Ses critiques
5 pages de résultats triés par | | -Les rencards de la comédie humaine 9/10 L'auteur metteur en scène et comédienne Alice Lemy a choisi d'aborder les rencontres dans un bar de la dernière chance, où des êtres esseulés (plus ou moins) viennent chercher l'âme soeur. Ne craignant pas de prendre des stéréotypes auxquels on accorde plus ou moins les mêmes qualités et défauts en général, elle réussit à se sortir des redites dans des dialogues et postures prêtant à sourire et beaucoup à rire, tout en déchiffrant les deux aspects des personnalités de ses personnages. Elle fait ainsi la part belle au comédien Maxence David en lui laissant l'opportunité d'incarner des personnages "hauts en couleurs", dirons-nous, souvent vus, mais il faut l'art et la manière et l'auteur s'en sort avec les honneurs. Entourant et présentant les différents personnages, le barman, une sorte de vox populi, entre griot, maître vaudou et maître philosophe, un peu narquois, beaucoup espiègle, qui voit tout ce beau monde et interagit parfois avec lui, et même avec le public, interprété par Noël Lemoine, constitue l'entre-deux rencontres de cette pièce où vous rirez bien souvent (parfois seul comme ce fut mon cas quand les gens comprennent en décalage) et le tout pourrait être encore plus fouillé, car il reste de la place pour approfondir le sujet, mais vous sortirez de la salle certainement plus souriant qu'à l'entrée! # écrit le 02/05/19
| -Interprétation solide sur un texte en béton 10/10 La simplicité,qui est aussi un peu l'apanage du lieu, permet de bien se focaliser sur les intrigues et les personnages. Ainsi, le jeu des comédien-nnes ressort et on peut constater que l'interprétation est solide et sans apprêt. Un bon texte de Mme de Lafayette pour une mise en scène qui va dans le vif du sujet. # écrit le 02/05/19
| -Là où y'a d' l'Eugène, y'a du plaisir! 8/10 N'en déplaise à Roland, il semblerait que Rebecca se souvienne avec fracas de ses amours passées (pas toutes tout de même) avant de se poser avec un amour (on remarquera le passage du féminin au masculin du mot amour, les amours volatiles étant assurément féminines et l'amour grand stoïquement masculin, même les poètes sont des machos!). Ce cabaret se voulant construit comme une pièce présente des chansons souvent coquines illustrant les nuits d'une demoiselle (fait assez amusant au passage: l'Essaïon a accueilli il y a une dizaine d'année un spectacle du même nom avec des chansons communes aux deux, avec Marie Dauphin). La voix et le jeu de l'interprète jouant avec son claviériste entre les chansons, avec les sorties impromptues du violoncelliste (ils sont trois en scène) construisent donc une histoire, un fil directeur car ce n'est pas uniquement un tour de chant (à l'instar de Berlin en Seine, autre spectacle à l'Essaïon). Le spectacle pioche ici et là dans le grand répertoire et le répertoire moderne puisqu'on y trouve Mylène Farmet et Guesch Patti!ainsi qu'un improbable RAP se voulant la modernisation de la chanson précédente. Demande de ma part: la chanson de Jean Ferrat, "une femme honnête", aurait toute sa place dans cette pièce montée musicale et ajouterait un grain de violoncelle supplémentaire. # écrit le 15/04/19
| -Un Une femme détruite par son époque 9/10 L'Essaïon nous offre actuellement deux pièces sur la vie -ou les bribes les plus significatives- de deux femmes qui eurent à souffrir de l'inconstance des hommes et d'une société pas vraiment portée sur l'égalité des sexes, malgré la richesse créatrice de l'époque, à vrai dire presque exclusivement masculine, le patriarcat se chargeant, au mieux, de remiser au rang de second couteau toute artiste féminine désirant s'affranchir de la figure tutélaire masculine qui représentait aussi une prison (comme c'est encore le cas, n'en doutez point, si vous vous penchez sur les féminicides encore assez courants à notre époque). Après la Goulue, excellente pièce qui continue son bonhomme de chemin avec bonheur, c'est Mademoiselle C, une évocation libre de la vie de Camille Claudel, qui est à la sculpture ce que Rodin est à la heu..sculpture...et qui est également un pur bonheur, même si la vie de Camille Claudel tient véritablement du tragique. D'abord dans l'ombre du maître, Rodin, elle devient ensuite sa maîtresse -on dirait aujourd'hui qu'elle vit avec lui puisque c'était plutôt sérieur- mais, consciente de n'être aux yeux d'une majorité de rétrogrades qu'un faire-valoir de Rodin dans l'art de sculpter, et ses propres oeuvres étant pillées sans vergogne (un peu comme la Tour Eiffel génère un "merchandising" qui ne lui profite pas du tout), elle se rebiffera et connaîtra la misère, puis un sort douloureux, l'internement et l'impossibilité de pratiquer son art, auquel elle s'était donnée corps et âme, développant psychologiquement un sentiment d'injustice qui confinera à la misanthropie, arrangée par les médecins en schyzophrénie aggravée. Ajoutons qu'en 30 années d'internement, rares auront été les visites, l'indifférence, dans ce cas, étant bien la plus cruelle des attitudes. Mais Camille Claudel, c'est aussi et avant tout un être humain broyé par une société paternaliste, l'amour et le besoin d'enfanter, car ces trois éléments sont, je crois, les principaux qui poussèrent Camille Claudel à un tempérament suffisamment instable, cependant qu'un Rodin culpabilisant (et ayant probablement fait avorter au moins une fois Camille Claudel) tentera de l'aider avec versatilité puisqu'il voyait aussi en elle probablement un concurrent sérieux, à une époque où l'art officiel était gage de rente assurée contrastant avec les incertitudes financières de ceux qui n'étaient pas retenus, ce qui est le troisième point qui condamnait Mademoiselle C à une reconnaissance en demi-teinte guère rentable pour conserver son atelier. Portée également par quelques contradictions (non abordées ici) qui purent lui faire du tort, Camille Claudel trouve environ 75 ans plus tard un texte fort porté par une comédienne en douceur et en colère contenue, explosant quand il le faut, sans surjouer dans la rage, ou dans une hypothétique schyzophrénie à l'époque construite de toutes pièces ou avérée de l'artiste -cela fait encore débat-. La pièce évoque sans appuyer certains comportements secondaires de prime abord mais qui prennent leur sens ensemble: ainsi, le possible alcoolisme chez Camille Claudel est évoqué par quelques levées de coude et au goulot. Au final, Camille Claudel a trouvé en Maude Sambuis son porte-parole en un siècle où les reculs sociaux et féminins à travers le monde, malgré ce qu'on peut en dire ici et là, n'ont pas forcément beaucoup à envier à l'époque où Mademoiselle C. exerçait son art mêmes si, démographie oblige, les femmes ont les coudées un peu plus franches, on sait que cela peut vite être effacé (à l'instar des acquis sociaux ou des avancées sociales qu'on tenait pour acquises) et qu'en chaque femme subsiste une Mademoiselle C au bord de la rupture et une Madame Claudel enfermée à jamais, que la prison soit physique ou psychologique. # écrit le 15/04/19
| -Von Kopf bis Fuß! 8/10 Berlin en seine propose de retrouver le répertoire français et allemand (les chansons en allemand sont toutes sous-titrées par projection ou dites en français avant la chanson) en visitant quelques plumes de l'écriture et de la musique, principalement une voix accompagnée d'un piano. Ainsi, Joseph Kosma (auteur de nombreuses musiques de longs métrages et de nombreuses chansons, dont les plus connues sont probablement Barbara, en sortant de l'école, les feuilles mortes), Hanns Eisler (la mère, de Brecht, Nuit et Brouillard d'Alain Resnais et le fameux chant de la Solidarité), Bertolt Brecht (qui fut souvent associé à Kurt Weill pour les oeuvres d'avant guerre) et Jacques Prévert (est-il besoin de présenter ces deux auteurs?) mis en musique par Kosma dans ce tour de chant)... sont au rendez-vous, les chansons agencées pour raconter une époque, qui va à peu près des années 192x-30 à l'immédiat après guerre. On y retrouvera avec plaisir la chanson Youkali, tiré d'une pièce dont la composition musicale était de Kurt Weil, chantée à deux voix accompagnées par un accordéon, moment de pause piano poétique, mais toutes ont en commun d'être aujourd'hui beaucoup mois connues qu'en leur temps et certaines n'étaient pas ce qu'on peut des "succès populaires absolus, à une époque où le disque n'était d'ailleurs pas systématique, et il était urgent de les voir réapparaître en spectacle vivant plus qu'en 33 tours ou en CD, voire en dématérialisé. Un bon moment qui permet d'entendre de l'allemand, ce qui est assez rare en dehors du lyrique, et vous pourrez reconnaître, si vous êtes néophyte sur la question, au moins la chanson de Mackie Messer, tirée de l'opérat de quat'sous de Brecht (die DreigroschenOper) dont une des version françaises fut écrite par Boris Vian et la version états-unienne anglophone, largement popularisé par le trompettise Louis Armstrong. Komm! Ihr habt keine Zeit zu verlieren! # écrit le 12/04/19
