-London Bridge is falling down, falling down (my dear lady)
10/10
Magnifique seule-en-scène, ou plutôt deux-en-scène au Théâtre de Belleville. Iman Kerroua arrache les tripes dans ce récit poignant qui part du portrait d'une femme refroidissante, une trader sans pitié de la City, pour remonter la bobine du fil, ou la bobine du film, de son passé. Pour tout dire, la boursico-jem'lajouewinneuse pète les plombs sur le plateau, et le spectacle est son hallali, son burn-out, son auto-dissolution en mode glouglous d'un Titanic qui sombre. On est accroché et ému par le retour, par à-coups, par hoquetements visceraux, à l'evocation de l'enfance où est côtoyée la pauvreté, mais surtout le déséquilibre mental d'adultes, d'où un vertige du vide, la perte de sérénité, la tentation du gain +++. Je n'en dis pas plus. Ce spectacle est vraiment particulier par sa mise en oeuvre de théâtre musical car le percussionniste y tient un grand rôle et orchestre une savante résonance des propos exprimés, les amplifiant. On n'est plus très loin d'une forme opératique savante. Dogan Poyraz est merveilleux de discrétion et d'implication dans ses transpositions subtilement recherchées qui évoque une rhétorique de musique contemporaine. Une éblouissante soirée dans cette salle qui a vu passer un grand nombre d'excellentes pièces . La résurrection est au rendez-vous. # écrit le 18/05/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
On s'emballe devant ce concentré! Savoureuse soirée cabaret aux Enfants du Paradis avec les Caroline. De l'entrain, de l'humour, des rengaines de toutes les époques, et plutôt des bien épicées d'autrefois (comme quoi on savait parler de ça sans détour et de façon cocasse), un pianiste-chanteur au poil, et vous avez une matinée gouailleuse du tonnerre de Brest. Ou de Pigalle. Ces dames qui ne sont pas des débutantes se contrefoutent des années qui passent et passeront et nous ont donné une fière leçon de vie. Chanter, toujours chanter, rire de tout, et quel répertoire choisi et étonnant. Je suis sorti avec le peps. Merci les rossignols et le pianiste de caveau jazz. C'était une synthèse de l'esprit Paris. # écrit le 06/05/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Buenos Aires 1920 Partir Après des débuts hésitants, et un peu grandiloquents, peut-être dus au trac des premières, l'histoire quitte l'aspect convenu du polar et réglements de compte dans les bas-fonds de Buenos Aires pour devenir une poignante fresque des douleurs de l'émigration économique, ici espagnole et italienne. On comprend alors la superposition de grossièretés et d'envolées lyriques qui d'apparemment ampoulées deviennent significatives et laissent sourdre un bel canto. C'est un opéra social de la douleur qui se joue. Les affres de l'exil, le changement d'identité, la vie parfois sans papier ou ne tenant qu'à un seul fragile laissez-passer, le mépris affiché par le pays d'accueil, les conditions infernales du transfert, les boulots ingrats sont très bien rendus. Eldorado et perte des illusions, soif de réussite et vies fracassées rappellent un climat comparable aux Raisins de la Colère tout en maintenant, et la pièce se dirige de plus en plus vers cette veine, le tonus de cette folle énergie de vivre sa vie, de partir pour un monde meilleur et l'offrir à ses enfants. Des dégâts des illusions surnage surtout la volonté de reconnaissance et l'amour inconditionnel des siens pour qui l'on est prêt à tout, partir et se défigurer s'il le faut, se balafrer. Cette fresque est très réaliste est émouvante en ces temps de migrations désastreuses et nous éclaire sur des drames d'autrefois. Venez soutenir cette pièce qui fait réfléchir avec les très convainquants Anne Hardel, Michaël Msihid, Mathias Kellermann, Sébastien Rajon et Raffaele Salis. # écrit le 02/05/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Je ne connais pas grand chose aux canons du flamenco, mais ce spectacle fut passionnant et les olé et bravo fusèrent. La danseuse Sara Jimenez et le guitariste Pablo Gimenez furent parfaits. Si on sent bien les écarts par rapport au flamenco avec quelques pas de coté vers la danse contemporaine ou le tanztheater, tout repose sur la personnalité de feu de Sara, gourmande de danser, impatiente et dont le panache et les roues de paon, au sens figuré, incendièrent la scène. Pablo Gimenez accompagna en virtuose, discrètement, puis fort quand cela s'imposait. Le tandem fonctionna à la perfection. Le répertoire de guitare espagnole avait des sonorités de ballades du XIXe ou XXe, mais se rappelait aussi fort bien des contrepoints complexes d'air qui semblaient venir de la Renaissance ou du Baroque et des ancêtres oud et luth (vihuela dans sa version ibère ). Quel feu d'artifice ! # écrit le 28/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Spectacle très décalé et intéressant. Aude intègre le foirage en dérapage contrôlé et l'improvisation dans son stand-up, ce qui nous change des mécaniques bien huilées. Aude parle de tout, passe du coq-à-l'âne, change de sujets prévus, brode, commente, rit aux éclats, disparaît, revient, parle des personnages qu'elle croise au supermarché et généralise, parle de son poids, de ses complexes (dépassés) , de son je-m'en-foutisme-zen donc devant le quant-dira-t-on (un dur combat au fait) et nous entraîne de plus en plus l'heure passant dans l'affirmation de soi et la tranche de rigolade. La soirée fut de plus en plus plaisante et je lui souhaite du succès car Aude est originale. L'hésitation et la boulimie de diversions peuvent être un mode d'approche très drôle. # écrit