Ils partagent de la nourriture, de l'alcool, des histoires et des souvenirs. Une violence structurelle les amène dans une forme de précarité.

Moe et Syd sont deux naufragés de la vie. Des "invisibles" qui luttent contre l'effacement progressif de leur mémoire et la faim qui met leurs corps au supplice. Jusqu'à les faire douter de leur existence même : "Je devrais être mort à l'heure qu'il est je te dis / Peut-être que t'es mort ça se pourrait que ça soit la vie d'après".

Nés dans la lignée des clochards célestes de Samuel Beckett, Moe et Syd en ont aussi hérité la clownerie. De péroraisons en digressions, d'histoires sordides en saillies de pure poésie, le texte recèle des trésors d'humour absurde, tels que seul le désespoir peut en produire.

Portés avec sensibilité par Jean-Christophe Allais et Jean-Yves Duparc, ils témoignent qu'au coeur de la nuit, le rire et l'émotion brillent avec un contraste d'autant plus fort.

Au diapason de cette veine ironique et noire, la musique aérienne de Manuel Langevin vient instiller l'idée d'un ailleurs désirable... comme pour mieux narguer nos compères.

"Nuit, un mur, deux hommes", C'est le talent de Daniel Keene : réussir d'un titre lapidaire à aspirer au coeur de son univers. Chez Keene, la langue circule entre deux êtres, mais aussi entre deux mondes. Les metteurs en scène Fanny Malterre et Rainer Sievert ont su en relever l'esprit avec un second degré assez britannique.