-Petite recension d’un moment de théâtre aussi fou que jubilatoire.
10/10
Une folle chez les fous ? Un spectacle fou, fou, fou Qui est fou ? Est-ce la folle du parvis de Notre-Dame, que l'on dénomme ainsi mais que l'on ne peut héler comme cela ? Sont-ce ses amies, les 3 autres folles de Paris, qui font planer sur la ville lumière leurs doux délires au service de la bonté et de l'absurde imaginaire ? Est-ce la représentante en cheffe des forces obscures d'un monde capitaliste sans limites, adjointe de son malfaisant homme de paille, le "Prospecteur", lequel est toujours prompt à toutes les manigances imaginables et possibles au seul profit du profit financier ? Est-ce vous, Madame, Monsieur le spectateur, non avertis jusqu'à présent et qui avez la folie de ne pas être encore allés voir ce jubilatoire bijou, splendide expression d'un théâtre aussi jeune qu'enthousiasmant ? Jacques Lacan nous disait tous délirants, au sens que tout un chacun "se la raconte", cette fiction de la vérité de l'existence vécue, dont le seul délire personnel et singulier peut attester d'une forme de véracité inaccessible à tout autre que celle ou celui qui la produit. Qui donc est fou ? C'est qui la folle ? Et c'est bien la question que nous pose Margaux Wicart, qui a librement, et avec une virtuosité aussi rare que manifeste, adapté "La folle de Chaillot" de Jean Giraudoux pour écrire, mettre en scène et jouer ce si rafraichissant "Parvis". Cette écriture fine, subtile rythmée et acérée est toute mise au profit d'une succession de vignettes, jouant tant sur l'absurde que sur le burlesque, et qui s'enchaînent à un rythme endiablé, nous promenant sur cette ligne de crête si étroite où les gens qui se pensent dans la normalité sont les plus fous et où les fous, les folles plutôt, sont ceux et celles qui nous aident, grâce à leurs délires si imaginatifs, à supporter l'insupportable de la normalité. On rit tout le long de ce spectacle bondissant, chamarré, joyeusement créatif et délirant. On est emporté par l'énergie généreuse et galvanisante de toute cette petite troupe, dans laquelle tout le monde multiplie les rôles à qui mieux mieux, chante, danse et administre une folle mais très juste justice. Vive la scène de la rencontre dans le métro ! Merveille que celle du procès, dont le style de narration indirecte scande et rythme avec une énergie communicative un subtil et désopilant tableau ! Alors, que vous ayez la folie de vous croire normaux ou la lucidité de vous savoir plus fou que les vrais fous, courrez donc voir ces 4 folles qui illuminent autant le "Parvis" de Notre-Dame que les planches du jeune théâtre parisien. C'est au Théâtre Montmartre-Galabru, tous les vendredi soirs à 19h30 et jusqu'au 31 mars. # écrit le 18/02/23