Très bon divertissement qui reste fantasmagorique, la réalité de ces entretiens étant sujette à caution, mais finement mené et ouvrant souvent à des réflexions profondes. Après un début à rendre rétif opposant une soubrette trop greluche et une sommité Freud sortie du musée Grevin, les rôles s'affinent, les acteurs (Nassima Benchicou et François Berleand) se mettent à jouer vraiment, à inverser les rôles de manière drôlatique jusqu'à un final très étonnant. Bonne soirée existentielle au théâtre Montparnasse. # écrit le 14/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très jolie pièce, finement jouée au théâtre Montparnasse. La problématique n'est pas toujours clairement visible (les illusions des personnages ?), mais le tableau général est de la fin d'un monde, l'Indochine coloniale (est-ce alors la dissection de l' illusion coloniale ?) Chaque personnage a sa logique, pataugeant et se débattant dans une sorte de torpeur d'expat' ("métropolitain" disait-on à l'époque) faite de l' acceptation tacite de l'apartheid social et de son confort aristo d'appartenir à la meilleure classe . La population locale y est au mieux indigène, en voie de " re-civilisation ", traitée paternellement, au pire fourbe ou ennemie de la Nation. Dans ce dernier carré de Blancs menacés d'être égorgés du jour au lendemain , chacun joue une partition, désuète à l'aune aujourd'hui et de la décolonisation, mais criante de vérité, douloureuse, et faisant appel à un nuancier de sentiments contradictoires. Par exemple, le militaire légitimiste, aux ordres de la Grande Muette, habitué à buter du Viet mais qui devine rapidement que la partie est perdue, galonné désabusé dont le monde s'obscurcit ; la jeune bourgeoise désoeuvrée qui veut vivre et s'ennuie ferme dans un univers qu'elle juge provincial et qui veut fuir ces antipodes sans avenir, mais pour aller où sans grande conviction sinon couchailler; sa soeur , femme fatale non sans ambiguïtés, qui aime le pays où elle est probablement née ou a vécu le plus clair de son existence, son mari, être lucide mais détruit , etc. Les personnages sont complexes, la pièce finalement trop courte, tout se prêterait à développement et saga (ou à série, car sexe sous les tropiques ! ) mais, théâtrale, elle finit brillamment en incendie. Bravo aux acteurs qui font vivre avec talent ces dernières minutes d'un monde devenu obsolète et qui fait naufrage mais qui n'en fut pas moins réel dans ses destins et qui porte déjà en lui les germes traumatisant d'un déracinement nécessairement très violent. Mise en scène mobile et efficace, on s'y croit. # écrit le 12/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Une pochade bon enfant et divertissante, des bons jeux de mots, de l'improvisation, bon scénario . Le rythme n'est pas, de loin, aussi soutenu qu'à la Comédie Oberkampf ou à la Comédie du XIe où les acteurs sont survoltés dans ce genre de comédies sans filet, volontiers salaces et triviales, un genre théâtral adorable. J'ai eu l'impression d'être quelque part dans un théâtre de campagne reculée. Du nerf, le scénar et les acteurs pourraient être si facilement au top ! # écrit le 09/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Un exilé, ou plutôt un homme comme la plupart d'entre nous, migrants millénaires dont le sang a une goutte d'autres contrées, un immigré volontaire donc, dont le coeur est là partagé des deux côtés de la Méditerranée, laisse venir les souvenirs impalpables du pays d'enfance, les rues, les odeurs, les bruits de la ville, les amis qui sont peut-être fantômes devenus, mais si vivaces, si forts. Mouss Zouheyri, au théâtre de Nesles, fait donc tout de ce texte d'Aziz Chouaki, déglutit l'inventaire qui lui brûle les lèvres, fait tous les personnages et les convoque devant nous en une procession quasi enivrée . Il les énumère comme on lit un livre et le tableau est très vivant, faisant appel surtout à notre imagination. C'est à ce titre qu'il est LE chef d'orchestre des absents. De musique point cependant, ni de musiciens, j'étais un peu déçu du manque musical de quelque nouba ou charivari pour célébrer ce cortège . Si l'idée a été fortiche de faire tout tout seul, un