Comme rien ne l'indique dans le programme, je dois avouer (à ma grande honte) que j'ai mis un moment à reconnaître le texte ! Le pitch : Une émission, un présentateur vedette. Un plateau télé, des caméras, des spectateurs et un invité : un père à la recherche son fils, disparu. L'équipe d'AVIS DE RECHERCHE reconstitue, grâce à un super ordinateur et la réalité virtuelle, le parcours de son enfant afin de le retrouver. Mais le programme devient vite un tribunal pour ce père autrefois sévère, jusqu'à lui faire vivre la pire expérience de sa vie en direct "LIVE". Réalité ou Reality show ? On se souvient tous de cette consternante émission de Patrick Sabatier, dans les années 80, dans laquelle il s'agissait de retrouver des gens qui avaient disparu de la vie de l'invité, et qui s'intitulait justement " Avis de recherche ". Je croyais donc qu'il s'agissait d'un simple spectacle comique sur les dérives de la télévision poubelle... Que nenni ! En fait la plus grande partie du texte est d'un certain Pierre Corneille, tiré de sa pièce L'illusion comique, légèrement adaptée, avec l'ajout d'alexandrins contemporains ! C'est super bien fait ! Les spectateurs sont invités, comme dans les vraies émissions de télévision, à applaudir ou à rire quand s'allument les panneaux " Rire " et " Applaudissements ". Les acteurs sont vraiment excellents (bon, d'un autre côté, ce sont les Moutons Noirs, ce n'est pas vraiment une surprise...). C'est donc un spectacle que je recommande chaudement, et que je suis retourné voir avant la fin du festival d'Avignon. # écrit le 23/07/24
Les retrouvailles avec de vieilles connaissances : en 2004 Comédiens et compagnie m'avaient réconcilié avec Molière avec leur "Princesse d'Élide". Vingt ans après, quelques cheveux ont blanchi ou se sont absentés, mais c'est toujours aussi bien ! Si Jean Hervé Appéré situe l'action dans les années 20 (pourquoi pas ?...), le texte est en revanche tout à fait respecté. Les comédiens, qui sont aussi musiciens et chanteurs, sont vraiment excellents à tous points de vue. La pièce est délicieusement misogyne et nous change du discours politiquement correct ambiant : ne me lapidez pas tout de suite, je n'ai rien contre le féminisme, au contraire ; mais le texte de Molère est tellement " trop " dans le contexte actuel que cela rajoute, involontairement, à son comique. Bref je recommande chaudement ! # écrit le 23/07/24
Avec un titre et un sujet pareil, je m'attendais à la pire vulgarité, du style Ma voisine ne suce pas que de la glace (titre authentique d'une " pièce " jouée à Avignon). Mais le spectacle avait été un gros succès l'année dernière, et la présence de Xavier Martel, que j'avais déjà vu dans d'autres spectacles d'excellente tenue, a achevé de me convaincre. Et j'ai bien fait ! Le sujet : une fille rencontre un aveugle ; coup de foudre ; puis il disparaît... Elle va tout faire pour le retrouver, cherchant dans toutes les associations destinées aux aveugles (foot pour aveugles, bowling pour aveugles, etc.), en vain... Elle se dit alors qu'il y a une activité dans laquelle tous les hommes se retrouvent : le cul, le porno, la masturbation ! Dans l'espoir que son bel inconnu entende un jour sa voix et la reconnaisse, elle va travailler dans la boîte " Porn for the blind ", qui produit des documents audio décrivant en détail les scènes pornographiques ! C'est vraiment très drôle, mais pas seulement. Bien souvent l'émotion vient affleurer : ces gens qui travaillent toute la journée dans le porno ne sont pas des brutes en rut, ils ont des fêlures, des aspirations, ils espèrent eux aussi l'amour, le vrai, celui qui ne se limite pas aux nichons, aux bites et aux flots de sperme. Cela aurait pu sombrer dans la mièvrerie, mais ce n'est pas du tout le cas : le rire là encore établit une distance, une profondeur qu'on n'aurait pas soupçonnée. Bref je recommande chaudement. # écrit le 23/07/24
