Yvaran

Seul(e) en Scène: Tatiana Djordjevic dans J'ai rien entendu mais j'ai tout compris

-Vivent les enfants intelligents !
Quelle belle soirée ! Un spectacle sous les signes conjoints de l'émerveillement, le nôtre d'y assister et celui de la jeune femme qui nous reçoit face au monde, et de la rigolade, parce que la comédienne n'a pas la réflexion triste et nous fait rire et sourire pendant une heure. Pour tout le monde, les parents sont un problème. Tatiana n'y échappe pas. Ca aurait pu être chiant, c'est tout le contraire ! On partage les étonnements de la petite fille puis de l'adolescente devant la vie et ses énigmes alors que le reste du monde, géniteurs en tête, semble s'en contrefoutre. On voyage à l'arrière de la bagnole familiale un soir de neige et on se souvient du jour où nos propres parents sont tombés de leur piédestal. Pour Tatiana c'était à cause des chaînes anti-dérapantes, pour moi, c'était à cause des cheveux longs des Beatles qu'ils refusaient de croire vrais mais on se souvient très bien de cet instant où on s'est dit qu'il allait falloir se débrouiller tout seul. On partage l'admiration de Tatiana pour les gens qui en ont dans le cigare et qui utilisent leurs neurones de course pour nous épater et nous en coller plein les mirettes. Dans cette famille de comédiennes ou comédiens seuls en scène, on pense à Alexandre Astier et on est ravis de déguster les grains de sel de François Rollin. Avec une chaise, deux tabourets, une table de bridge et un tableau, on comprend qu'il ne faut pas tenter de monter sur un trône quelconque et on révise l'histoire et la géographie de l'ex Yougoslavie. La pauvreté du décor est diamétralement opposée au jeu de l'actrice qui campe en deux gestes et un accent des parents hilarants pour lesquels on sent une tendresse certaine. D'ailleurs, comment peut-il en être autrement ? On sait bien qu'ils sont plus fascinés par une façon impeccable de nettoyer les vitres que par la liste des rois d'Espagne parce qu'ils savent que c'est par sa fenêtre qu'on voit le monde et qu'on le voit bien mieux si elle est propre. On ne détecte pas l'alarme de l'horloge biologique de l'auteure interprète mais peut-être un tic-tac un peu plus présent de ladite horloge et on espère qu'aux côtés d'une éventuelle progéniture réelle elle mettra au monde d'autres spectacles comme celui-là tant nous avions envie, en quittant le théâtre du Marais l'autre soir, de troubler la quiétude de la rue Volta en criant : " Vivent les enfants intelligents ! "
# écrit le 08/05/18