| -La fête est finie 9/10 4 personnes jadis amies dans leur enfance et séparées par la vie, se retrouvent à l'occasion d'une bien funeste nouvelle: le décès d'une ami commune, un club des 5 pourrait-on penser, réduit à 4. Elles se réunissent alors le temps de deux jours dans la maison (grand-)familiale du seul membre masculin, et ce qui pourrait passer pour des retrouvailles dévissera complètement quand chacun d'entre eux se retrouvera aves ses songes ou par des paradis artificiels face à la défunte, qui les renvoie à leurs non dits et leurs souffrances cachées. On n'est pas sérieux quand on a 17 ans, on l'est beaucoup trop des années après, mais l'enfance, c'est aussi cette espèce de havre d'insouciance (en général) que toute le monde voudrait souvent revoir, spécialement quand rien ne va, et l'histoire mêle la réflexion sur le sens de l'amitié, du rapport à l'autre, et des cadavres cachés dans le placard que nous pouvons tous connaître. Les souvenirs s'entassent, se déforment, les sentiments demeurent intacts mais évoluent en meurtrissures, et si parfois, la pièce se laisse à des drôle, comment c'est souvent le cas dans la vie, avec des hauts et des bas, ici, le bas prend de assurément de l'altitude! Je ne dévoilerai pas la fin, mais la pièce vaut le détour, portée par de jeunes comédiens dont on espère le meilleur pour eux. Du côté de la mise en scène, des passages chorégraphiés s'insèrent intelligemment dans la structure narrative et l'ensemble, très épuré côté décor puisque tout repose sur les comédiens, fonctionne bien du début à la fin. # écrit le 12/04/19
| -L'Aram toutes voiles dehors 9/10 Sophia Aram revient en forme, malgré l'épidémie de grippe, pour nous parler de la femme sous tous les angles, son sujet favori puisqu'elle est bien placée pour en parler, dans une atmosphère de pleine lune et de saint valentin avec tous les niaiseux achetant des fleurs, le calendrier leur soufflant toute spontanéité. Et elle ne déçoit pas: brossant la vision sociétale ou religieuse au sujet des femmes ayant leurs règles (-pas ce soir chéri, j'ai mes régles -pas grave, ça donnera plus de goût, dirais-je de mon côté), elle fait mouche, jusqu'à aller déterrer Pline l'ancien pour l'enterrer ensuite à sa manière, les ultra-juifs et leurs lits séparables dont je ne connaissais pas l'existence et qui en disent long sur la connerie humaine, et ce qu'il en aurait été si c'était l'homme qui avait eu des règles. L'analyse du vocabulaire autour de l'homme et la femme ne saurait être en reste et nous fournit bien des preuves réelles ficelées dans l'humour. Sophia Aram se rappelle également des bribes de son enfance sur un sujet qui n'aurait jamais dû en être un si les imbéciles ne s'octroyaient pas à chaque fois le pouvoir... Sophia Aram se fait aussi chanteuse, et manifestement avec un joli petit brun de voix, et c'est en rentrant du spectacle que les choses se gâteront si vous avez assimilé la dernière chanson et que vous êtes un homme. Bref, la petite et menue Sophia reste une grande dame que le temps ne semble pas atteindre, à quelques années de la ménopause qui, comme chacun sait, est une pause ménagère assortie de chèques emploi-service. Pour les hommes, l'andropause n'est pas mal non plus. # écrit le 14/02/19
| -Un spectacle pas rasoir 9/10 Vous avez été ou êtes encore peut-être de ces enfants qui ont beaucoup imité ou parodié des chansons, des artistes, des dessins animés, avez expérimenté la platine disque pour voir comme c'est rigolo (à l'instar de l'escargot, ce qu'il a sur la tête) d'entendre à vitesse plus rapide Demis Roussos ou à vitesse plus grave Chantal Goya ou, lors de l'écoute de l'ai de la dame de la nuit, vous êtes-vous même tenu les côtes et fait semblant de rire. Hé bien, Barber Shop est fait pour vous! C'est tout cela mais pas que. Parodiant, détournant chansons ou airs classique, interprétant leurs propres compositions, parfois accompagnés d'une seule guitare se faisant discrète, ils n'ont de cesse de nous faire retrouver (pour certain) notre enfance ou simplement (et c'est beaucoup) parvenir à nous détendre et à être repus sans manger, car un rire vaut un bon bifteck, dit-on. Vous pourrez entre autres choses entendre et voir une chanson en format 33 tours signant bien la maîtrise du quatuor à être en symbiose, les petits jeux de scène calculés pour optimiser la force comique, ou par exemple un tour d'horizon des différents types de chorales savoureux, sous le signe de la présidence du parti d'en rire. Barber Shop monte en puissance. # écrit le 14/02/19