Le dernier opus de Nicolas Devort s'inscrit dans la lignée directe du mythique "Dans la peau de Cyrano" (qui en est à 1086 représentations !) et promet de devenir tout aussi mythique. C'est l'histoire de Lisa, 15 ans, qui vit seule avec sa mère, son père étant mort depuis dix ans. Elles se sont ménagé un cocon protecteur... jusqu'à l'arrivée d'un nouvel homme dans la vie de sa mère. Un homme toxique, brutal, aussi bien psychologiquement que physiquement. Lisa au lycée essaie d'avoir des copains, se fait harceler par deux connards, se trouve un ami qui pourrait peut-être être plus qu'un ami... Il faut vraiment insister sur le fait que Nicolas Devort est un acteur absolument exceptionnel : à lui tout seul il incarne une bonne dizaine de personnages, que l'on reconnaît instantanément, passant de l'un à l'autre en un dixième de seconde, avec une maestria vraiment confondante... Les thèmes abordés (le harcèlement, les violences faites aux femmes) sont certes à la mode, mais traités ici avec une extrême délicatesse, une vraie humanité. Je recommande plus que chaudement ! # écrit le 23/07/24
Plongée dans le monde des 20-25 ans, forcément un peu exotique pour un vieux croûton comme moi. Les écueils d'un certain jeunisme ne sont pas tous évités, mais ce n'est pas grave, c'est vite pardonné. Comme on pouvait s'en douter, la vie d'un jeune de 20-25 ans aujourd'hui n'est pas rose : solitude, encore exacerbée par le confinement, angoisse de l'avenir, amours malheureux, sexualité triste, angoisse devant les choix de vie à faire, mal-être, suicides... Il y a de nombreux épisodes de danse : les deux auteurs, Zoé Laïb et Sauvanne Halley des Fontaines, pratiquent la danse... et ça se voit ! Le spectacle repose ainsi sur une série de pulsations entre inquiétude et véritable souffrance d'une part, et élan optimiste vers l'avenir d'autre part. L'ensemble est fort sympathique, et même très touchant quand les comédiens viennent déposer sur scène les portraits des amis qui ne s'en sont pas sortis : échec, découragement, voire suicide. Ce qu'on pourrait appeler le portrait d'une génération sacrifiée... # écrit le 23/07/24
Le pitch : Elles étaient des milliers mais peu de récits témoignent de leur existence hors norme : les Recluses, ces femmes qui choisissaient de vivre emmurées pour prier Dieu jusqu'à la fin de leurs jours. Notre histoire retrace la vie encore brûlante de l'une d'entre elles. C'est en 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, que la jeune Esclarmonde refuse de dire "oui". Contre la décision de son père, le seigneur du Domaine des Murmures, elle s'offre à Dieu et exige de vivre emmurée jusqu'à sa mort. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe... ni du voyage que sera sa réclusion. Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Je suis athée autant qu'on peut l'être, mais j'ai toujours été fasciné par ces gens qui rencontrent Dieu et dont la vie est à jamais transfigurée. C'est dire si ce spectacle m'intéressait, dans son expression paroxystique de la foi absolue. C'est un très beau spectacle, à tous les niveaux : la scénographie de Grégoire Lemoine, dans l'écrin de la chapelle du Roi René, est superbe, de même que les costumes d'Alice Touvet ; les vidéos de Mehdi Izza créent une ambiance tantôt féerique, tantôt diabolique, la mise en scène de William Mesguich est sans défaut. Et surtout Jessica Astier dans le rôle d'Esclarmonde est magnifique : belle, sensible, violente, elle porte le spectacle à bout de bras. # écrit le 23/07/24
Le pitch : Une chambre dans une demeure coloniale, une femme frappée de dépression post-partum séquestrée par son mari médecin, un papier peint jaune où se projettent hallucinations et apparitions fantomatiques. Dans cette chambre, une femme se bat contre une société qui veut contrôler son corps et son esprit. C'est troublant et puissant. Une femme, visiblement très perturbée psychologiquement, est placée par son mari psychiatre dans une chambre assez délabrée, tapissée d'un papier peint abominable, criard, fascinant, inquiétant, qui semble l'observer, tandis que sous le papier peint la femme suppose qu'une femme rampe pour agiter le papier... Sa robe ne fait qu'un avec les draps de son lit, dont elle est physiquement prisonnière. On sent une oppression patriarcale qui achève d'écraser cette femme perturbée. Et petit à petit elle sombre dans la folie... Belle scénographie, avec à l'arrière-plan une planche où se trouvent des rameaux tordus, symboles du dérangement de cette femme. Lætitia Poulalion est impeccable, allant de l'abattement à une exaltation inquiétante. # écrit le 23/07/24
