Jean Edouard Mouloud

Vous suivez cet utilisateur Inscrit Il y a 12 ans 3 critiques Ajouté par 2 internautes Ajouter cet utilisateur
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Seul(e) en Scène: Philippe Fertray dans Likez-vous les uns les autres

-Mélancomique
À 100 000 pieds au-dessus des stand-upers crétins à oreillette et gros melon. Cultivé, burlesque, inventif, littéraire, pop, poétique. Oui, tout ça. Avec un p'tit air juste un peu mélancolique sur le monde d'avant, ce qui fait qu'on rit jaune parfois des temps bien nazes advenus. C'est mélancomique, c'est très chouette. Allez-y voir, c'est même pas cher.
# écrit le 18/05/23 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com


One man show: Philippe Fertray dans En mode projet

-Un beau projet
9/10

Des " comiques " qui me font rire aux larmes, là maintenant, des vrais vivants qu'on peut voir en scène, y'en a plus beaucoup. Depuis février 2018, c'est arrivé deux fois, et la deuxième c'était ce soir au petit théâtre de la Contrescarpe, avec le même artiste : Philippe Fertray. Pas d'souci, le spectacle précédent, c'était énorme et on retrouve les mêmes ingrédients avec son dernier opus (pour parler comme sur France Inter), qui s'appelle " en mode projet " : expressions débiles qu'on répète, brassées concassées multicollisionnées par les réseaux sociaux, jargons d'une foultitude de sociotypes, mâtinés de globish et de dialectes de banlieue (" les gars qui sont aux portes de Paris et qui ont pas le code pour entrer "). C'est absurde, épastrouillant, tordant, poétique, Fertray a une trop bonne bouille de beau gosse rigolo, de pote idéal, il bouge bien en plus, il chante, il sait tout faire, c'est lui qui écrit pour finir ! Derrière la poilade, on sent bien le malaise d'un monde du travail déshumanisé (le meilleur positionnement sur le marché de l'emploi, actuellement, c'est celui de la machine), boursouflé de charabia managérial totalement inutile, où le chant des oiseaux est banni ou rangé au rayon des antiquités (" tiens, une grive qui jabote...c'est rien "). Galerie de portraits cadrés au millimètre, digressions délirantes (les kyrielles de noms grotesques des pains dans les boulangeries), le powerpoint de la coiffeuse-styliste (encore une Nadège !) avec ses sculptures capillaires fabuleuses, le tube préformaté du candidat-star qui ne fait que sampler et donc chantillonner, etc. Et ce pauvre narrateur, ex-chef de département, pierrot lunaire du désemploi, irréversiblement décruté, qui ouvre et clôt le spectacle, dans un final avec d'admirables castagnettes, en lâchant prise alors qu'il ne tenait plus rien, même plus à lui-même ! On pense à Devos, à Métayer, mais ce qu'il y a de génial, c'est que c'est du pur Fertray ! Donc, putain, allez-y, allez-y nombreux, Fertray, c'est le nec du nec, y'a aucun souci, ça sera genre mode très beau projet.
# écrit le 04/07/19 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com


Seul(e) en Scène: Novecento : Pianiste

-Comme un torrent dans l'océan...
Étourdissante performance, ne serait-ce que par les déambulations physiques et mémorielles du narrateur-trompettiste, secoué par le roulis des souvenirs de son exceptionnel ami pianiste Novecento, avec qui il a navigué et joué six années, sans doute les plus belles de sa vie. Il raconte le destin exceptionnel de Danny Boodman TD Lemon Novecento, jamais descendu de son navire, où il est né et a été abandonné par de pauvres émigrants d'Europe. Un beau jour, encore enfant, il a reçu comme par enchantement le don de jouer du piano comme personne, jouant et se jouant de son clavier, comme ferait d'un cobra son charmeur. Laurent Orry est habité par le texte d'Alessandro Barrico ─ on en souffre presque pour lui. Il possède son texte, ou plutôt celui-ci le possède, tant sa déclamation tient parfois du prodige. Comme dans ce passage où il rappelle comment une sorte de Monsieur Loyal présentait aux embarquants les membres de l'équipage et l'orchestre du paquebot Le Virginian, débitant leurs portraits désopilants à une vitesse folle et néanmoins compréhensible. Dans ce navire qui laboure l'Océan sans relâche, charriant vers le Nouveau Monde ses cohortes de miséreux comme la riche clientèle habituée des transatlantiques, le narrateur pleure son camarade pianiste, raconte les sortilèges de son jazz inégalable ─ qui aura écoeuré Jelly Roll-Morton lui-même ─ et il se cogne aux murs de la réclusion volontaire de Novecento, que nul n'a jamais comprise ni admise. Le comédien nous fait vivre le mal être de son propre personnage, manifestement à la dérive depuis qu'il est descendu à terre ─ lui ─ pour s'y échouer, rendu à l'état d'épave, et il nous fait comprendre pourquoi au contraire Novecento, le pianiste extraordinaire, a fait de l'espace clos du navire un monde fini, stable, sans mystères, d'où il observait le monde sans avoir nul besoin de le parcourir, en en captant les moindres détails dans le regard et l'esprit des migrants, s'en abreuvant, s'en nourrissant, pour en extraire toute l'énergie et le mystère de sa musique. Laurent Orry est scéniquement océanique, on embarque avec lui sur le piano tempétueux de Barrico, sa maîtrise du texte est à la mesure de la virtuosité de Novencento.
# écrit le 30/05/22




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