Pièce magnifique (titre légitime mais ésotérique) sur un sujet très actuel, la libération de la parole féminine face au viol et à la difficulté de le faire reconnaître, ou même de l'enoncer dans des usages sociaux qui le minimisent, voire l'excusent. Tout le sujet est là, parfaitement incarné par Elodie Navarre qui joue le rôle d'une avocate plus habituée à pourfendre les témoignages des femmes pour ses riches clients jusqu'à ce qu'elle soit abusée elle-même. Le monde des femmes (et aussi bassement du fric et de la justice à deux vitesses car n'importe qui ne peut pas se payer un ténor du barreau) s'ouvre alors à nous, de celles qui osent à peine porter plainte, celles qui s'écroulent nerveusement dans les procédures, celles qui perdent confiance en leurs ressentis par peur de blesser l'autre, celles qui culpabilisent, celles dont la vie est foutue par un mal(e) interieur. J'en dis presque déjà trop, allez voir ce spectacle frappé du sceau de l'urgence et qui rappelle ô combien l'appareil judiciaire et policier est trop empreints de réflexes masculins. La femme ment, c'est évidence, et l'homme est plutôt une quasi victime de ses charmes. Quant au viol, il est à l'insu du plein gré du violeur. Pff. Texte fort de Suzie Miller. # écrit le 29/01/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Il a été très divertissant de retrouver Don Juan et d'essayer de comprendre pourquoi le personnage reste si fascinant et quels problèmes il pose de fait. L'envie-t-on parce qu'il tombe toutes les femmes en traversant le monde en pacha polygame ? Est-il le libertin, le libre-esprit, le frondeur affranchi de toute notion de morale et de religiosité ? Est-il celui qui vit pour lui, rien que pour lui, en se défaisant des obligations sociales ? Ou le salaud absolu dont on attend le trépas inévitable pour toutes ses infamies ? Un peu de tout cela, et en attendant Don Juan est un test des limites en nous promenant aux bords des précipices, menteur, séducteur, provocateur, se jouant de l'honneur pour l'honneur de défier (car s'il parjure souvent, Don Juan tient son serment de dîner avec le Commandeur), tête brûlée en roue libre quasi suicidaire. Le spectacle proposé rend justice à Tirso de Molina, à une langue châtiée difficile à parler et dont se sortent avec brio les actrices particulièrement convaincantes, brillantes (blessées, éplorées, revendicatrices), moins les hommes car la charge théâtrale des personnages est très difficile et lourde à négocier (séducteur odieux et si plaisant /honnêtes gens un brin lisses et lambda/serviteur de Don Juan à cheval entre le bon sens et la perfidie). Peut-être cela viendra-t-il avec le rodage. Les intermèdes musicaux sont bons, mais surajoutés à mon goût . Une bonne pièce à aller soutenir. # écrit le 29/01/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Jolie enfilade perlée de scènes à teneur comique, comme des éclairs dans le temps . Le rapport entre elles peut paraître un peu décousu parfois, mais colle parfaitement au thème d'une mémoire qui s'effiloche et tient à se rappeler "le temps d'une vie", un titre grisâtre alors que le spectacle est pêchu. Les comédiens se tirent fort bien d'affaire, dont particulièrement le truculent Valentin Berthier, aux traits par ailleurs si fins que je l'ai pris pour une fille. # écrit le 26/01/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Beau spectacle à la Folie Théâtre encore. Très bonne idée de Frédéric Gray, présent sur scène, d'avoir converti en pièce cette nouvelle inquiétante de Maupassant, quasi dostoievskienne avant l'heure. Deux acteurs font tous les personnages, le principal et les autres, dont l'Autre, chiffre qui n'est ni un ni trois ni quatre, mais, et c'est bien trouvé, le deux du double, personnage bicéphale qui fait la pièce. C'est, du coup, fort bien joué, rythmé, les travestissements, pittoresques ou dantesques se savourent, sans l'écueil toujours possible dans le seul en scène, et ici l'acteur principal, Guillaume Blanchard, ne chôme pas sur l'énergie déployée. Le sujet est noir, vous le savez sans doute, et l'issue implacable. Bravo aux deux compères. # écrit le 11/01/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
J'ai assisté à la dernière, salle comble. Quelques petits clichés (air de Carmen), mais il faut bien un dénominateur commun qui fasse démarrer au quart de tour. Spectacle plein d'énergie communicative qui, au demeurant, ne se focalise par sur le chant mais déborde sur la vie de tous les jours et aborde de multiples thèmes de manière comique. Quelques scènes de date façon Tinder désopilantes.Matinée théâtrale très enjouée.Lys Santellani déborde de joie de s'exprimer et veut le faire partager à tout le monde ! # écrit le 07/01/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
J'ai eu le plaisir de voir cette pièce deux fois, la dernière étant inopinée. Je reste enchanté de la qualité de cette jeune troupe qui sort apparemment du cours Florent. Le sujet n'a rien de nouveau par rapport à ce que chantait déjà Diane Dufresne en 1978 dans " les adieux d'un sex-symbol " de Starmania, mais ici remis à la sauce du jour, version destin brûlé d'une étoile de la chanson passant par la Fashion Weeks et soumise en plus aux diktats du mannequinat, avec le combo voix d'or, chorés, corps de rêve, clips, fric c'est chic et tous produits dérivés. Tout s'est quand même profondément accentué depuis internet et les réseaux sociaux, et ce petit monde artificiel de la mode n'a rien de bien intéressant, si ce n'est qu'il faut bien en tenir compte quand on sait les millions générés, l'attrait sur les non moins millions de jeunes gens et le poids des images