DB

Théâtre contemporain: Un Tango en bord de mer

-Hors du temps
Ce tango est de ces spectacles qu'on remporte avec soi. De cet argument - deux êtres qui se sont aimés, se retrouvent par hasard, dans un moment de vacance, et dévident l'écheveau de leurs nostalgies partagées, ou pas, de leurs rancoeurs trop longtemps couvées, de leurs bonheurs partagés aussi- de ce mince argument donc,on pouvait craindre que l'auteur ne "tire à la ligne" ; il n'en est rien : la densité est là tout au long de cette heure quarante, le rythme aussi, épaulé par un humour justement dosé. Bien entendu il y a les passages obligés - les adultères à demi-avoués, les premières fois de chacun, la pollution de la notoriété dans une relation intime (un des personnages est auteur à succès)-mais ceux-ci sont habilement mêlés à la trame de cette soirée clandestine en autant d'histoires enchâssées. On pourrait craindre aussi l'ennui, car après tout ce tango vespéral est dans l'après, l'après de l'amour, l'après des déchirements : mais ici l'intérêt est maintenu de bout en bout, tant par la découvertes à rebours d'une histoire d'amour achevée, que par le suspens, autant érotique que romantique, qui s'instaure de nouveau entre les deux amants. Les dialogues, fluides de bout en bout, qui captent et tiennent l'intérêt, s'interrompent de loin en loin le temps d'apartés qui installent le spectateur comme le confident tour à tour des deux protagonistes, partageant ainsi leur intimité respective autant que leur peine à se communiquer certains ressentiments ou certains élans (seule réserve : l'ultime aparté qui rompt avec les précédents, le personnage interpellant les spectateurs sur une problématique de dramaturge quant à la fin à donner à sa pièce ; seul moment où la construction se sent un peu, petite coquetterie d'auteur, et où la mise en scène pèche à prendre en charge l'ellipse qui s'ensuit). La mise en scène est très simple certes et s'applique à créer quelques images dans ce décor banal de bar d'hôtel, mais elle suffit amplement à faire exister ce moment volé et sagement ne fait pas obstruction au dialogue entre ces deux personnages. Car, enfin, l'interprétation - dont l'ivresse, "casse-gueule" par excellence pour les comédiens- ravit, et par son rythme, et ses nuances et sa simplicité. Bref on y croit, et ce moment dérobé rejoint celui de notre expérience propre: un de ces souvenirs qui un jour confusément nous reviendra d'on-ne-sait-où en une bouffée soudaine : ce bar, cette nuit-là, cet amour-là.
# écrit le 21/09/14 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com

Théâtre musical: La Mégère à peu près apprivoisée

-Shakespeare in Songs
Adaptation musicale et délirante de la "Mégère Apprivoisée", la troupe de Los Figaros évite avec brio l'écueil de tant de spectacles "parodiques", limités aux seuls clins d'oeils complices faciles avec le public. Ici le public sourira d'autant plus volontiers des décalages, allusions, gags, que la troupe lui offre un VRAI SPECTACLE : chansons, danse, musique et même claquettes, tout témoigne d'un travail impeccable et emporte l'enthousiasme. Même la blague ailleurs qualifiée de "potache" a été ici "digérée", intégrée intelligemment au rythme remarquable de l'ensemble. Et même le kitch parfaitement assumé se fait ici délicieux... L'adaptation et la mise en scène totalement réussies témoignent du même souci exemplaire de précision et de rythme.La comédie est menée avec un tempo tout simplement époustouflant ! Bref, ceux là ne se prennent pas du tout au sérieux mais le font avec un professionnalisme qui force l'admiration ! Loin des grosses machines théâtrales et autre pseudos événements de la rentrée à 50Euros/80Euros la place, ne cherchez plus LE spectacle comique pour vous divertir et courez voir cette adorable mégère tant qu'elle reste à peu près apprivoisée.
# écrit le 20/09/09