Le pitch : Le 25 avril 1974, au Portugal, la révolution des oeillets fait chuter la plus longue dictature d'Europe. Des milliers de portugais marchent ensemble, vers leur destin pour écrire, la fleur au fusil, une sublime histoire d'union, d'amour et de paix. Ces hommes et ces femmes réussissent ainsi à gagner leur liberté sans qu'aucune goutte de sang ne soit versée. Quand son petit-fils l'interroge sur sa vie, Céleste, émigrée portugaise en France, convoque en sa mémoire les souvenirs passés de sa jeunesse muselée par la dictature de Salazar, de son arrivée en France par les chemins dangereux de la clandestinité, de ses nuits gelées sous les toits de taule ondulée dans le bidonville de Champigny sur Marne, de son histoire d'amour avec Zé, de son frère Chico, de la résistance, des oeillets qui obstruent les canons, de la liberté retrouvée et de ce parcours de vie chaotique et chahuté qui manqua de tout... mais jamais d'amour. Je vous avouerai que je n'avais qu'une connaissance très lointaine de la révolution des oeillets... Ce très beau spectacle a déjà pour mérite de nous raconter ce qui se passait, en 1974, au Portugal, pendant qu'en France on est dans l'insouciance. La mise en scène de Jean-Philippe Daguerre est excellente, et Lionel Cecilio, qui joue tous les rôles, passant de l'un à l'autre avec virtuosité, est un comédien vraiment exceptionnel... et la standing ovation qui a salué sa performance avait l'air d'une évidence. En sortant je lui ai dit : " J'étais venu pour Daguerre, la prochaine fois je reviendrai pour vous ". # écrit le 23/07/24
-Spectacle vraiment excellent, un de mes préférés de ce festival d'Avignon
10/10
Le pitch : Rousseau vient de terminer ses Confessions. Il y règle ses comptes avec son ami Diderot et vient en faire des lectures publiques à Paris, ce qui incitera le pouvoir religieux à interdire l'oeuvre de Diderot, L'encyclopédie, livre impie pour l'Église. Diderot lance alors un défi à son ancien ami. Un duel aux échecs où le sort de l'un déterminera celui de l'autre. Une partie burlesque et insensée s'engage, où tous les coups sont permis pour déstabiliser l'adversaire. C'est un spectacle d'une rare intelligence, qui aborde la philosophie avec humour, mais non sans profondeur ; mais c'est surtout un spectacle très drôle... dont je ne peux malheureusement rien dire de plus précis sous peine d'en faire perdre tout le sel, et cela à la demande de Grégory Baquet lui-même à la fin de la représentation... parce que l'on va de surprise en surprise au fur et à mesure que le spectacle avance. Grégory Baquet, comme à son habitude, est génial dans le rôle de Diderot, très à l'aise, avec un jeu très fin, drôle sans être lourd, subtil sans être ennuyeux. En face de lui, Franck Mercadal est parfait en Rousseau ronchon et misanthrope. # écrit le 23/07/24
J'ai quand même réussi à tenir une heure, espérant que ça allait s'arranger... mais non... j'ai fui lâchement. Déjà le texte est inaudible : Là, dans cette salle immense de 600 places, les comédiennes parlent entre elles sans se soucier de savoir si elles sont entendues au-delà du quatrième rang ; où ont-elles appris le métier ?... Manque de volume donc, mais aussi manque d'articulation : même lorsqu'elles parlent avec un micro, on comprend un mot sur trois ! Vous allez me dire que c'est parce que je deviens sourd... sauf que, sur les 33 spectacles vus avant celui-ci, je n'ai jamais eu de problème d'audition... Quand on ne comprend qu'un mot sur quatre, on a quand même un peu de mal à entrer dans un spectacle. Et quand on entend... ce n'est guère mieux : c'est plat, vulgaire, faussement révolté. Frelaté, inauthentique. J'ai lu ici et là que c'est un spectacle génial, qu'il a reçu plusieurs nominations. Il a un " TTT " de Télérama. Cela me plonge dans une totale perplexité... # écrit le 23/07/24