autre comédien faire-valoir serait bienvenu et donnerait une respiration à la complexe incantation où quelquefois l'on se perd, passant trop rapidement d'un personnage à l'autre. Dans cet oasis des souvenirs, les éclairs rageurs sur ce qu'est devenue l'Algérie croulant sous la corruption étatique sont particulièrement ravageurs. On peut comprendre l'amertume des refoulés de la frontière, pourtant partis à l'étranger bon gré mal gré pour aider in fine le pays natal. Ainsi va souvent le destin déchiré des diasporas, coeurs secondaires et vaillants de pays qui vont très mal, âmes riches de, mais déchirées entre plusieurs cultures et témoins dans leurs chairs et l'exil des conflagrations à grande échelle. # écrit le 09/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très bon seul en scène mené par Helim C, selon toute vraisemblance, un habitué de la pub et de la com et qui décrypte pour nous, en petits sketchs ravageurs, les combines, subliminales ou non, pour nous endormir, nous mener en bateau et nous jouer l'air du pipeau, que cela touche l'agrobusiness ou la politique, surtout la politique. Bonnes gens circulez, il n'y a rien à voir au pays de tout-sourire et de tout-pour-t'enfiler. Très bonne soirée réflexive. # écrit le 05/03/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Une très belle histoire entre deux caractères que tout semble opposer hormis l'amour passionnel et immodéré de la musique. Avec un dénouement incroyable, la pièce est un superbe hommage aux artistes de variétés, connus ou obscurs, et qui font vivre, incarnent et contribuent à un répertoire incroyable et divers de chansons à texte . Des must égreneront le spectacle avec de très belles voix et un phrasé très personnel . J'ai adoré par exemple "Sans matière grasse" ou "Le coeur au même endroit". Bénédicte Pellerin et Christophe Peyroux, l'auteur donc sur scène, sont archi convaincants. Allez soutenir ce spectacle avant ses dernières. # écrit le 23/02/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Une bonne pièce avec de très nombreux revirements. On passe de personnages un peu cliché à la base (la petite frappe, le junky destroy, la Marie-couche-toi-là) aux situations les plus loufoques où chacun déploie une psychologie et un jeu de plus en plus fin. Le tout est très drôle tout en dégageant un arrière-fond oppressant d'horizon bouché de drogue et de ghetto urbain. Clairvoyance et obscurcissement s'entremêlent. Les acteurs sont très bons. Pièce à voir et à soutenir. Le Montmartre Galabru a une bonne politique de créations. # écrit le 23/02/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
-Pièce magnifique pour passer du noir à la lumière
10/10
Superbe pièce avec Emmanuelle Bercot, la cinéaste, et Thomas Blanchard. Le sujet semblait difficile, une engueulade de couple, pas vraiment ce que voulez voir un dimanche en matinée de théâtre pour se détendre, mais la magie a joué. La pièce démarre lentement avec un positionnement épouse sympa, mari infect et va évoluer dans des revirements extraordinaires. On est face à tout ce qu'on peut attendre de la palette de sentiments d'un vieux couple qui s'aime, se déteste, est lié plus qu'il ne le pense, veut la vérité, le respect, et va crescendo de mitraillages, barrages d'office, moments de faux-cul en prises de conscience inedites. Ça barde, ça saigne, et tout cela sonne très vrai et n'a rien envier à Bergman tout en étant plus actuel et plus comique. L'argument est aussi un des rares ouvertement politique sur la gestion du covid et l'euthanasie par omission de beaucoup de nos anciens dans les maisons de retraite. Le texte est là également criant de la vérité de ces drames passés sous silence puisque la rétrospection collective n'a pas encore eu lieu. L'auteur, Dennis Kelly, vient du Royaume-Uni où le Premier Ministre et le Ministre de la Santé d'alors avaient ouvertement dit aux personnes âgées d'être prêtes à se sacrifier, autrement dit à ne pas être prioritaires des soins, pour l'intérêt et la sauvegarde de la nation. Soyez cool, mourrez et rendez service. Le même Ministre de la Santé, statisticien, moulina des modélisations hysteriques des morts à prévoir, ce qui ne l'empêchait