Pièce magnifique au nouveau théâtre Les Gémeaux, sur la même période troublée qu'Uranus de Claude Berri/Marcel Ayme, c'est-à-dire l'épuration à la Libération, avec son cortège de mouchards et de résistants de la dernière heure. Pièce extrêmement humaine aux multiples revirements, au fond insondable des âmes et au final incroyable entre haine et mansuétude. Les acteurs sont parfaits et portent la pièce à bout de bras. Bravo ! # écrit le 08/10/24
-"Allô ?" ou la grande ménagerie des humains au téléphone
10/10
Magnifique seul-en-scène au Lucernaire où Éric Métayer, au poste de vigie d'un standard de folie, joue tous les rôles d'un restaurant huppé, entre clients snobs, bavards et idiots et serveurs et maîtres de rang traités comme de la m... On jubile de la performance bien sûr, mais aussi du vitriol d'où ne surnagera de véritablement humain que la solidarité des petites mains et l'amour d'un père vieillissant si loin au téléphone, si proche. # écrit le 08/10/24
Pièce d' apocalypse au théâtre Tristan Bernard en forme de règlement de compte et de lavage de linge sale en famille, fort bien jouée et allant de surprise en surprise. Sans trop éventer le sujet, la stigmatisation de la différence en rase campagne provinciale peut sembler rebattue et décrite mille fois, elle reste tristement d'actualité. Dialogues cash, humour grinçant au-dessus d'un machabée, portraits de M et Mme Tout le Monde, et des déchirements moraux évidents font que la tension extrême ne lâche pas une seconde. Une pièce giflante pour la rentrée théâtrale avec un dénouement que je n'ai pas vu venir et qui met le feu. # écrit le 08/10/24
-Monts et merveilles + une note de dégueulasserie.
9/10
Piece fort bien jouée au Montmartre Galabru sur les débuts d'Hollywood avec nombre de détails historiques. L'excellent jeu des acteurs nous sauve du docu pointu et offre une tranche de vie sur les acteurs et les réalisateurs d'époque, dont un Éric von Stroheim ici assez ambigu, et des investisseurs qui veulent assurer une rentabilité, non sans un amour fou du cinéma (cartonner pour produire encore et encore) _ ce sera tout le personnage de Thalberg. Un très bon moment de théâtre en coup de chapeau aux aventuriers du septième art, non sans amertume quand le coup, il faut malheureusement le tirer en se retenant de vomir pour s'assurer un avenir d'actrice. # écrit le 07/10/24
-Sous l'éclair qui foudroie, un monde des hommes déshumanisé
10/10
Marie Moriette est magnifique dans ce seule-en-scène au Théâtre L'Essaïon où elle porte une trente de pure apocalypse sans nous lasser le moins du monde d'un défilé d'avanies, récitées implacablement d'une voix de pierre comme du Eschyle, car tout y respire le vrai et le vécu, plongée en enfer sans fin dans un monde agricole digne d'une page noire de Zola. On remerciera l'auteur et la comédienne de nous ouvrir à un monde de sans-grades et surtout de développer d'une certaine manière une parabole, valable pour d'autres cieux et temps, autour du sujet peu abordé des gens floués jusqu'à la lie et la folie par l'arnaque, le bidonnage cynique, la manipulation, le miroir aux alouettes, et, dans ce cas de figure, du mensonge d'État, les calamités de tout genre ne créant des désastres que sur le lit torrentiel d'une iniquité sociale infâme et de brebis envoyées boire le bouillon . Emma Picard, qu'on imagine volontiers pauvre hère du Nord, n'aura même pas pu manger sous le soleil du Sud ses Raisins de la Colère. C'est avec Marie Mariette qu'on l'accompagne et savoure presque ses rares instants de bonheur, ses incartades, ses sursauts de vivant que, aliénation suprême, elle assume plus ou moins bien. Texte bouleversant, et nécessaire sur la vérité historique, qui peut vous en laisser sur l'estomac. Bravo ! # écrit le 28/09/24
