Il faut penser en enfant et agir en adulte et non penser en adulte et agir en enfant " dit une maxime populaire. Voilà une bonne définition de l'esprit d'enfance. D'un esprit d'enfance à mille lieux de la naïveté et de l'irresponsabilité. Voilà aussi une belle condamnation d'un certain esprit de sérieux, bien contemporain, que Péguy se plait à chahuter dans son " Mystère des Saints innocents ".

Dans son dernier rapport annuel, le médiateur de la République pointait la " fatigue psychique " d'une société " en grande tension nerveuse ", où le " chacun pour soi remplace le vivre ensemble ". Une société où chacun porte sur ses épaules un poids de plus en lourd. " Celui qui fait des combinaisons, celui qui en lui-même, pour demain, dans sa tête, travaille comme un mercenaire, (et entre nous comme un imbécile), travaille comme un esclave qui tourne une roue éternelle, celui-là, je ne l'aime pas, dit Dieu " écrit Péguy.

En moquant l'homme moderne à la conscience prométhéenne, imbu de son importance, replié sur lui-même et oublieux d'autrui, Péguy nous appelle avec humour tout à la fois à plus de légèreté, d'humilité, de solidarité, de confiance, de lucidité et de maturité. Car si l'état d'enfance n'est point ce monde édenique exempt de toute ambivalence ou de malignité, il reste l'éternel horizon de notre pleine stature d'homme, la promesse d'une nature humaine sans cesse à conquérir et dont la poursuite requiert courage, responsabilité et fermeté d'âme.