Je croise souvent des femmes dans la rue dont le parfum me rappelle l'une de mes institutrices. J'ai parfois l'impression que ma mère est dans le coin, quand je respire la douce fragrance d'un parfum Gautier. L'odeur du pain chaud et du poulet rôti m'entrainent chez ma grand-mère... Toutes ces odeurs que l'on ne peut oublier, et qui ressurgissent soudainement. Les personnes que l'on côtoie, celles qui nous ont marquées, qui nous ont aimées, que l'on a aimé. Les personnes qui nous ont fait souffrir, celles qui nous ont donné tant de bonheur. Elles reviennent nous voir de cette manière... Le passé à une odeur, c'est vrai... Disons plutôt qu'on leur associe un passé. Et quand bien même on souhaiterait parfois l'oublier, ce passé, lui ne nous oublie pas. Tremblay n'a pas tort... Tout n'est que passé dans cette pièce. Les souvenirs, évidemment. Les vérités, qui surgissent. " Les Anciennes Odeurs " est un texte sublime. Riche en vérités. Mais jamais je n'ai été autant touché qu'en le voyant mis en scène dans " Parfums d'intimités ". Au sortir de cette petite salle, par pudeur, je n'ai dit à Adrien qu'un " j'ai grave kiffé ". Mais j'ai été, touché, transpercé par cette interprétation. Je n'avais encore jamais vu Renato Ribeiro et Laurent Artufel sur scène. Ils m'ont épaté. Même si la pièce n'est pas triste, au fond, elle fait réfléchir. On y parle de la mort de celui que l'on chéri le plus au monde. On y parle d'amour. D'homosexualité. De sexe. Et de sentiments. Qui n'ont, en réalité, trop souvent aucun rapport l'un avec l'autre. Malheureusement. On y découvre un (ex) couple comme beaucoup d'autres, qui se déchire. Mais qui s'aime encore. Qui trouve des prétextes pour s'éloigner, par " orgueil ". La peine d'orgueil étant souvent plus intense et plus destructrice que la peine d'amour, comme nous le rappelle si bien le personnage interprété par Renato Ribeiro. Une chose est sûre, et se confirme par cette pièce : les choses les plus difficile à dire, les reproches les plus durs à avouer se font après coup. Après rupture. Après un échec. Tout est alors plus facile. Ou alors le semble. L'échec justement, il en est aussi largement question dans cette pièce. Echec d'un couple, certes ; mais échec d'une vie que l'on a rêvée. On peut rêver de devenir acteur, le devenir, mais désillusionner. Rêver d'une carrière à la Charlton Heston et finir dans une sitcom minable. Être professeur de français et vouloir écrire l'ouvrage du siècle, et faire un livre sans intérêt. J'ai eu l'impression de revivre bien des moments difficiles. Des ruptures violentes. Où mes mots et les souvenirs sont alors plus durs que les actes. Des disputes où un souvenir agréable se mêle parfois aux tristes souvenirs, recréant ainsi un instant de complicité. Fugace, mais tellement bon. Le renouveau d'un couple qui ne dure que quelques secondes. Mais que l'on a tellement attendu. Le temps s'est pour moi arrêté un peu plus d'une heure. L'impression de ne faire qu'un avec Renato Ribeiro et Laurent Artufel, qui jouent respectivement Jean-Marc et Luc. On a envie de rire avec eux. Quand ils pleurent, mes yeux s'humidifient aussi, et laissent couler quelques larmes... Le monologue de Luc, qui décrit ses rencontres avec son père à l'hôpital, interprété par Laurent Artufel est d'une force incroyable. Les mots vous transpercent. Vous n'avez alors devant vous non plus un acteur, mais un homme qui vous fait frissonner. Parce que les mots, dans sa bouche, vous envahissent ; parce que ces mots le rendent encore plus beau qu'il ne l'est déjà. Quand Laurent se recroqueville contre son fauteuil et pleure, il devient un enfant. Et j'ai alors envie de me lever et de prendre dans mes bras, et le consoler. Et s'imprégner de son odeur pour ne jamais oublier cette heure et demie sublime que j'ai passée. # écrit le 22/04/08