Ses critiques -Exceptionnelle interprétation, must see ! 10/10 Les boiseries d'une belle salle, confidentielle, un long rideau blanc tendu au milieu de la scène, un rocher, nu - le cadre de la pièce. La pénombre s'installe, une femme s'avance. Musique ! La voix s'élève, la poésie du texte s'exprime. Hors du temps, un instant rare commence, habité d'une musicalité envoûtante, d'un esthétisme subtil, des vibrations émotionnelles de trois femmes qui disent leur amour. Claudel nous fait voyager dans les profondeurs d'amours de femmes, ou plutôt d'un même amour, changeant avec l'âge. Trois amours de trois femmes, Laeta, Fausta, et Beata. Laeta, la fiancée, dit la fougue de la jeunesse, l'emportement de la passion, l'effervesence d'une joie dénuée de toute doute, d'une naïve fraîcheur. Fausta, l'épouse, exprime ensuite l'attachement dépassionné des êtres, le désir mû en nécessité, le don total à l'aimé, la patiente douleur de son absence - déjà. Beata, la veuve, témoigne enfin de l'immortalité de l'amour fidèle à celui qui "plus jamais, ne lui échappera", de la nostalgie des moments heureux, mais aussi de la beauté d'un amour délivré de toute vicissitude terrestre, l'abandon à la légèreté et la douceur d'un amour parfaitement pur. Les âges se confondent finalement en cette femme, qui laisse tour à tour entrevoir la légèreté naïve et rieuse de la jeunesse, le don patient et total de l'épouse, la sagesse et la nostalgie de l'expérience passée. Trois font une. Danièle Meyrieux et Tarik Benouarka réalisent une mise en scène d'une grande finesse, rompant l'hermétisme premier du texte, faisant ressortir sa musicalité en changeant les mots en notes, en soutenant les cantiques et les dialogues par la musique spécialement composée par Tarik Benouarka. Violoncelle, piano, instruments divers revisitent un registre initialement liturgique, recréent musicalement les émotions des personnages, bercent l'amateur de la beauté profonde d'une partition inédite, tendent la pièce d'une atmosphère pénétrante. Les comédiennes - Mélodie Le Blay (Laeta), Pauline Moingeon Valles (Fausta) et Danièle Meyrieux (Beata) - rythment cantiques, dialogues et silences par leur jeu parfaitement dirigé, livrent délicatement les émotions intimes de leurs personnages, rendent perceptibles les images qui s'enfilent, parviennent enfin à pleinement incarner les sentiments qui habitent leur être. L'esthétisme de la pièce est enfin parfait par la beauté des costumes conçus par Victor Feres, et les remarquables jeux de lumières, par William Orrego Garçia. Jeu théâtral et musique s'allient ainsi parfaitement pour interpréter magistralement un texte presque inaccessible de prime abord, rendu sublime par des comédiens, musiciens et metteurs en scène de talent. # écrit le 15/10/18
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