Très belle pièce à la Tempête dans une mise en scène de Joséphine Serré et une mise en sons très convainquante de Frédéric Minière. L'interprétation est soufflante et rend physiquement bien compte de la violence des affrontements entre militants ecolos et forces de "l'ordre". Rien ne saurait justifier un tir fatal de Lbd, triste banalité de la violence légale, hélas, depuis de sinistres préfets et autres ministres de l'Intérieur face aux Gilets Jaunes. Dans cette pièce, une soeur revenue de nulle part s'interroge devant la dépouille de son frère, mort dans les affrontements, et dont elle lève les voiles sur ses mobiles dont elle ignorait tout. Quelques rares moments un peu grandiloquents ne sauraient faire oublier tous les autres où, musique aidant, on assiste au cataclysme, la perte d'une vie, entre donneurs d'ordres, fonctionnaires qui se défaussent constamment, et un collectif bigarré qui tente de sauver un espace naturel contre toute logique comptable et raisonnements spécieux devenus force de loi et, ici, loi du plus fort. Dans cette autorisation maquillée de tuer pour le bien de tous, une acmé est atteinte, magnifique, quand, dans un discours qui rappelle les animés de Miyazaki, les animaux, les végétaux prennent la parole et se plaignent de l'unique espèce terrienne qui ravage tout. La vérité sort par la bouche des enfants de la forêt. Je n'en dis pas plus sur cette parabole poignante qui aurait fait les joies d'un Bruno Latour et aux propos urgents. Courez voir cette oeuvre forte et ses acteurs épatants avant son départ en tournée en province. Notez qu'une pièce au synopsis similaire "Marcher tout droit est un combat" de Simon Grangeat a été jouée superbement il y a quelques semaines à la Folie Théâtre. Hasard ou communauté d'intérêt , il semble que les attendus du procès sur la mort de Remy Fraisse aient inspiré plus d'un. # écrit le 21/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Joli spectacle en miroir, au Théâtre du Rond-point, entre un père et un fils du même métier, le cirque, et que tout assemble, visages comme bagages, d'où le leitmotiv du titre, un sono io ? récurrent et tour à tour interrogatif, ou affirmatif, ou transgressif, ou simplement transgénerationnel (depuis 7 générations de clowns est-il rapporté d'un ton biblique ). Ce spectacle développe l'art très difficile et pince-sans-rire de numéros foirés et y parvient très bien, non sans lenteurs par rapport à d'autres pièces équivalentes, notamment une troupe russe qui passa fugitivement à la Cartoucherie l'Epée de bois en performance film muet, pas une parole et catastrophes à répétition (L'attrapeur de rêves d'Oleg Savchenko et Kostya Novytskyi). La tension monte cependant progressivement et les numéros acrobatiques de la seconde partie sont non seulement des prouesses mais des moments très poétiques. Des voix d'enfants enregistrées et diffusées discrètement ajoutent à ce parfum de cirque archétypal qui double les souvenirs épars du père, cirque qui poursuit sa route vaille que vaille, de mode en mode et d'artiste en artiste différents, et qui construit, avec nous spectateurs, dans une mémoire limbique, cet espace familial connue depuis la prime jeunesse et contact direct avec l'émerveillement et la bouffonnerie, cet autre face du monde qui sonne si vrai où l'apesanteur est domptée , comme les animaux, et où les bêtises du clown sont des libérations. Viva il circo ! # écrit le 16/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Spectacle décevant pour qui connaît un tant soit peu les efforts titanesques pour développer une danse contemporaine depuis les années soixante, qu'elle soit d'obedience post modern dance, ou vernaculaire à l'Europe ou fascinée par l'Extreme-Orient ou encore la street. Ici, rien de tout cela, un peu de terre battue au sol et une ambiance vaguement chamanisme ne font pas du Pina Bausch, loin de là . Pas de scénario, pas d' inventivité des mouvements qui font les délices des meilleurs plateaux parisiens ou franciliens, même une petite