Pour la première fois montée en France la saison dernière dans la traduction d'Huguette Hatem, cette comédie d'Eduardo de Filippo jette un regard féroce sur les "profiteurs de la guerre" et tend un miroir cruel sur l'Italie de 1942. Dans un pays ruiné par le fascisme, la famille Jovine fait du marché noir, sous le regard désapprobateur du père. Celui-ci revient deux ans plus tard du camp où il avait été interné et constate que sa femme a fait de belles affaires...

Dans cette pièce, très ancrée dans le Naples populaire dont il est originaire, Eduardo de Filippo mêle le grotesque et le drame, le comique et le tragique, le réel et l'irréel et nous entraîne très loin dans l'exploration de l'âme humaine. L'image chaotique d'une civilisation privée de sa spiritualité, l'appel à la conscience des hommes de bonne volonté, l'ingérence des peuples qui en libèrent d'autres pour mieux les dominer, sont autant de reflets qu'offrent cette oeuvre à nos visages contemporains.

Avec sa Compagnie Le Théâtre Vivant, Anne Coutureau avait réalisé la mise en scène de Roberto Zucco très remarquée en 2011. Ici, dans un décor inspiré du cinéma néo-réaliste italien, sur une musique jubilatoire de Nino Rotta, elle dirige une troupe de treize formidables acteurs qui jouent une vingtaine de personnages. C'est drôle, grave, burlesque, tragique : c'est terriblement humain.