Comédie: Sherlock Holmes et l'affaire du Pont de Thor

-Heureusement décalé
Adapter Sherlock Holmes au théâtre reste une gageure et peut prendre des formes extrêmement variées. A l'heure où le personnage est tout à coup très à la mode sur les scènes françaises, on ne savait pas quel serait le parti pris de cette nouvelle adaptation. L'intrigue est finalement rapidement secondaire, tant l'élément essentiel du spectacle est en réalité la relation entre les deux personnages principaux, un Sherlock Holmes fatigué, flegmatique, fumeur, mais néanmoins charismatique, et un Watson décalé, absurde et dont le sens de l'à propos, l'humour et la présence lui octroient de facto le premier rôle. Entre références à des sujets d'actualité, jeux de mots en pagaille (certains passés sous le radar du public manifestement, qui rit à gorge déployée d'éléments plus grossiers) et Offenbach aux rimes revisitées, la pièce ne propose aucun temps mort et la résolution de l'énigme - au demeurant surprenante pour qui ne connaît pas l'histoire - devient presque anecdotique. On sent beaucoup de plaisir de la part des acteurs à évoluer dans cet univers décalé, parfois à la limite de la farce, mais qui garde un structure solide grâce à un texte de qualité et une mise en scène efficace et limpide. On rit beaucoup, on sourit tout le temps, et on ne voit pas le temps passer.
# écrit le 07/07/23

Théâtre classique: Le tartuffe

-A trop en faire...
C'est l'éternelle question, lorsqu'on aborde le répertoire classique, a fortiori une pièce aussi célèbre que Tartuffe : comment apporter quelque chose de nouveau, de frais, d'actuel... Michel Fau semble avoir trouvé la recette, si l'on en croit le succès de la pièce, le théâtre plein à craquer, le public qui rit tout du long. Pourtant, quelque chose ne tourne pas rond, dans cette mise en scène ostentatoire qui prend le parti du grotesque, de l'exagération permanente. Comme si, par peur que le public d'aujourd'hui ne comprenne pas les personnages, les situations, le texte, il fallait tout souligner 3 fois, pour bien ex-pli-quer ce qui est drôle. Tous les personnages doivent donc être grotesque, à l'instar de Mariane et Valère, présentés comme complètement idiots - sauf que dans le dernier acte, Valère ne l'est plus tant... Et c'est là que l'incohérence est la plus grande : on sent que chaque acteur s'efforce de répondre aux exigences de la mise en scène par des mimiques, des attitudes grotesques, mais c'est lorsque le naturel revient, c'est à dire lorsque les comédiens se contentent de vivre le texte, qu'ils sont les plus convaincants. La bouffonnerie trouve vite ses limites lorsque Dorine ou Cléante, parfois excellents dans quelques répliques, nous soûlent de rimes ampoulées, de césures lourdingues, de gestes parasites dans de longues tirades qui ne demanderaient qu'à vivre, ou lorsque Tartuffe, bien occupé à se tordre dans tous les sens pour exprimer son double-jeu, mange la moitié des syllabes de son texte. Tiraillée entre des tableaux esthétiques sans aucun sens (la 1ère scène où chaque personnage se tient dans son alcôve, sensé donner réplique à Mme Pernelle : le manque de communication entre les acteurs fait que toutes les répliques où elle doit les couper tombent à l'eau...) et un besoin naturel de faire vivre les personnages sur le plateau, la mise en scène, le cul entre deux chaises, ne fait passer aucun frisson et alourdit considérablement le texte. Michel Bouquet, sans timbre mais avec le sens du timing, fatigue assez vite et termine la pièce exténué, Michel Fau se débat beaucoup dans le vide, et les autres semblent engoncés dans des costumes qui pourtant devraient les libérer tant ceux-ci réussissent à les caractériser d'un coup d'oeil.
# écrit le 29/10/17 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com