fille danserait mieux avec plus d'énergie, de créativité, de peps, et moins d'autocentrage . Mais qu'a-t-il pris donc au théâtre des Mathurins ? Il est facile d'aller à Chaillot, aux Abesses, à la Villette pour voir où en est la danse même quand on n'y connaît pas grand chose. # écrit le 14/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Étonnant spectacle que ce Blanche-Neige qui sied à la salle Grande Folie de la Folie Théâtre. De cette foldinguerie qui recycle Disney avec histoire de nostre France à la crème Chambord et campant Françoué 1er le pas peu fier de lui , on retiendra surtout les incroyables acteurs-chanteurs qui égayent cette comédie musicale de très jolies mélodies qui ne rougissent pas devant les meilleurs opéras-pop actuels. Bonne soirée en perspective, vous serez surpris, petits comme grands. # écrit le 13/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très bon divertissement au Théâtre du Marais, c'est rondement mené et volontiers potache, pourquoi s'en priver ? Ça fuse de partout, aucun temps mort, beaucoup d'idées scéniques, un rythme effréné, la patate , vous ne pourrez qu'en sortir ragaillardi. Bravo aux trois compères. # écrit le 09/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
-Deux brutes de décoffrage et dentelle de sentiment
10/10
Face à face, au Théâtre Montmartre Galabru, de plus en plus émouvant entre deux êtres que tout semble séparer via une annonce sur une appli de rencontre. Le résultat est décoiffant et imprévisible entre lui, veule et apparemment inconsistant, et elle, prostrée et en demande, un rien dirigiste. Les performances d'acteurs sont splendides, et les bons mots font mouche, avancant par demi-touches et revirements vers le final bouleversant et incroyable qui emporte par l'intrusion d'une autre dimension artistique. Chut, je n'en dit pas plus, mais allez voir cette pièce si humaine où l'affrontement donne de si beaux fruits. Du très beau théâtre d'acteurs qui soulèvent un scénario subtil et bien écrit. # écrit le 09/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
M Motobecane À couper le souffle Un texte d'une beauté qui laisse sans voix dans l'interprétation de Bernard Crombey, son auteur. Le langage est fort châtié et ne correspond pas tout à fait, dans son soliloque si fleuri, à l'univers frustre d'un Nord de la France bouseux, alcoolo, laissé pour compte, analphabète auquel il renvoie, pourtant il a valeur d'hyperbole pour désigner ce monde facilement identifiable, et géographiquement répandu un peu partout, fait de dénuements en tout genre, de misère, de vies silencieuses et brimées, de pauvreté et de violence, de garçons et filles sorties trop tôt de l'école et sans horizon, de campagnes isolées éloignées des villes, etc. Est-on idiot pour autant ? Non seulement Bernard Crombey donne voix ou se fait porte-voix de ces vies furtives et silencieuses dont l'intimité nous est rarement rendue publique ou audible, mais en plus il en recèle et secrète des affects secrets, les moments poétiques et fait parler ces muets, morts-nés sociaux, ces invisibilisés. On a aucune peine à encaisser la véracité et la cruauté de ce conte tout imaginaire, car si réaliste et si plausible , mettant un scène un pauvre bougre vivant de petits métiers d'autrefois et ébloui par la rencontre d'une gamine battue qui illumine son existence dont il prend d'un coup dans la poire la dimension désertifiée, un peu comme un Valjean sous anesthésie tombant sur une irresistible Cosette. Le reste, l'ouverture à une vie autre que solitaire, "familiale", les instants de complicité, l'émerveillement devant la poésie de l'enfance, puis le raffut dans le Landerneau, la bêtise crasse de la maréchaussée et des juges, si tout cela n'est pas acquis, n'est ni un témoignage ni un véridique fait divers, il n'en forme pas moins un splendide contenu de vérité, comme Stendhal magnifiera un procès de province rapporté par la presse dont il fera un affrontement et un symbole d'injustice sociale sous le personnage, lui