Jolie création sur trois jours au Montmartre Galabru par une troupe juvénile. Le propos se veut mature...sans les années et les vicissitudes, mais reste intéressant comme un bon Woody Allen, souvent très juste et jamais assez profond. La mise en scène est, elle, vraiment inventive, avec chants et danse, texte éclaté en hoquetus entre les protagonistes. On est complètement au théâtre. Idée géniale, un couple de l'ombre intervient pour modifier les rapports de force d'un couple. Ce choeur commente, interprète, intervient, rabroue, change l'histoire éventuellement et fait gicler les non-dits. La pièce baigne dans le dynamisme et les pas de côté imaginatifs, c'est très prometteur. Je lui souhaite tout le succès possible, car trois jours de représentation, c'est short. # écrit le 18/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
On aime ou on n'aime pas, mais un boulevard ou une comédie de moeurs bien menés cassent la baraque. On y va aussi pour les acteurs et l'imprévisible. Bingo, Julia Gourand et Virginie Stref me semble-t-il, dans la distribution de ce soir à la Comédie Oberkampf, ont fait feu de tout bois d' un scénar mollasson que leur présence a galvanisé en transcendant le genre . Dialogues délirants, chant, pantomime, danse, chorés, crises de nerfs, quiproquos et karaoké, tout y passé, même une séquence esprit es-tu là, pour le plus grand bonheur des spectateurs. Un lâcher-prise dans l'arène à saluer et une heure d'étincelles. Bravo ! # écrit le 12/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très belle idée de reprendre le film de Bergman, indécrottable homme de théâtre de toute façon, et d'en faire une pièce. Ces dernières semaines Fisher King d'après le film éponyme de Terry Gillian a fait les délices des visiteurs du Splendid. Ici, au Studio Hébertot, pareillement, pas de redite, de clonage et une très inventive re-création théâtrale. Le tempo est lent et la tension monte, dans le déchirement. Quand tout s'est dit, la scène a explosé et les personnages intravertis du début ont pris les devants, les fortes gueules ont pris la sortie, la fuite ou baissé pavillon. Est-ce gagnant-perdant ? Ou perdant-perdant ? La mue en tout cas s'est effectuée et la douleur cachée mise à vif, sortie du mutisme contraint. Comme souvent chez Bergman, tout se paie car la roue revient, et le mensonge se paie là cash. Si l'auteur semble donner quelques éléments de circonstances atténuantes dans l'incommunication et la domination, fréquemment thématisées chez lui, rien qui ne les rendent excusables. Merci à Yann Guénon, Béatrice Hallouët, Maïwenn Lohéac, Marie Venturi pour avoir patiemment fracturé les cloisons des non-dits et allumé l' implacable brasier final. # écrit le 11/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas moi qui prend la plume. Pris par un contretemps, j'ai envoyé le fiston revenu ravi de ce boulevard débridé, comme c'est souvent le cas à la Comédie du XIe. Acteurs survoltés, beaucoup d'impro sur scène, salle chaude, merci de donner goût au théâtre ! # écrit le 10/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Incroyable épopée que nous raconte Xavier Kutalian au Studio Hébertot dans un seul-en-scène habité et éblouissant où il disparaît en acteur consommé derrière tous les personnages, du garçonnet au papy, l'histoire d'un sauvetage insensé de la jeunesse arménienne hors d'Istanbul, alors encore Constantinople. Autant construire un orphelinat juif en plein Berlin hitlérien ! On frémit de cette énergie inflexible, malgré les échecs, les plans B, les plans C, les plantés, à trouver un havre de paix parmi les pogroms et l'indifférence des Nations. Cette histoire malheureusement vraie, et donc contée par un descendant, résonne d'autant plus tragiquement dans le contexte actuel du Proche-Orient et vaut pour toutes les enfances bafouées et tous ceux qui sont des survivants et portent les derniers lambeaux d'une culture. Tout le monde n'aura pas eu la "chance" d'être portée par l'énergie d'une diaspora qui veut sécuriser son identité et son avenir dans un lieu sûr, d'où le titre l'arche et le château. On salue le sacerdoce de philanthropes arméniens dépensant sans compter pour contrer une cause d'apparence perdue et qui contre-balance l'inertie politique dans une Europe qui soigne ses plaies hideuse du premier conflit mondial . Des hommes au-delà des États et des administrations sauront se rencontrer, faire des compromis pour aller au plus vite. Dans une ambiance sauve-qui-peut-la-vie et avec une fièvre du départ et de l'exil qui m'a rappelé celle d' Amerika, Amerika de l' armeno-americain Kazan, Xavier Kutalian n'est pas un seulement un