le 28/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Belle dernière ce soir au Théâtre La Bruyère avec des acteurs heureux et une salle qui affiche complet. L'argument est plutôt romancé puisque la vraie Montespan était d'une ambition effrénée, reine à Versailles où elle a fait la pluie et le beau temps, et que le mari dut subir jusqu'à la fin de ses jours la relégation en terre lointaine par un monarque sans scrupules aucun, claquant des doigts et tout au rapt de sa femme, selon son bon plaisir. Abstraction faite de ces broderies et écarts , la pièce se regarde comme une belle histoire d'amour qui résiste à tous les revers. Le marquis de Montespan y est bien sympathique dans ses sentiments foulés au pied. On rit de ses broncas, de ses vaines tentatives pour s'en sortir avec de la fierté , de ses facéties pour échapper aux dettes, de sa stupéfaction devant la mécanique de la Cour. C'est presque du Molière. Sauf qu'on pleure quand ses proches sont au plus mal et que la situation empire. Un bon divertissement mi-comique mi-amer et trois comédiens excellents qui font tous les rôles dans une mise en scène très bien pensée qui sait exploiter le théâtre dans le théâtre, les voix dans les coulisses, les jeux de rideaux, les ombres chinoises. Il en reste un Roi Soleil qui en prend pour son grade et une critique de la verticalité, du système du harem et des favorites, "privilèges" décrits comme un argent qui rend fou. # écrit le 28/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très beau seule-en-scène hier soir à l'Essaïon avec Marie-Catherine Conti. Le sujet est grave, le "délire" apparent d'une internée dont tout l'horizon est un hypothétique époux, mais, chemin faisant, nous touche et concerne tout le monde. S'il perçoit quelques contradictions entre ses envies et la réalité, le personnage est toute force de vie, énergie décuplée et s'attelle à une tâche, vous verrez, de Pénélope qui attend son Ulysse. Qui oserait la contredire alors que les résultats sont magnifiques et que, surtout, toute l'humanité hésite, divague, entre fantasmes quelquefois, sinon périodiquement, à côté de la plaque et pulsions de vie qui font déménager les montagnes ? Marguerite, c'est la part de vérité criée dans une "folie" ordinaire et qui fait que, si proche de nous, elle ne peut que nous interpeller. Marie-Catherine Conti, qui participe également à mise en scène, est parfaite dans ce rôle de femme probablement laissée pour compte dans l'enfance, humiliée, rendue trop discrète et qui se bat pour être femme intégrale reconnue dans les yeux d'un homme. Elle est toute d'affirmation de soi malgré les doutes, les "voix ". En fin de spectacle, de précieuses informations nous sont données sur ce personnage réel dont Dubuffet acheta l'oeuvre. Un rendez-vous impératif m'empêcha, hélas, de discuter avec la troupe. Qu'elle m'en excuse, car le spectacle en est à ses premières . # écrit le 26/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
-Faut xa recommence (sur l'air, évidemment, de "ah, tu verras, tu verras")
10/10
Soirée musicale aux petits oignons à l'Essaïon avec les acteurs-chanteurs Florence Andrieu, Flannan Obé et la pianiste Delphine Dussaux, elle-même aussi remarquable au clavier qu' à la voix. Les deux premiers se tirent dans pattes pour notre plus grand plaisir, avec force vannes et fausses sorties. Le répertoire est souvent de la belle époque de la comédie musicale américaine, ce qui n'empêche en rien d'autres reprises dont le si peu chanté Sans Toi de Michel Legrand que Corinne Marchand avait immortalisé dans Cléo de 5 à 7. Bref, festival de bonne humeur entre coups pas de compères et tours de piste délicieux. Vous avez une très bonne soirée en perspective. # écrit le 25/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
-Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?
9/10
Encore une bonne pièce au Funambule, énième dérivation du Pygmalion de George Bernard Shaw (cf., entre autres avatars célèbres, la comédie musicale My Fair Lady avec Audrey Hepburn). Le face-à-face, ici, entre le lettré suffisant et la jolie poissarde prend là un autre tour. Shaw mettait l'accent sur l'insupportable mépris de classe du beau monde et laissait une jeune femme déboussolée sous le jeu manipulatoire cynique de "sachants" . Dans la variation de Russell, le prof anti-conformiste et un brin alcoolo est bien sympathique alors que la grande gueule dopée aux belles lettres est au risque de prendre le melon et de faire sa mijaurée snobarde de service . Tout notre plaisir est dans ces échanges où il est avant tout question d'indépendance d'esprit et de libre pensée. Mlle Maxime-Lior Windisch et Owen Doyle, le metteur en scène également, sont parfaits dans ces escarmouches à fleurets mouchetés. On navigue de surprise en surprise. Décors et mise en scène discrèts et efficaces. Bravo ! # écrit le 21/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Un bon stand-up au studio du Théâtre du Gymnase avec des saillies anti-conformistes sur les travers que peut prendre quelquefois des radicalisme post #METOO. C'est assez rare pour être souligné, courageux et pas ringard pour un clou. La salle n' était pas ce soir là très réceptive et Tess Derose un rien intimidée. Elle ne devrait pas. Elle a tout pour faire un bon spectacle. À titre personnel, j'ai trouvé que les standards repris en chanson étaient un peu trop archi connus, et que Tess gagnerait à conserver son originalité dans un choix moins consensuel, mais à elle de voir évidemment. # écrit le 21/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com