Le Geai bleu

Théâtre contemporain: Charlotte

-Aventureux, lyrique, tragique
Cette pièce est comme une fenêtre, où l'on observe du dehors, la singularité de la vie d'une personne qui nous est présentée dans sa cellule, sur un parterre de lettres dispersées : Charlotte. Une autre femme la rejoint un peu plus tard : Gina, sa co-détenue et amie. Ainsi, l'on apprend petit à petit leur passé, rejoignant avec elles leurs espoirs d'avenir, les accompagnant dans leur combat quotidien, entre désirs, larmes et joies mêlées de désespoir puis à nouveau d'espoir, jusqu'au moment où Charlotte est transférée à l'asile, en proie à ses visions devenant plus intenses, comme si les personnes qui apparaissent dans son esprit (comme des substituts symboliques d'êtres chers et disparus), présents depuis son enfance, sentaient leur irrévocable disparition devant la violence des traitements infligés par l'institution psychiatrique ; comme si tout ce monde intérieur, en s'éteignant, lui enlèverait cette partie d'elle si précieuse avec laquelle elle a su vivre et résister face au monde ; comme si de cette perte, Charlotte en devrait porter le coup, peut-être mortel. On peut aussi voir cette pièce comme l'unique fenêtre d'une cellule où s'entrevoit le jour, les dernières lueurs d'espoir dans un espace restreint qui ne veut que la liberté ; une liberté suggérée par de multiples et soudaines apparitions de voix, de mélodies, de vagues silhouettes dansantes, en toile de fond, que l'on comprend être les hallucinations/visions de la jeune fille ; il y a une telle poésie qu'on en oublie les limites physiques de l'espace scénique, devant tout un monde qui défile sous nos yeux. L'écriture de la pièce oscille du poétique au prosaïque, mêlant des paroles crues et livrées à la douleur de la vie emprisonnée derrière les barreaux puis la camisole, aux récits éthérés atteignant la beauté d'un monde idéalisé, perdu, volé, espéré à nouveau. C'est une histoire bouleversante, poignante, au creux de laquelle on se laisse plonger ; des personnages singuliers et attachants, par lesquels on se laisse émouvoir. Cela n'est pas sans mentionner un beau travail de la part des comédiens, notamment Julia Beauquesne (Charlotte) et Chloé Delest (Gina), montrant une belle et riche palette émotionnelle que sert une solide technique. L'illusion dramatique devient hypnothique, le spectateur devient témoin. Thérèse Maréchal Vu le 25 février 2023, première représentation.
# écrit le 17/04/23