Dans l'industrie de l'humour, les spectacles de qualité se font rares. "Big Jo' est drôle" n'en fait pas partie. Outre un titre vague, dépourvu d'originalité et mensonger. Sur l'heure programmée, Big Jo' aura occupé la scène pour seulement quarante-cinq minutes, remerciements compris. Quarante-cinq minutes douloureuses où le malaise se sera installé rapidement et où cinq minutes suffirent à comprendre qu'au fond l'absence de public n'empêcherait pas le déroulement du spectacle. Dans une discipline aussi frontale que celle du café-théâtre, l'absence de sens du quatrième mur est un véritable frein à la conquête du public. L'ennui s'installe au travers de sketchs touchant à des sujets banals (les noirs, la religion, l'hypocrisie...) et dont les angles d'attaques ne révèlent qu'une écriture impropre à la narration d'histoires et de situations d'où pourrait jaillir le comique. Une écriture demeurant tout juste bonne à aligner des punchlines douteuses, et dépourvues de finesse. Or, s'il est bien une chose qui permet de conquérir un public, c'est la puissance de l'imaginaire, la narration d'histoires et la mise en situation de personnages. On voudrait encourager Big Jo' à pousser l'exploitation de ses personnages jusqu'au bout (un Hitler fashionista, un Christ presque super-héroïque...) car c'est lorsque ces personnages se présentent qu'un semblant de vie point dans le spectacle. Hélas, négligeant toute mise en corps dans son jeu, l'émergence de cette vie est rendue impossible: assis sur son escalier, Big Jo' raconte son sketch, s'en tient à un développement superflu des personnages comme de son sujet, et le public s'endort. Rien ne permet à Big Jo' de le réveiller tant l'absence de rythme dans la prosodie rend imperceptible toute rupture. Aucun relief n'installe de tension dans laquelle le public pourra être surpris. Il y a là un cruel manque de travail, d'intuition et d'écoute de la part du comédien. Il faudra passer rapidement sur les quinze dernières minutes où, n'ayant rien à proposer à un public scrutant sa montre, Big Jo' nous fera subir le spectacle pitoyable d'un comédien devant se mettre en slip sur scène pour vomir un ignoble RnB au texte lourd d'infamies. De quoi faire sentir le public et le comédien seuls de chaque côté du quatrième mur. Le noir tombe sur une gorge profonde parachevant le malaise installé par un comédien dont la vulgarité et le manque de talent laissent une impression de viol en sortie de spectacle. La mise en scène, grotesque sinon inexistante, attribuée à Jim dont le spectacle "Dernière Tournée" programmé au même endroit et relèvant de la même platitude, ne fait que souligner l'absence de charisme, de technique et d'autant d'ingrédients nécessaires à l'instauration d'une véritable présence scénique. # écrit le 24/08/19