aussi incompris et injurié, de Julien Sorel. Que cherche exactement Bernard Crombey ou son inspirateur peut-être plus lointain Paul Savatier, auteur du Ravisseur, je n'en suis pas sûr, mais au moins fait-il sauter les préjugés sur ces gens qui ne sont rien, qui ne sauraient sentir rien, sinon les plus basses pulsions, ces "sans-dents" pour employer le langage aimable d'un ancien Président de la République, ces probablement demeurés. Quoique nous n'ayons jamais mis les pieds dans ce décor désoeuvré, Bernard Crombey, ce soir au Petit St-Martin, aiguise notre humanité. Qu'il en soit remercié. # écrit le 02/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Magnifique épopée à la Folie Théâtre autour du tableau Mona Lisa. Le début m'a paru un peu lent et peut-être avais-je la tête pleine du succès du Testament Medicis, sur le même sujet au Théâtre Lepic, que j'avais vu deux fois avec enchantement. Mais le texte de Vanessa Brigitte part très vite sur d'autres travées que celles de Stéphane Landowski, et entraîne dans les entrailles de l'atelier de Léonard et d'une rencontre imprévu avec un déconcertant modèle féminin, femme d'un riche marchand et prétexte d'une commande au roi de France qui pourrait bien arranger les affaires de l'inventeur tout azimut. Sous les coups de butoir de l'imprévisible et irascible apprenti et enfant adoptif du Maître, Salaï, et dans un climat de concurrence effréné avec Michel-Ange, Mona Lisa deviendra une Madone bien particulière qui surprendra tout le monde, y compris elle-même. D'où ce sourire qui fait couler tant d'encre. Le jeu théâtral en devient succulent, molieresque, tout en nous donnant foultitude de détails sur l'époque et la hardiesse et l'originalité de Léonard. Face à Face, Leonard et Mona Lisa sortent de leurs gonds, et il en va de même entre les apprentis, entre le marchand et sa femme, entre Leonard et Salaï. Personne n'est blanc ni noir, les personnages ne se comprennent pas forcément entre eux, mais la pièce décrit un formidable compromis pour se dépasser, se libérer et faire aboutir un chef d'oeuvre que tout semble voué à être tué dans l'oeuf. C'est un hymne au courage d'être, et une formidable occasion pour des coups de théâtre gratinés et des travestissements loufoques . Bravo à Vanessa Brigitte, également présente sur scène, et à Eric Moscardo, Antoine Gheerbrant, Giacomo La Rosa, François Podetti. # écrit le 31/05/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Magnifique moment de pur théâtre pur à l'ABC entre deux acteurs dont le tandem ne se lasse pas de nous surprendre par ses aplombs délirants, ses divagations, ses scenars oniriques, ses moments d'improvisation, sa charge de douleur humaine. Framboise Sirot et Philippe Bataille ont été étincelants, et dans cette salle de poche ont donné toutes leurs lettres de noblesse à l'art de la composition en trois secs et filée. Bravo ! # écrit le 26/05/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Eleonora Galasso offre un seule-en-scène très particulier au Studio du Théâtre des Mathurins. Au premier abord, un cours de cuisine italienne, un rien binaire où s'affrontent mutuellement des clichés, et pas mal de vérités culinaires, sur les psychés et les cuisines italiennes et françaises (comme si on n'avait pas l'esprit large pour pouvoir apprécier et embrasser les deux). Puis d'incroyables incartades dramatiques, et fort bien interprétées, ayant pour trait des scènes de la vie conjugale, je n'en dirais pas plus. Petit à petit se dégage le sentiment que la cuisine, ou que par la cuisine, se forme le lieu où se parlent ou se sont dites les choses importantes de la vie. Ce concept très original ouvre une porte supplémentaire à l'espace théâtral. Allez soutenir Eleonora et mangez ses propos all'dente, elle a le sourire du vendeur italien qui vous enrobe, voire qui vous baratine et vous enfume en artiste, et ce je ne sais quoi de la fracture intérieure qui vous bouleverse. # écrit le 24/05/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com