Un été, et d'autres étés, et tous les étés, la petite fille vient chez ses grands-parents. Une maison au bord d'un fleuve.
C'est la maison dans laquelle sa mère est née, a vécu.
C'est la maison dans laquelle sa grand-mère est née, a vécu. La petite fille devient jeune fille.
Chaque été, elle grandit.

Le retour de la guerre, la disparition d'un frère, les premiers baisers, les premières amours, les découvertes, les inquiétudes enfantines, les préoccupations adolescentes, les chagrins... La vie qui ne cesse son tourbillon, son vertigineux travail de transmission.
Rouge, couleur du sang de la transmission, couleur de l'enfantement, couleur de la jeune fille devenant femme, couleur de la guerre, couleur de l'amour et du sexe, rouge, couleur de la colère et des chagrins, et des joies.
Rouge, couleur des chaussettes en bouclette que la petite fille aime tant porter. Rouge, couleur des lèvres maquillées de la mère amoureuse.
Couleur d'une vie en feu. Brasier de l'amour.

"Tu ne dis plus grand chose. Le petit son de ta voix ne fait plus vibrer les murs de la cuisine, on dirait qu'une lumière s'est éteinte, que quelque chose a aspiré tout l'air de la pièce, tout l'air de la maison. On va finir par étouffer. On n'avait pas besoin de tant de ménage ! Un peu de poussière en moins oui ! Merci ! Mais qu'il nous reste de quoi respirer tout de même, de quoi remplir nos oreilles !
Il n'y avait déjà pas grand-chose mais là c'est le pompom, on se perd dans tout ce silence.
Tu t'ennuies ?
Tu t'ennuies avec nous ?"