Pierre Arditi et Muriel Robin ont été absolument remarquables dans cette pièce en valse-hésitation entre réalité et fiction, entre scénario réellement existant et pure hallucination d' acteurs égarés, comparable à " Un léger doute " à l'affiche à la Renaissance. Ici, dans le superbe théâtre Edouard VII, les deux compères jouent à merveille deux parties, l'une dans laquelle le public est assumé être là (la scène se passe dans l'appartement de Pierre Arditi qui joue son propre rôle) et en compagnie duquel il va falloir " faire avec " dans une cascade de gags et d'évitements ratés, l'autre où la santé mentale des protagonistes est mise à partie. Cette bascule de comique à tragique nous vaudra de magnifiques confessions de foi d'acteurs et sur le métier, à double-sens puisque nos comparses s'auto-décrivent (dans la première partie, Arditi, fera sans détour allusion à ses problèmes de santé et à ses deux sorties de scène pour malaise, et dira, sur un ton badin et plaisantin, qu'il " pense aller jusqu'à la fin " du spectacle), et qu'il faut bien espérer non testamentaires puisqu' Arditi a donné l'impression de délivrer là comme un chant du cygne alors qu'à côté de lui, jouant à merveille, mais chancelante, Muriel Robin contenait à grand peine sa visible émotion. Une standing ovation, bienvenue et très motivée pour cette fois, a salué ces deux comédiens qui ont vieilli, mais fort bien et qui sont toujours alertes. Robin a été excellente dans un registre sérieux que je ne lui connaissais pas. Le personnage du spectateur pris au hasard, par contre, n'est pas crédible et fait bien trop professionnel, c'est un peu dommage et perfectible aisément. # écrit le 31/12/23
Dans cette toute petite salle du 15e, Christophe Charrier nous offre un moment de théâtre juste avant de partir pour Avignon. Du théâtre plus qu'un seul-en-scène puisqu'il fait défiler plusieurs saynètes qui n'ont de commun que l'addiction. De plus, il joue masqué façon commedia de l'arte, ce qui renforce l'aspect confession dite par un Pantalon blasé devant un public SOS Amitiés. La performance est à saluer, mais une scénographie plus active en renfort ne serait pas de trop, au risque sinon d'une monotonie car le jeu expressif des traits du visage est perdu et que les addictions décrites sont plutôt glauques. # écrit le 31/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Je ne donnerai pas d'avis tranché cette fois. Le concept de la pièce est singulier et prenant, l'Allemagne nazie sous le prisme d'une petite Française perdue dans le maelström. Je vois que beaucoup de spectateurs sont très laudatifs. Si l'occasion se présente, je retournerais tenter cette pièce ambitieuse notamment pour sa seconde partie qu'on décrit très différente. Je n'ai simplement pas pu supporter le volume sonore de la (longue) première partie où malheureusement l'actrice hurle son texte. # écrit le 29/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très belle prestation de Julie Depardieu pour cette Médée moderne dévorant ses enfants dans la folie du fanatisme national-socialiste. Son partenaire Stefan Druet Toukaïeff n'est pas en reste. Etait-ce les vrais personnages historiques qui nous sont devenus plus connus depuis la Chute de Oliver Hirschbiegel avec Bruno Ganz ? Qu'importe, le théâtre et ce spectacle font réfléchir à ce parcours, à valeur universelle, d'allumés qui les font accomplir des actions proprement monstrueuses en " voulant le bien ". Où finit le bien faire pour autrui et où commence le terrifiant déni anesthésié, vaste sujet. La scène de la fin de l'ainée des enfants Goebbels refusant le trépas est un haut-le-coeur. Il y a de la passion dans le manque de compassion, mais aussi un net décrochage. Les acteurs sont au diapason de ce délire collectif qui peut resurgir n'importe où n'importe quand. # écrit le 29/12/23
Victoria Pianasso est excellente. Le monde du stand-up est très inégal, de plus en plus codé et souvent réduit à la sphère de l'intime ou d'un groupe d'âge. Victoria Pianasso offre un spectacle très travaillé, pluriel, proche du théâtre et du seul(e) en scène, très généreuse de son temps (bien plus d'une heure) comme avec le public avec une très bonne réactivité non agressive (une des facilités du genre qui harponne regulièrement les premiers rangs pour lancer la machine) et faite d'aimables interruptions. J'ai trouvé la performance onirique finalement, fantaisiste, riche, diversifiée, avec des coqs-à-l'ane originaux et des prises de risque de funambule (sa longue introduction sur ce qu'aurait dû être une bonne introduction). Bonus, elle a une très belle voix et je l'aurais bien entendue plus longtemps chanter. Victoria a l'avenir pour elle, n'en doutons pas et souhaitons-lui bonne chance. Je n'avais rien vu de si personnel depuis Caroline Estremo, dans un tout autre genre de style et de registre de stand-up. # écrit le 29/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Pièce étonnante qui navigue et nous embarque (une " traversée " littéralement assumée par le scénario) dans plusieurs