| -Viens poupoule, viens poupoule, viens 9/10 Un trio de trois (sinon à deux c'eût été un duo, et quatre, un quatuor ahaha) femmes et d'un pianiste très concerné (bon, au final, on peut dire un quatuor) ont décidé d'interpréter ou de réinterpréter, sans l'artifice des micros qui, souvent, sonnent le glas de nos oreilles -même si un trombone n'est jamais loin- des chansons avec un mélange de pantomime, de burlesque, de digressions vocales, bref d'un tempérament scénique et mélodieux utilisant beaucoup le contrepoint. Ça swingue, ça déménage, ça peut se poser un instant car si rire est le propre de l'Homme, l'Homme fait aussi du sale. Le fil directionnel de ces trois gallinacées chantantes se situe volontairement dans une atmosphère années 60 – 70 avec en filigrane les rapports hommes - femmes qui agitent nos sociétés depuis au moins le crétacé supérieur en exagérant un peu et de la société tout court, en témoigne la chanson du groupe pré-girls band, si on devait préciser aux plus jeunes sa caractéristique , " Les Parisiennes", dont les titres étaient composés tout de même par Claude Bolling, et pour rester dans le jazz chanté de variété, une évocation de Jonasz pour vraisemblablement nous ramener à la généralisation des vacances à cette époque, mais avec des moyens parfois réduits. Ici et là, sous les doigts du pianiste, parfois quelques secondes de musiques ou chansons qu'il vous faudra attraper au vol,j 'ai cru même entendre au détour d'une chanson, les premières notes d'une émission télévisée, mais tout est compréhensible puisqu'il y avait deux britanniques dans la salle s'étant échappés du brexit. La complicité pianiste - trio permet de grands moments, le pianiste apportant même une voix mâle plus ou moins virile (ne comptez pas sur moi pour vérifier) à un ensemble dont devraient s'inspirer plusieurs interprètes estampillé(e)s Universal (comptez sur moi pour avoir vérifié). Le comique visuel et les trois tessitures s'accordent donc durant 75 minutes, qui en auront paru la moitié, pour nous faire sourire ou rire, nous permettant de nous reposer du quotidien pollué, tentaculaire et glacial ourdi par des forces obscurantistes mues par des...mais je m'égare (de lyon: prenez le métro 1 jusqu'à hôtel de ville hohoho). " Venez aux Swinging Poules, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et nous vous donnerons un spectacle qui vous soulagera " semblent-elles (et il) dire, faisant fi du cheveu sur la tête à Mattthieu. Bon d'accord, cette critique devient absconse, mais c'est un spectacle vivant, donc qu'il faut aller voir, il n'est pas possible de seulement l'entendre, et il est fort difficile d'expliquer par des mots ce qui est parfois purement visuel et sonore, sans édulcorer le tout. Et puis, si vous n'arrivez vraiment pas à PLONGER dans leur univers, vous pourrez toujours faire du BOUILLON de poules, ça remplacera avantageusement vos petits cubes chimiques et leur donnera le goût d'ex-fan-des-piscines-t'as-la-petite-molle (remarque personnelle complètement impossible à comprendre si on n'a pas vu le spectacle, même pour moi. ça doit provenir des 2h de bus en remplacement du RER). # écrit le 14/02/19
| -De la Goulue à Louise Weber 10/10 La Goulue, c'est l'histoire de Louise Weber qui, ici, commence par la fin. C'est Delphine Grandsart qui se lance sur scène afin de rendre vie à un personnage haut en couleurs de la fin du XIXème siècle, dans une jeune IIIème République déjà accablée par la corruption, les populismes et les affaires d'État, où tous les grands de ce monde alors très francophile et francophone, ainsi que le bourgeois, allaient s'encanailler dans les bordels ou...dans les salles de spectacle, comme au Moulin Rouge, témoin de la mise en lumière de la Goulue, interprétée avec gouaille par une artiste transportée par son sujet: Grandsart, c'est du grand art! Le texte de Delphine Gustau n'oublie pas le côté musical qui ne saurait être absent de cette époque de toutes les audaces dans une République encore conservatrice et pas encore séparée de l'Église. Se joint alors l'accordéoniste Matthieu Michard entre deux scènes ou accompagnant la voix de Delphine Grandsart, ce qui achève de compléter le portrait d'une époque puisque la Goulue, c'est aussi le témoin d'un monde né de la défaite (la guerre franco-prussienne de 1870-71 qui mit fin au second Empire et donna naissance à la IIIème République) qui changea également la vie familiale de Louise Weber, et c'est probablement de cette enfance populaire, où elle retourna au final à la fin de sa vie, que Louise Weber commencera à laisser place finalement à la Goulue, icône de son temps. # écrit le 10/12/18
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