Eugenia et Fulgenzio doivent bientôt se marier. Leur égocentrisme et leur infirmité à être, tout simplement, en font des personnages incapables de se rapporter l'un à l'autre. Alors, comme les protagonistes du Dépit amoureux de Molière, dont ils sont l'extension volcanique italienne, ils empruntent à la convention théâtrale mélodramatique des schémas pseudo tragiques, qui les entraînent dans un délire ingérable pour eux-mêmes et pour leurs proches.

Cette pièce écrite en 1759 aurait pu l'être aussi bien aujourd'hui.

Avec cette histoire de jeunes adultes en crise, immatures et chamailleurs, Gloria Paris, metteur en scène italienne installée en France depuis quelques années, nous fait partager la redécouverte d'une pièce peu jouée de son compatriote Carlo Goldoni, réformateur de la commedia dell'arte et fondateur, au XVIIIeme siècle, de la comédie italienne moderne.

Lorsque le soupçon, le manque de confiance en soi et la peur panique des sentiments qui jaillissent de l'état amoureux prennent le dessus, on parle souvent de jalousie. La pulsion de vie qui traverse Eugenia et Fulgenzio est si puissante qu'elle les dépasse. Ils perdent le sens de la réalité, ils cherchent le reflet de leur image dans l'autre, rêvent d'un autre identique à soi et subissent la tyrannie de leur propre désir. Le mélodrame flirte avec la tragédie et seule la comédie, aussi amère soit-elle, devient la promesse d'une salutaire catharsis. Gloria Paris