Notre volonté commune a été en premier lieu d'éviter l'ornière dans laquelle l'humour musical risque trop souvent de s'embourber, une succession de sketchs aux effets appuyés, pour écrire avec eux une véritable histoire comprenant intrigue et personnages, un spectacle de théâtre à part entière qui utiliserait la musique pour langage.
Les saxophones, instruments privilégiés de nos quatre héros, ont vite été considérés eux-mêmes comme acteurs de cette histoire. Ils sont leurs voix, leurs paroles, leurs compagnons de fortune ou d'infortune. Ils partagent leurs joies et leurs peines, leurs vérités et leurs surprises, leurs cris de douleur et leurs éclats de rires. Chaque morceau est un dialogue. Chaque mesure est un mot. Chaque note est une syllabe.
Tout d'abord instrument sauvage aux réactions imprévisibles, lion féroce, dangereux crocodile, cheval fougueux, puissant gorille, le saxophone se fait pic-vert, grenouille ou colibri, avant de se laisser apprivoiser. Résonnant comme un tambour il nous emmène dans une Afrique imaginaire, berceau de l'humanité qui naît sous nos yeux. Il devient alors instrument de musique et de jeu, fusil, sabre, biberon, longue vue, téléphone, tour de magie ou d'équilibre. Le voilà nouveau-né au grand cirque du monde.
Devenu docile et familier il entre dans la tribu et se fait mère, amante, enfant, copain. Il s'humanise. Il envahit notre univers au point de ne plus faire qu'un avec nos héros, de faire corps avec eux. De contrées en contrées, de musiques en musiques, il accompagne nos quatre compères, il les suit ou les guide, il les emporte aux quatre coins du monde, aux quatre âges de la vie, à la découverte d'un paradis perdu, à la recherche d'un langage oublié et aussi d'un public dont la présence, comme au théâtre, est volontairement ignorée jusqu'au bout de l'histoire.
Quand à la fin de la pièce la rencontre s'opère et que nos DÉSAXÉS saluent, c'est alors quA'on comprend que le souffle du musicien est comparable au souffle divin, celui d'un démiurge qui donnerait vie au vent.