Pièce intéressante au théâtre Montparnasse, mettant en scène un Gould hypocondriaque, sous la coupe d'une mère incestueuse, et tout en difficulté avec une carrière de pianiste de concert, où on lui déroule tapis rouge, comme dans sa relation avec une femme, Jessie, une soupirante qui l'aurait suivi toute sa vie. Les excentricités de Gould sont présentées avec humour dans un jeu d'acteurs où les réparties font mouche. Vue sous cet angle, où l'on apprend beaucoup de choses, qui dépeint mi-figue mi-raisin un indécrottable misanthrope maniaco-depressif, la vie de Gould n'est pas vraiment du genre enviable et même effrayante. Le canevas de la pièce est toutefois un peu réducteur. Gould n'était pas qu'un pianiste fou de Bach, il a eu aussi une grosse activité radiophonique et a beaucoup écrit sur la musique, ce qui ne transpire aucunement de la pièce . Son répertoire était très éclectique, iconoclaste même puisqu'il n'a pas hésité en concert en concert à proposer des oeuvres d'époques les plus diverses, trait très novateur vers 1950. Il a participé, à sa manière à lui, au renouveau baroque, en jouant par exemple du répertoire élizabethain (Gibbons), mais il n'est pas non plus un ovni complètement tombé du ciel puisqu'il a pu bénéficier des interprétations de Bach par la pianiste américaine Rosalyn Turreck qu'il admirait. Il a surpris les auditeurs par un pianisme nouveau en rupture avec le toucher du piano romantique. Les acteurs sont bons, la mise en scène banale hormis un moment génial où Gould joue face au public sans piano et un autre simulant un interview à Québec. Le hic est que le vrai Gould est natif de Toronto anglophone. Reste un animateur truculent qui ne fait qu'une bouchée de la mère de Gould. Au final, on parle assez peu de musique dans ce biopic romancé, mais plaisant à voir. # écrit le 23/09/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Spectacle époustouflant au Funambule dans un hommage poignant entre surdité et musique. Pétillantes, survoltées, les danseuses, le plus souvent silencieuses, ont offert un régal de chorégraphies inventives et souvent comiques, accompagnées par la chanteuse Coco reprenant avec bagout nombre de tubes quand les pistes audio ne déversaient pas du superbe classique ou variétés. C'était bouleversant de jeunesse et de qualité. Nous étions assez peu ce soir pour ce spectacle qui mérite salle comble, claque, sifflements et bis. Courez, il ne reste plus qu'une semaine. Longue vie à la compagnie Les Reines du Silence. Je suis resté scotché à mon siège pour ce court défilé explosif qui m'a paru si long. # écrit le 21/09/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Moment de grâce au Lucernaire grâce à Juliette Léger et Daniel San Pedro. La pièce captive difficilement au début par son scénario improbable, deux êtres que le hasard fait se rencontrer place de la République et qui se débitent tout à trac leurs vies, et puis la magie et le réalisme interviennent très rapidement. Il suffit de quelques anecdotes pour être pris à la gorge, pour saisir les solitudes immenses et pour être face à ce problème universel, celui de communiquer son histoire, forcément singuliere, unique. Que restera-t-il de nous, de nos souvenirs si nous ne les parlons à personne, sachant même que personne ne les éprouvera comme nous ? Et qui touche finalement au sens de la vie puisque ne pas ordonner ou donner sens aux événements peut faire perdre pied ? De cette trame existentialiste de Clément Hervieu-Léger, où l'étranger parle à l'étranger de ses étrangers ou tout comme, les deux acteurs tombent magnifiquement la veste, racontent ce qui les mine, les ronge, les fractures qui les ont marqué, les disparitions, les mystères, les sourdes culpabilités qui, au bout du compte, les menacent eux aussi de disparition et les font se précipiter sur cette agora hautement symbolique qui a vu tant de manifestations et de lisses. Jusqu'à pouvoir reprendre haleine alors que le gouffre de ne pas pouvoir ou ne pas savoir quoi dire semblait insurmontable et la distance des histoires infranchissable. L'unicité des souvenirs propres, si elle est quasi prison d'émotions inévitablement personnelles, est balayée par ce moment passé ensemble. Tout se remet à circuler, Place de la République évidemment , et les concretions cèdent devant de nouveaux projets de vie. Cette pièce est un bonheur de délicatesse. # écrit le 28/06/24