acteur, mais un témoin-relais par les souvenirs transmis de ses grands-parents. Quelle joie à le voir esquisser des pas de danse sur les sons orientaux et immémoriaux du duduk, de signifier ainsi nous sommes encore vivants, et lancer quelques exclamations en arménien à l'adresse d'un public averti et qui a souffert dans son histoire. Ce spectacle émouvant en diable souligne l'indispensable action des hommes et leur "petite histoire" dans la Grande , seule bulle d'oxygène dans un monde de guerres livré à la folie meurtrière et à la real-politik qui souvent détourne les yeux sur les "événements" gênants. Aller, aller, aller toujours de l'avant, envers et contre tout, quelle Odyssée ! Et elle passera par la France. Courez. # écrit le 07/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Délicieux moment de théâtre sous format d'opérette, au Montmartre Galabru, en hommage astucieux en miroir à celle qui fit scandale sur les planches. On y redécouvre sa vie complexe et souvent sulfureuse. Loin d'une hagiographie en noir et blanc, le portrait est tout en nuances, avec des relations sentimentales bien compliquées et parfois vachardes. De beaux dialogues joués en finesse font de cette pièce un carnet de croquis, tout à fait d'esprit Colette, de personnalités étonnantes naviguant dans les mondes libérés du théâtre ou des belles lettres où l'homosexualité n'est pas trop un problème, les hauts et les bas des finances un classique, et la recherche artistique une compulsion impérieuse . Les acteurs-chanteurs sont excellents et se glissent avec facilité dans un kaléidoscope de rôles différents, une véritable petite merveille. La mise en scène souffre de manque de moyens, mais ne freine en rien l'imaginaire, bref les moyens du bord. Bravo à Ariane Carmin, Mia Delmae, David Koenig pour leur faconde, et leur volubilité enjouée sur les airs entraînants de Julien Joubert. # écrit le 01/04/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Cette pièce fut un ravissement. Déjà de découvrir le monde si actuel de Pénélope Skinner, une jeune dramaturge britannique qui cartonne outre-Manche, puis de subir le rouleau compresseur de Philippe Bodet pour un phénoménal seul-en-scène sur un sujet plutôt scabreux d'apparence, la dérive d'un pauvre gars dans une secte/usine à gaz masculiniste après des déboires professionnels. Le portrait de la casse est terrifiant pour ce gars lambda qui sort d'un film Ken Loach et qui pourrait être n'importe qui d'entre nous de manipulable. Skinner interroge avec finesse et par à-côtés la perte des repères, la disqualification des rôles sociaux dans l 'économie de marché et leurs pendants que seront la solitude jusque dans le couple (ou dans la famille avec les enfants perdus de vue), la prison des réseaux sociaux comme famille de pensée alternative, la haine et la division qu'entrainent ces " communautés " virtuelles, l'incompréhension très intéressée et pervertie des revendications féministes ou de genre. Final terrifiant, mais logique, à valeur de parabole sur les clivages attisés par le feu. Quant à Philippe Bodet, tout bonnement incroyable, une heure trente à nous tenir en haleine ! Et par, très paradoxalement, les monologues futiles et paranoïdes d'une homme solitaire, mais qui se font l' écho évident de tant de problèmes actuels d'endoctrinement, de naufrages du vivre-ensemble, et d'attaques sur l'identité (chômage, travail sans sens, etc), d'où les débilités identitaires. Le face-à-face apocalyptique entre un père qui se croit persécuté par le beau sexe et le fils qui doute du sien est la démonstration éblouissante faite par Skinner de la faillite de la reconnaissance, et d'un univers en faillite tout court. Chapeau l'acteur comme l'autrice ! # écrit le 31/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Pièce engagée cette fois à la Folie-Théâtre sur les bavures et/ou crimes d'Etat, sur fond de contestations écologiques, que ce soit les ZAC d'ici ou les saccages d'Amazonie d'ailleurs. Dans une mise en scène austère mais efficace, une récitante ,rappelant le coryphée de la tragédie grecque, accompagne les pas d'une militante revenue en France pour se précipiter au chevet de son frère dont elle découvre avec surprises les combats. Prise dans la nasse des intox à son propos, elle se met en quête et déclenche en elle un processus de prise de conscience. C'est une pièce, au fond, sur l'acception ou le refus de la violence légale. La mise en parallèle entre le routinier et désastreux peu de démocratie de certains coins d'Amérique latine et l'illébéralisme qui peut sévir de part chez nous est très bien vu, parlant, non caricatural, le malheur des uns