Avec un retard de quelque dix jours, je voudrais tenter d'exprimer mon admiration pour l'invention, la justesse, la précision, et la densité d'un spectacle dont l'originalité et la pertinence, dans les temps que nous vivons, saisissent d'emblée le spectateur. C'est déjà une réussite qui n'allait pas de soi que d'être parvenu à introduire, avec légèreté et par petites touches, le nécessaire rappel de quelques événements illustratifs d'une Résistance dont les méandres ne sont pas souvent clairs et présents à la mémoire des spectateurs, moins encore s'ils sont jeunes. Cette discrète et nécessaire prudence pédagogique ajoute heureusement à la tension continue du dialogue et du récit, soutenue qu'elle est, au fil de la pièce, par des interventions inventives et variées, mais aussi de remarquables effets de lumière. La confrontation et le dialogue qui se poursuivent entre deux jeunes filles, séparées par trois générations et insérées dans deux époques si opposées, ne manquent ni d'esprit ni d'humour, mais sont plus encore une invitation à la réflexion et à l'interrogation personnelle. A cet égard, la dérision suscitée par l'omniprésence du portable avec lequel l'une, créature insouciante et vive de notre époque, tente de résoudre les angoisses de l'autre, élancée et fragile, mais dont la vie est toute entière engagée dans les tourmentes d'une Histoire parfois élusive. La sûreté de la mise en scène est remarquable, qui fait le choix de ne faire se rejoindre et se toucher ces deux protagonistes qu'au dénouement du drame. Une unique étreinte les voit alors, assises sur un lit longtemps laissé vide comme pour marquer la distance qui les séparait, se serrer dans les bras l'une contre l'autre, avec une tendresse et une souffrance partagées qui s'expriment à l'ombre de l'évocation tragique d'Oradour-sur-Glane. La drôlerie et la finesse de l'épisode qui voit une mère, bien réelle, s'essayer, pour une raison que l'on comprend plus tard, à se glisser entre sa fille et son rêve, mérite aussi mention. Enfin rien ne traduit mieux la réussite de cette création originale, si personnelle et inspirée, que l'émotion persistante et silencieuse dont les spectateurs, à la fin de la pièce, une fois le noir rétabli, peinent à s'abstraire, tant la question-titre s'est immiscée en eux : " Et moi, qu'est-ce que j'aurais fait en 42 ? ". On ne peut que souhaiter que cette représentation puisse trouver son public le plus large. # écrit le 17/12/16