Faut-il prendre le Gag au sérieux ? Ensemble hétéroclite d'artistes venant de la danse, du théâtre ou de la musique, le Gravel Art Group travaille dans une optique d'ouverture, mélangeant allégrement les genres, les formes et les discours. A l'image de cette esthétique touche-à-tout, Gravel Works est un objet chorégraphique insolite : intégrale " provisoire ", " best of " en perpétuel ajustement, cette pièce déjoue les principes d'unité, d'évolution, s'amusant à faire et défaire sa matière en direct. Derrière le collage de fragments, l'enchaînement de scènes sans ordre apparent, émerge une image fragmentaire et ironique de la danse contemporaine. Dans ce passage en revue des styles et des postures, aucun ressort n'est laissé en place : tout est démonté pour être mieux remonté à l'envers, ou en partant de la fin...

Il y a de tout (et de n'importe quoi) dans Gravel Works : un défilé de danseurs neurasthéniques en slip, des scènes de ballet, des duos suspendus, de l'émotion, du suspens. Des intros à l'entracte. Des après sans avant, des milieux au début et des fins n'importe où. Passant sans complexe de PJ Harvey à Chopin, de la pose romantique à l'énergie rock, les interprètes occupent la scène, dérivent de moments solitaires en danse de groupe, tandis que la musique commente, détourne ou accompagne l'action. Endossant tous les rôles, tour à tour musicien, danseur ou monsieur Loyal décalé, Frédérick Gravel joue avec les attentes du public, éclaircit le pourquoi du comment, explique comment attirer les producteurs, devenir un artiste engagé ou incorporer la crise de l'art contemporain. De commentaires en conseils avisés, il nous fait replonger à l'intérieur de chaque extrait comme dans un nouveau spectacle, sans cesse en train de s'interrompre et de reprendre. Les " travaux de Gravel " : une longue dérive ludique, fidèle à la devise du GAG : " créer beaucoup, essayer abondamment, s'obstiner énormément ".