faisant le bonheur des autres. Car la dimension planétaire d'une violence qui ne peut être vue comme lointaine, locale, exactement comme les ressorts de l'économie du profit à tout prix, est l'horizon douloureux qui se dévoile dans les foulées de cette soeur éperdue, cette Antigone au fond qui monte au front contre un moderne Créon de l'Ordre. Cette pièce, sur la résistance, prend toute sa force dans le contexte actuel d'aberrations écologiques et d'une jeunesse qui ne comprend vraiment plus l'inertie des politiques à en prendre compte. Elle est l'écho aussi des circuits opaques qui régentent et ravagent la planète au détriment du plus grand nombre. Spectacle utile et fort, à la Costa-Gavras, qui ne verse pas dans la pédagogie lourdingue. Les acteurs sont tous excellents et crédibles. Longue vie à cette pièce dont c'est la dernière, je crois, ce soir. # écrit le 30/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très beau spectacle qui tient plus du seule en scène, ou du deux en scène, que de la pièce traditionnelle et qui est ouvertement autobiographique (comme quelques mètres plus haut l'actrice Mélanie Page, dans une autre salle de théâtre de la Butte, raconte sa vie post choc terrifiant ). Ici, au Funambule, ton très sobre et bouleversant sur le parcours incroyable de celle qui s'auto-narre en conte pour tous , pour aviser et partager, Morgane Raoux, accompagnée d'un partenaire caméléon qui endosse les autres personnages requis avec humour et grande vraisemblance. Malgré les accidents de la vie, Morgane entonne un hymne à celle-ci, envoûtant, et jalonné donc, immergé par l'amour de la musique. Défilent devant nous à toute vitesse , comme un livre ouvert sur un être humain, sa vie d'enfant, sa joie, ses désastres, son émerveillement devant l'Art , ses apprentissages, ses succès, ses coups du sorr. Comme par magie, nous pourrions être elle, et, magie encore, Morgane Raoux renaît sous nos yeux, phénix comme (ou telle) la musique, abattant les montagnes par la force qui la tient. Ce spectacle, si simple et si direct, vous mettra du baume en coeur et dissipera les nuages. Je salue sa conviction et, en pair, sa passion qui emporte tout (elle me reconnaîtra peut-être, musicien et affligé de syndrome similaire. J'ai dû abréger la conversation, étant mal fichu ce soir là ). # écrit le 26/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Pièce succulente en tout point, et aux sujets très contemporains de surcroît dans un monde bien peu fictif de politique-fiction si proche de nous. On y croise une famille de nos jours avec des parents gauchos, dépassés par leurs filles en pleine problématique de genre. C'est très bien rendu, notamment avec cette présence des mutations récentes qui travaillent la perte des repères habituels, comme les clins d'oeil à la télésurveillance par les réseaux et les IA omniprésentes et flippantes, les désordres sociaux et climatiques, les manifestations de rue quand de la parole sort et que tout pète. On ne voit rien, rien qu'une famille, mais on devine tout, la pièce est très métaphorique avec une mise en scène très habile qui peut faire surgir des intervenants de nulle part et oppose contestataires (via un bahut de lycéens) et forces de l'ordre. Les bougnoules, migrants et autres indésirables traversent ce monde aussi, guettés et abhorrés par une frange politique dont le scénario nous suggère l'imminence du danger. Les acteurs sont parfaits (Anne-Elodie Sorlin, Christophe Paou, Lou Chauvain, Alexandra Cismondi) avec un excellent partage de rôles entre les très jeunes et les quinqua, chacun avec un jeu différent mais dont l'équilibre sur scène est à l'image de cette famille qui cherche de nouveaux équilibres, sexes, genres, rôles, points de vue, places dans le monde (très belle scène, par exemple, tout en slip avec l'acteur " père " et l'actrice " fille ", mais pour des personnages différents, puisque le quatuor d'acteurs se charge d'une multitude de rôles). La confrontation en miroir entre parents responsables qui projettent ce qui est nécessaire aux enfants jusqu'au plus lointain imaginable et le retour agressif de la progéniture qui interroge et relativise les paradigmes des parents est également un moteur de la pièce, mettant l'incertitude en gasoil. " Quoi, faut dire i.e.l maintenant? " et autres surprises de la langue, elle aussi en plein travail de transformation ( et non un des moindres sujets, sinon acteur supplémentaire de la pièce) marchent à plein. Spectacle d'avant-garde à voir d'urgence si vous pouvez, et bravo aux comédiens, si impliqués et chevronnés. # écrit le 17/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com