Yvan Gradis

Théâtre contemporain: Amok

-Écrasante énergie
Pour Victor Hugo, le beau résultait du mélange de grotesque et de sublime. "Amok" est donc d'un beau hugolien ! Superposez un aquarium géant où évoluent des créatures abyssales hérissées d'écailles et de tentacules, un abri antiatomique où s'entassent des malheureux paniqués, une grotte préhistorique où se croisent des êtres hirsutes et hurlants, cela donne "Amok" ! Un festival en clair-obscur à couper le souffle, où l'on ne sait plus quoi regarder, entre les chorégraphies d'algues folles et les mouvements infimes des artistes aux membres disloqués : doigts écartés, pieds tordus, jambes pendantes, lèvres distendues. Et, de temps à autre, sortant du lot, deux danseurs-araignées comme torturés à l'électricité. Tout cela, sur un fond musical où le tonitruant ne gâche jamais le charme et l'ambiance, une musique venue à la fois des haut-parleurs et d'interprètes en chair et en os présents sur la scène, interférant parfois avec les danseurs et comédiens. Quel monstre a donc enfanté une telle créature ?
# écrit le 20 Avril

Théâtre classique: Othello

-Honnête et émouvant
Il est facile et tentant de faire du n'importe quoi avec le monstre (sacré ou pas) Shakespeare. Même du soporifique ! J'avais donc des craintes a priori... Craintes volatilisées dès les premiers instants, devant le relief, le sérieux et l'honnêteté du spectacle : savante mise en scène, aussi habile et délicate que la scène est exiguë ; incarnation pittoresque, charmante, émouvante des quatre protagonistes par des comédiens dans le bon ton ; "choeur" (texte explicatif prononcé ou en voix hors-champ) juste bien dosé (ni trop concis, ni trop verbeux) pour planter le décor et le contexte. Et, à la fin, une hécatombe shakespearienne si bien jouée que se produit le miracle du frisson tragique.
# écrit le 10/10/21

Théâtre contemporain: Le Cri d'Yvona

-Vive Yvona !
La pure et blonde Yvona jetée vivante, et tremblante, et paniquée, au milieu d'une cour royale, fosse aux faux, fosse aux fauves, et trimballée d'un prince à l'autre, d'un courtisan à l'autre, moquée, palpée, brutalisée, disloquée. Une longue séance de torture dans une atmosphère de folie où musique tonitruante et clair-obscur moyenâgeux contribuent à l'onirisme et au fantastique. Un manège infernal emporté dans sa course folle jusqu'à l'étourdissement du spectateur. Le nouveau cru de "la Czerczuk" vaut bien ses précédentes créations. Frissons, émotions garantis.
# écrit le 21/10/19