El andalouse

Théâtre classique: Spinoza ou l'insaisissable Clara Maria

-J'ai vu Spinoza en Avignon !
J'ai vu Spinoza ou l'insaisissable Clara Maria ! Il faut le voir, et surtout l'entendre, pour le croire. C'est un petit miracle, un spectacle rare. Un joyau dans l'écrin du théâtre de la Carreterie. En toute simplicité, c'est tout bonnement, les idées de l'illustre philosophe, réputés difficiles d'accès, dans un moment de sa vie de jeune homme que nous dévoile l'auteur, Avner Camus Perez. L'écriture de la pièce est exigeante, précise et ciselée. Moi qui n'aie jamais lu Spinoza, j'ai pu découvrir et surtout suivre cette audace incroyable d'une pensée déjà bien affirmée, qui encore aujourd'hui nous éclaire de sa radicalité novatrice. Mais c'est surtout la rencontre avec la jeune Clara Maria, qui rend cette pièce si rafraichissante pour nous, spectateurs d'aujourd'hui. Nous assistons à une véritable joute intellectuelle entre ces deux jeunes gens. Joute et plaisir de l'échange, de la discussion, entre ces deux intelligences où le corps et le désir sont loin d'être absents ! Deux véritables philosophes, jeunes, désirants, exigeants, joueurs de mots et d'idées, à la mode de Socrate. C'est réjouissant au possible. L'interprétation joyeuse, élégante, raffinée et pourtant extrêmement vivante des 3 acteurs, Roxane Davidson, Raphaël Plutino et Avner Camus Perez, (oui, oui, l'auteur lui-même !) fait beaucoup pour nous embarquer dans ce voyage au coeur du génie humain, et nous faire partager cette joie de penser. Ils osent même une étonnante chorégraphie contemporaine à l'occasion de la répétition d'une pièce remise sous nos yeux par le maître des lieux, Franciscus Van Den Enden. Mise en abîme du jeu dans le jeu. Quelque chose de ce double jeu nous trouble. " On ne sait pas ce que peut un corps ! " s'exclame le grand Spinoza, du haut de sa jeunesse ! On en sort tonifié, ragaillardi, intelligents, avec l'envie de continuer pour soi avec son voisin, la conversation entamée sur scène et au ventre une vivifiante sensation d'un étrange bonheur d'être vivant. Même si l'on pressent qu'il nous faudra à un moment ou à un autre, payer le prix de nos convictions tout comme ces deux jeunes protagonistes, qui malgré la défaite (qui n'est pas annoncée, bien au contraire) resteront blessés dans leurs coeurs, mais debout dans leur individualité et leur puissance d'être. Madeleine Jimena, art-thérapeute.
# écrit le 17/07/22