Ses critiques -Merci Lazar ! 10/10 Niché dans le square de l'Opéra Louis-Jouvet, le théâtre de l'Athénée est en soi un lieu à voir. Une salle à l'italienne, rococo et art nouveau, toute en balcons, alcôves, irriguée de couloirs qui nous emportent déjà dans une autre époque. C'est dans ce cadre que Benjamin Lazar, comédien et metteur en scène atypique, nous replonge au 17ème siècle, nous proposant de découvrir un texte de Savinien de Cyrano de Bergerac. Oui, celui du "pic", du "cap" et de la "péninsule" ! Et quel texte ! "L'autre monde ou les états et empires de la lune". Un nom déjà plein de promesses excentriques. Nous sommes dans les années 1600, et Cyrano de Bergerac nous parle d'anticléricalisme, d'antimilitarisme, d'insoumission, mais aussi d'homosexualité, d'anthropophagie, et dans un esprit visionnaire, il évoque l'évolution des moyens de communication (la science est en plein développement à cette époque), en racontant ce peuple de la Lune dont les livres ne se lisent plus mais s'écoutent en "cliquant" sur les chapitres ! (ndr : pas dans le texte original bien sur) Et quelle mise en scène ! Dans le noir précurseur de l'ouverture de rideau, arrivant de la salle, Benjamin Lazar monte les quelques marches qui le mènent à la scène, s'éclairant simplement de bougies. Ainsi commence la narration, dos aux velours, dans une belle intimité. Puis quand s'ouvre le rideau, les "spotlights" - une file de bougies posée au sol - nous font découvrir le décor. Une chaise, un escabeau de bois, un pupitre. Deux musiciens, assis, leurs instruments accrochés derrière eux sur des portants de bois également. Une viole de gambe, un théorbe, une guitare, un luth... L'ambiance est posée. Avec les premiers mots, prononcés avec un accent rocailleux et comme nous ne le faisons plus (essayer cette même phrase en prononçant toutes les lettres de fin de mots !), s'invite tout un univers fantasmagorique - Méliès, De Vinci, Jules Vernes - et poétique proche de Molière qui fut un des amis de Cyrano. Grand moment que nous offre Benjamin Lazar, car nous sommes dans le théâtre populaire, accessible, ce qui ne veut pas dire de moindre qualité ! Tous ces "efforts" justement, pour retrouver cette proximité qu'était le théâtre de l'époque, sans les artifices que l'on retrouve souvent sur les scènes actuelles (aucune régression dans ces propos car certains artifices contemporains sont tout à fait de qualité). Et quelle belle idée de faire revivre ce texte de Cyrano de Bergerac, qui n'est pas seulement l'amoureux transis de Roxanne qu'Edmond Rostand a immortalisé. Contrairement à sa version des choses, Cyrano n'est pas mort au couvent mais, tel le libertin qu'il était, malade de la syphilis ("plus jaune que vielle morue" dit-il), transporté à la campagne chez l'un de ses cousins... C'est ainsi, qu'une fois sorti du lieu, de l'ambiance diffusée par ce spectacle, mon premier souhait a été de rechercher ce texte, subversif et impubliable en son temps, lu dans son caractère original seulement par quelques amis proches (après sa mort, le texte a subi censures, modifications et mutilations de la part de la "confrérie de l'Index" qui faisait la guerre aux philosophes et libre-penseurs), tant il m'apparait actuel. # écrit le 02/05/08 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
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