directions, de plus en plus déroutantes, de la comédie tendre légère jusqu'à un délire onirique et catastrophiste de plus en plus affirmé. Le final a même des accents existentialistes tragiques sur les limites de notre humaine condition, et sera un appel à briser nos petites limitations intérieures qui brident notre existence au détriment de plans de vie rêvés qui ne demandent qu'à lever les voiles et à prendre le large, après avoir été dessillés en levant précisément le voile sur un quotidien contrit et inassouvi. Bref, la bouffée d'air frais explose pendant plus d'une heure, les survivants sur leur île déserte prennent la mesure , et Marie-Élisabeth Cornet et Dominique Langlais sont très convaincants dans ces postures hybrides entre anesthésie et fantaisie, malgré les émotions de la première qui fut bien joyeuse. J'eus la chance de me retrouver assis à côté de Bérangère Dautun, directrice du Studio Hébertot, que je n'ai pas hésité à féliciter pour l'excellence de sa programmation et sa performance dans un Bateau pour Lipaïa. # écrit le 28/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Contrairement à ce que dit un commentaire, la vérité historique n'est pas trop malmenée, Mata-Hari a réellement été danseuse " javanaise " au succès et argent fous, cocotte entretenue, prostituée les mauvais jours, et agent-double de bas de gamme dont n'aurait pas voulu un OSS117 et une fine équipe de seconds couteaux.icompétents du renseignement. La surprise, discutable mais pourquoi pas, est de la présenter comme femme libre de mener sa vie comme elle l'entend et d'être arrêtée en plein vol par un patriarcat militaire débile et arriéré. Dans ce registre, les acteurs masculins tiennent la corde, sont raides, obéissants et idiots (quand ils ne bavent pas de lubricité devant la vedette qui osa danser nue devant le Tout Paris), et l'actrice Mata Hari, très nettement en sur-jeu, peut correspondre plausiblement à une Mata-Hari présentée comme utilisant les hommes à toutes fins, poulpe séductrice dans une survie opportuniste et habile dans l'asymétrie sociale entre femmes et hommes à cette époque. Le spectacle est donc cohérent, on peut le voir, on apprend foule de détails, il ne m'a pas convaincu. Il semble que la Mata-Hari historique se soit brûlé les aîles de trop d'appétit, ait menti à tout le monde, se soit faite lâchée par les services allemands qui la dénoncent aux français, lesquels n'ont pas vraiment de preuves de leur côté, mais la supplicient pour l'exemple alors que le front français accuse des revers. La grande muette n'en sort pas grandie. Par contre, Mata-Hari aura bien eu cette mort crâne décrite sur scène, bravant le peloton et usant de bons mots. # écrit le 27/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Deux comédiennes portent à fond cette pièce de Rébecca Déraspe, jeune autrice très connue au Québec. Le texte a été rewrité pour certaines tournures québécoises difficilement compréhensibles pour les hexagonaux. La pièce est très forte, presque trop dense, et mettant les pieds dans le plat pour des problèmes très actuels. La place des femmes, leurs affirmations de soi, leurs resignations aussi, toutes aussi violentes, l'omniprésence délétère du climat de permission du viol, ou l'expérience, proprement féminine, de la maternité, leur choix de mettre au monde, d'élever un enfant autrement pour un monde autre, les nouveaux pères et le déplacement subtil des rôles dans les genres, et tout cela et bien d'autres choses encore mais à travers les engueulades cash entre deux complices, amies de toujours dont j'ai même cru à tort la liaison homosexuelle, erreur de ma part tant leur relation est forte et sans tabou. Le spectacle n'impose pas de point de vue, mais montre comment se débattent et débattent entre elles deux femmes jeunes de maintenant. Les deux actrices sont passionnantes, dans une enfilade de saynètes à rythme soutenu et un jeu de subtils flash-back. C'est remarquable. Un temps d'échange à la fin du spectacle a été un bonus très sympathique. # écrit le 23/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Scénario magnifique, à propos de Brassens, pour une histoire sur le fil, et pour raconter en parabole nos vies dont les destinées ne tiennent souvent qu'à quelques uns d'entre eux. Comme dit le poète, " Si par hasard /Sur le ponts des Arts..." Hervé Masquelier est superbe. La musique m'a, hélas, moins plu et est etrangement absente de l'univers de Brassens. Par contre, elle aurait accompagné à merveille Masquelier s'il avait osé pousser la chansonnette plus loin. La pudeur, sans doute, l'a retenu. # écrit le 17/12/23
De bonnes blagues, de belles réflexions sur le handicap, un très bon contact avec le public, mais un champ de tir finalement très axé sur l'univers personnel, très politiquement correct et sans risque, aux antipodes de Naïm, par exemple, juste de l'autre côté de la Place de la République, pas au même prix assurément, mais dont le vitriol lui a fait mériter ses galons. # écrit le 17/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com