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Seul(e) en Scène: Ce qu'on ne peut pas dire ...

-..., Il faut le montrer
" Ce que l'on ne peut pas dire ", pour reprendre un des questionnement de Wittgenstein, doit-il pour autant être tu ? François Joxe en posant la question apporte sa réponse : celle-ci est artistique. Cet indicible qui relève bien souvent de la difficulté des mots à rendre compte des sentiments ou de l'expérience vécue ou encore de l'impossibilité du verbe à témoigner de la profondeur des choses sensibles du monde peut néanmoins être exprimé par le langage de l'art. Et ce "dit" lorsqu'il se manifeste " sur la scène — dans une énonciation qui vise d'abord à affecter le spectateur — est susceptible de porter une vérité qui concerne d'abord celui qui la dit et qui peut être partagée par celui qui la reçoit. C'est dans l'écart entre ce qui a du mal à se dévoiler, et qui pourtant doit se dire, et ce qui peut en être entendu que la parole théâtrale de François Joxe est performante. Cette efficacité est due, en particulier dans le registre du monologue, dans le recouvrement entre la voix et le corps de l'acteur et la voix et le corps du personnage. François Joxe porte un témoignage sur le monde qui va, et qui va mal ; sur la vie qui coule, et qui finit par sombrer ; sur les promesses des lendemains qui chantent, et trop souvent déraillent. Il déploie les registres du jeu qui donnent à sa présence une dimension artistique singulière. L'art de l'acteur est ici de laisser le spectateur dans l'incertitude : est-ce François Joxe qui parle ou est-ce son personnage ? La performance, pourtant, n'est ni de l'ordre du one man show ni de l'ordre du conteur. Ce qui se joue relève d'une fiction qui, comme le rappelle Hamlet, produit cet acte mystérieux, monstrous écrit Shakespeare, qui fait que l'acteur plie son âme et son corps à son idée. La parole poétique au théâtre est la mise en mots d'une subjectivité en même temps qu'elle est mise en action. Ce qui ne peut être dit peut être montré. Dès lors, ce qui s'entend ici n'est pas dit " pour rien ". Le plaisir du spectateur s'accompagne du partage d'une expérience commune : celle de la vie qui ne vaut que d'avoir été vécue ; qui prend sens dans ce qu'elle peut transmettre. La vie et le monde ne font qu'un. Il faut remercier François Joxe de nous en rendre conscient. Jean Caune
# écrit le 12/07/11