Seul(e) en Scène: L'actrice empruntée

-L'actrice empruntée
La pièce est courte. La mise en scène sobre et intelligente, elle épouse parfaitement le rythme du texte de Fabrice Melquiot. Il s’agit en fait d’un monologue pour une « actrice empruntée », une actrice de passage qui ne se satisfait justement pas de ne faire que passer devant le public, et qui confie ses états d’âme face à un public qui ne peut pas lui répondre. L’interprétation de Nouah Matlouti est en tout point remarquable. Bon rythme, bonne diction, elle tire au mieux parti des effets dramatiques d’un texte qui apparemment n’en compte guère, puisqu’il s’agit d’un monologue intérieur. C’est d’autant plus impressionnant que cette jeune actrice s’est-elle même mise en scène et qu’elle a su éviter les écueils inhérents à ce type de théâtre (excès de pathos pour combler l’absence de dramaturgie apparente, récitation monocorde, absence de jeu de scène). Le phrasé, les silences, le jeu de l’actrice entre la scène et la salle font entrer le public dans l’atmosphère de la pièce. Les transformations de l’actrice enfin contribue à donner à la pièce toute sa profondeur. D’abord habillée en « jeune » de banlieue, un peu fermée, presque agressive, ce qui gomme une part de sa féminité, Nouah Matlouti se métamorphose en montant sur scène et en passant une petite nuisette noire devient lascive et sensuelle, puis elle se maquille ou plutôt se grime comme un clown triste forçant sur le rouge à lèvre, avant de redevenir, en se démaquillant une femme actrice, fragile, empruntée, au double sens du terme. Nouah Matlouti a servi au mieux un auteur et un texte qui pose à nouveaux frais la question classique du paradoxe du comédien et joue sur les sentiments ambigus de tout acteur, peut-être davantage encore de toute actrice, s’il est vrai que toute femme se doit aussi de jouer dans sa vie une comédie où elle lui arrive de se perdre. Bref, l’ensemble est plus qu’intéressant. Il faut aller voir cette pièce à hauteur d’homme, dans un petit théâtre naissant et pour une comédienne et un metteur en scène (c’est une seule et même personne) qui valent ce qui ne sera pas ni détour, ni du temps perdu. Jean Montenot
# écrit le 23/02/07