Comédie musicale: La Nuit d'Elliot Fall

-Mais que sont devenues les fées du temps passé ?
" Que sont nos contes devenus que j'avais de si près tenus et tant aimés " aurait dit François Villon. Telle semble être la quête qui échoit au jeune Elliot Fall, doublement orphelin et croque-mort de métier en cette nuit de fantasmagorie qui s'abat sur Moon Island. En jetant bas le manteau de l'enfance, nous avons mis au rebut le monde merveilleux des contes de jadis. Que sont-ils devenus ces retraités du rêve ? Jean-Luc Revol s'est posé la question et sous la plume de Vincent Daenen et avec le concours plus que talentueux de comédiens tous brillants, il l'a mise en scène au XXe théâtre. Déjà la psychanalyse s'était intéressée aux enjeux tacites de nos contes séculaires. Par exemple, la grand-mère du petit chaperon rouge n'était-elle pas un transfuge du grand méchant ? En poussant l'argument voici que les gentils petits cochons se sont mués en souteneurs lubriques et mafieux, que la bonne fée marraine a changé sa baguette contre une cornette tandis que la chaste Cendrillon devenue fétichiste se damne pour une paire de chaussures, que les ours de boucle d'or hantent les cimetières, que le grand méchant loup tapine en travesti morbide tandis que le petit chaperon rouge fait sa galette en strip-teaseuse déjantée ! Quant à la Belle au bois dormant, elle est devenue laide et se meurt rongée par un sort qui la transforme en jardinière de fleurs allégorie de ce cancer qui ronge nos âmes devenues incrédules et glacées. Même le baiser galoche du sauveur Eliott Fall ne pourra rien pour briser l'enchantement. Même sa mère, l'inénarrable milliardaire Mme Von Leska aux allures de Betty Boop déniaisée ne pourra rien pour la sauver des griffes d'un émule de Dracula l'horrible comte Oswald Lovejoy décidé à tout anéantir pour mieux étouffer la mèche encore fumante de nos illusions de spectateurs friands de Happy end. On n'a rien à reprocher au jeu des acteurs, chanteurs et danseurs qui servent avec brio une mise en scène talentueuse, astucieuse de Jean-Luc Revol mise en valeur par un décor et des effets de lumière souvent très éloquents. Une mention spéciale à Sophie Tellier, si sexy sans rien accorder à la vulgarité. Toutefois, malgré la présence de trois musiciens, on regrette que la partition chantée soit si fuligineuse et les textes tant parlés que chantés si verbeux et si souvent alambiqués qu'ils en deviennent incompréhensibles et parfois même abscons. Comment nous reprocher dès lors de ne plus savoir rêver et s'employer à piétiner et à " travestir " jusqu'à la caricature les ultimes lambeaux de féérie qui pourraient encore demeurer dans les greniers de l'âme ? La barrière est tenue entre humour et cynisme : l'un fait sourire et l'autre grimacer. L'un détend, l'autre afflige...
# écrit le 08/11/10 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com

Théâtre classique: les fourberies

-un scapin d'exception
Je suis retournée voir hier soir cette pièce à trois semaines d'intervalle, fascinée à l'idée de retrouver dans cette petite salle confinée, l'énergie d'une troupe et d'une mise en scène exceptionnelles. Aucun artifice pompeux, quasi aucun décor, mais un rythme trépident qui vous emporte dans son tourbillon. Par dessus tout, Arnaud Denis "crève l'écran". Son allure féline, sa diction ciselée et surtout la jubilation qu'il a à jouer ce valet napolitain, ancêtre de Figaro, est proprement sidérant. Avec lui, la farce devient une gourmandise : on en raffole... La scène de la bastonade où il incarne à la fois plusieurs personnages, de l'allemand guttural au péquinois mécanique emporte l'enthousiame. Au salut final, on voudrait l'embrasser! Molière n'aurait pas mieux fait. On a vraiment le sentiment d'assister à la naissance d'un très grand acteur, pourvu qu'il garde sa fraicheur et sa générosité. En plus, il est beau comme un dieu. Je précise que je pourrais être sa mère mais que mes filles m'approuvent totalement. Si vous voulez enfin vous réconcilier avec le théâtre classique,je n'ai qu'un mot....courrez au Lucernaire.
# écrit le 28/12/06