nullement de violer le confinement qu'il avait lui-même institué pour aller voir sa maîtresse en catimini. Les acteurs rendent magnifiquement cette période sombre, et la levée de l'omerta sur le sujet se synchronise avec ce drame conjugal en plein confinement dont les traces et les conséquences psychologiques n'ont pas été encore énormément traitées au théâtre, pourtant une de ses victimes. . Bravo aux artistes. # écrit le 11/02/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Spectacle hyper rafraîchissant mené par quatre acteurs en verve et à fond les manettes . J'ai beaucoup aimé le thème abordé , des mots pour ne rien dire (pour paraphraser Marie Cardinal), dont l'envers est apparu si évident : que ne se dit-on pas l'essentiel à chaque rencontre ? Qu'est ce qui bloque ? Et qui a-t-il finalement de si important à bloquer ? Sous l'art magnifique de dévider du vent, les discours sur rien et les lapalissades sourd l' autre réalité de la communication merdique et vaine. La pièce donne ainsi à la fois dans le comique de dérision et le tragique de l' inconsistance. C'est théâtralement merveilleux car fait et brodé de petits riens et relève d'une remarquable composition. Le jeu y est en fait pluridisciplinaire, la danse n'est pas absente et surtout pas la musique qui participe à la description du décor et de l'envers du décor. Un air de Bach archi connu (Jésus que ma joie demeure, titre sardonique en l'espèce ) revient régulièrement comme un poncif lessivé, un masque et aussi comme une réalité souterraine. Douleurs, jouissances, zébrures apparaissent enfin sur les visages. Les saynetes s'enchaînent rapidement et impitoyablement dans une logique de variété du babil pusillanime, mais de manière très musicale comme si la musique structurait le vide si bien décrit. Les acteurs chantent merveilleusement, du la-la-la débile au choral transcendé. L'art du rien et la musique vont jusqu'à interroger carrément l'espace théâtral: dans une scène géniale où il ne se passe quasiment rien, une belle musique hollywoodienne nous embarque, par le jeu et la pantomime allégorique des acteurs, autant vers l'ineptie grotesque que vers le bouleversement musical. Chapeau aux acteurs et auteurs (les deux, chorégraphes, étant également sur scène) Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Claire Laureau, Capucine Baroni et Marie Rual. Un théâtre sans fin pourtant parti de la description de la vacuité. # écrit le 05/02/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Très bon spectacle qui se regarde avec grand plaisir. Comme on pouvait s'y attendre à la Cartoucherie, Moliere y est dépoussiéré, revisité, mis au goût du jour et la mise en scène montre à quel point son potentiel est intact, sujet à de Trouble reinterpretations et donc promis à un grand avenir . Les nombreuses touches comiques et actualisées en feraient une sortie incontournable et géniale pour des scolaires pour les faire sortir de l'idée du classique engoncé dans les limbes. De plus, la langue y est très difficile et sublime et c'est un miracle de voir autant de tirades ciselées et mémorables passer comme une lettre à la poste. L'aubaine est sans prix pour tous les amateurs. Reste après les choix de fond. Le Misanthrope est-il un exalté qui exagère, vante son purisme, et est incapable de composer avec autrui, un rigide comme Moliere sait beaucoup en depeindre à leurs dépens ? Ou pose-t-il de manière clinique et radicale le problème de l'hypocrisie des relations humaines ? Dans la version proposée et enlevée de Thomas le Douarec, Alceste se ridiculise plus que Celimene qui veut le bon sens de vouloir vivre en société - et les actrices s'en sortent très bien - alors que le texte peut avoir un contenu existentiel noirissime, désespéré qui n'affleure pas le jeu des acteurs masculins, tous excellents au demeurant, mais, pour ma part, ne laissant pas assez passer trouble, malaise et cri de l' exigence morale (après tout, se retirer, fonder un ordre, ou vivre pour soi avaient été des choix déjà faits les siècles précédents) . À vous de voir. Régal à aller savourer de toute façon. # écrit le 02/02/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com