Sympathique pagnolade qui évolue et finit plutôt sèchement, peut-être faut-il y voir la patte de Zola. La Provence est rude entre maîtres et gens de maison, entre urbains et paysans. Les dialogues sont cash , mais le lien de servilité n'est jamais remis en cause, et se faire engrosser par le fils de famille n'est, curieusement, déshonneur qu'à moitié, ce qui n'est pas vraiment dans l'esprit Zola à mon souvenir. La ville, même moyenne, semble absorber toutes les aspirations. L'accent provençal utilisé systématiquement ici au Lucernaire m'a paru surfait, mais, passé cela, on goûte des échanges très savoureux, des ne me retenez pas j'ai déjà fait un malheur (père et fille tout autant passionnés à leur manière ), une franchise de ton dans une Provence de bord de mer sympa avec pinèdes et fragrances typiques mais où se dégage une vie âpre et dépourvue d'horizons pour qui n'est pas doté. Le jeu des acteurs, tous bons n'a pas vraiment fait le choix entre comédie ou tragédie, et c'est dommage pour l'instant car le potentiel de la pièce est réel, soit dans le pittoresque (on se figure déjà un Fernandel), soit dans le désert social (comme les Anglais affectionnent en décrire) entre ceusses qui ont des manières, qui peuvent se permettre des chemises blanches et les illettrés. # écrit le 22/06/24
Très belle pièce à la Tempête dans une mise en scène de Joséphine Serré et une mise en sons très convainquante de Frédéric Minière. L'interprétation est soufflante et rend physiquement bien compte de la violence des affrontements entre militants ecolos et forces de "l'ordre". Rien ne saurait justifier un tir fatal de Lbd, triste banalité de la violence légale, hélas, depuis de sinistres préfets et autres ministres de l'Intérieur face aux Gilets Jaunes. Dans cette pièce, une soeur revenue de nulle part s'interroge devant la dépouille de son frère, mort dans les affrontements, et dont elle lève les voiles sur ses mobiles dont elle ignorait tout. Quelques rares moments un peu grandiloquents ne sauraient faire oublier tous les autres où, musique aidant, on assiste au cataclysme, la perte d'une vie, entre donneurs d'ordres, fonctionnaires qui se défaussent constamment, et un collectif bigarré qui tente de sauver un espace naturel contre toute logique comptable et raisonnements spécieux devenus force de loi et, ici, loi du plus fort. Dans cette autorisation maquillée de tuer pour le bien de tous, une acmé est atteinte, magnifique, quand, dans un discours qui rappelle les animés de Miyazaki, les animaux, les végétaux prennent la parole et se plaignent de l'unique espèce terrienne qui ravage tout. La vérité sort par la bouche des enfants de la forêt. Je n'en dis pas plus sur cette parabole poignante qui aurait fait les joies d'un Bruno Latour et aux propos urgents. Courez voir cette oeuvre forte et ses acteurs épatants avant son départ en tournée en province. Notez qu'une pièce au synopsis similaire "Marcher tout droit est un combat" de Simon Grangeat a été jouée superbement il y a quelques semaines à la Folie Théâtre. Hasard ou communauté d'intérêt , il semble que les attendus du procès sur la mort de Remy Fraisse aient inspiré plus d'un. # écrit le 21/06/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com