrit le 02/04/16
| -Une vraie découverte !!! 9/10 A 18 ans, elle a quitté sa province. Elle a bien fait ! Elle est en train de conquérir Paris. Oui, elle a 18 ans. Oui, elle s'impose véritablement dans ce genre difficile et exigeant qu'est le stand-up. Oui, elle est dotée d'une énergie et d'un humour ravageurs. Je ne vous décrirai pas l'entrée en scène, mais dès le début du spectacle, le ton est donné : on va voir ce qu'on va voir : Chrystelle (avec un y !!!) se lâche, n'a pas de complexe et nous fait vite oublier son âge. Elle assume parfaitement le fait de jouer dans la cour des grands ! Elle nous propose une galerie de personnages vraiment irrésistibles : José, le pervers pédophile de son village ('comment, vous ne connaissez pas Tourves, dans le Var ?), un rappeur très local, une conseillère d'orientation hallucinée, une directrice de café-théâtre à qui on ne la fait pas, un prof plus angoissé que ses élèves au moment du Bac, ses parents et grands-parents, ses copains de lycée.... Et puis, de grands problèmes existentiels sont évoqués : les vrais soucis des filles, les pseudo-copines, la taille de la zigounette des garçons (le sketch de l'urinoir sur la station d'autoroute est énorme....), j'en passe et des meilleurs... Loi du genre oblige, le public est pris à partie : votre serviteur en sait quelque chose, pour s'être fait traiter de pervers à plusieurs reprises. Mais avec quel humour ! Bref, une vraie belle soirée, une vraie découverte ! Il faut retenir d'ores et déjà son nom : elle s'appelle Chrystelle Canals ! # écrit le 20/03/16
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