véhiculés par des gros porteurs comme, par exemple, Madonna, Lady Gaga , Beyoncé ou le couple Beeckham, des anciens déjà. Ce sont bien des " modèles " au deux sens du terme. Notre jeune troupe décrit avec grande précision et une grande maturité cette univers. La compétition, acharnée entre filles, les coups bas et les coups de putes, le désarroi intime comme l'effroyable vanité, les paradoxes de la gloire et de l'inanité sont extrêmement bien rendues. Les sommets de l'audimat semblent couplés à l'impossibilité d'être soi, d'où une course entre chavirements et coups de boost. Chapeau aux scénaristes et à l'actrice principale Nancy Loïs pour toute l'étendue de son registre, de l'effondrement mental au pur cannibalisme de l'ambition, du besoin d'amour à la sécheresse de coeur, mais tous les comédiens sont également excellents : le répétiteur de danse highly qualified, la fausse bonne copine vacharde, l'impresario vaniteuse maîtresse de la com, etc. Le spectacle est donc extrêmement homogène et ajoute à cela une touche nord-américaine avec des acteurs aux corps athlétiques qui savent chanter, danser, un plaisir tant que cela ne devient pas une norme (qu'on nous laisse des Jugnot ou Balasko). La scénographie et la mise en lumière est très ingénieuse et belle avec une grande économie de moyens, bref c'est inventif. Chorégraphies et chansons sont à l'avenant et la succession de multiples scènes, finalement poignantes, entre la star, son amant, sa rivale, sa patronne et sa groupie mettent au jour un désordre du coeur diabolique et une machine à cash fatale. Bravo à Nancy Loïs, Ambre Lhomme, Marko Filipovic, Delphine Macia, Andréa Furet et aux auteurs masqués sur scène (mais aux drôles apparitions) Johannes Colin et Victoria Corda. Je recommande chaudement de soutenir cette troupe et ce spectacle décapant, pouvant être très épicé dans ses répliques, sex-symbol oblige. Cela reste une pièce du monde d'aujourd'hui. Bravo aussi à l'acteur qui a composé la musique, fort bonne. # écrit le 05/01/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Dans cette toute petite salle du 15e, Christophe Charrier nous offre un moment de théâtre juste avant de partir pour Avignon. Du théâtre plus qu'un seul-en-scène puisqu'il fait défiler plusieurs saynètes qui n'ont de commun que l'addiction. De plus, il joue masqué façon commedia de l'arte, ce qui renforce l'aspect confession dite par un Pantalon blasé devant un public SOS Amitiés. La performance est à saluer, mais une scénographie plus active en renfort ne serait pas de trop, au risque sinon d'une monotonie car le jeu expressif des traits du visage est perdu et que les addictions décrites sont plutôt glauques. # écrit le 31/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Je ne donnerai pas d'avis tranché cette fois. Le concept de la pièce est singulier et prenant, l'Allemagne nazie sous le prisme d'une petite Française perdue dans le maelström. Je vois que beaucoup de spectateurs sont très laudatifs. Si l'occasion se présente, je retournerais tenter cette pièce ambitieuse notamment pour sa seconde partie qu'on décrit très différente. Je n'ai simplement pas pu supporter le volume sonore de la (longue) première partie où malheureusement l'actrice hurle son texte. # écrit le 29/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Victoria Pianasso est excellente. Le monde du stand-up est très inégal, de plus en plus codé et souvent réduit à la sphère de l'intime ou d'un groupe d'âge. Victoria Pianasso offre un spectacle très travaillé, pluriel, proche du théâtre et du seul(e) en scène, très généreuse de son temps (bien plus d'une heure) comme avec le public avec une très bonne réactivité non agressive (une des facilités du genre qui harponne regulièrement les premiers rangs pour lancer la machine) et faite d'aimables interruptions. J'ai trouvé la performance onirique finalement, fantaisiste, riche, diversifiée, avec des coqs-à-l'ane originaux et des prises de risque de funambule (sa longue introduction sur ce qu'aurait dû être une bonne introduction). Bonus, elle a une très belle voix et je l'aurais bien entendue plus longtemps chanter. Victoria a l'avenir pour elle, n'en doutons pas et souhaitons-lui bonne chance. Je n'avais rien vu de si personnel depuis Caroline Estremo, dans un tout autre genre de style et de registre de stand-up. # écrit le 29/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Pièce étonnante qui navigue et nous embarque (une " traversée " littéralement assumée par le scénario) dans plusieurs directions, de plus en plus déroutantes, de la comédie tendre légère jusqu'à un délire onirique et catastrophiste de plus en plus affirmé. Le final a même des accents existentialistes tragiques sur les limites de notre humaine condition, et sera un appel à briser nos petites limitations intérieures qui brident notre existence au détriment de plans de vie rêvés qui ne demandent qu'à lever les voiles et à prendre le large, après avoir été dessillés en levant précisément le voile sur un quotidien contrit et inassouvi. Bref, la bouffée d'air frais explose pendant plus d'une heure, les survivants sur leur île déserte prennent la mesure , et Marie-Élisabeth Cornet et Dominique Langlais sont très convaincants dans ces postures hybrides entre anesthésie et fantaisie, malgré les émotions de la première qui fut bien joyeuse. J'eus la chance de me retrouver assis à côté de Bérangère Dautun, directrice du Studio Hébertot, que je n'ai pas hésité à féliciter pour l'excellence de sa programmation et sa performance dans un Bateau pour Lipaïa. # écrit le 28/12/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com