Une véritable écriture et un très bon chapitrage. Une mythologie des enfers très respectée et qui pourtant ne dépeint pas une plongée dans la morosité. On aime suivre Eurydice dans cette descente qui en devient presque une enquête, livrant aux spectateurs les enfers comme une exploration accessible à tous. Le musicien, masqué, est toujours présent sur le côté de la scène. Peut-être aurait-il pu être placé au fond, centré et dos au public, mais au final ce protagoniste ne gâche à aucun moment la symétrie de la scénographie, la présence de ses instruments électroniques rappelant l'aspect moderne de la pièce. Il apparaît au final lui-même comme une sorte de "régisseur des enfers", contrôlant la séance, enfonçant par le biais de nappes le spectateur dans la scène sans jamais l'oppresser, et le mettant face à la réalité du lieu lors d'ambiances plus rythmées, la scène du Cerbère étant déjà culte. Dans une adaptation des contes des Mille et Une Nuits, la metteuse en scène présentait certaines de ses scènes comme de véritables tableaux, lents, légers, contemplatifs, en respiration. Ici Gwendoline Destremeau a privilégié le costume, ombres du visages, lumières et regards des acteurs suffisant à dessiner les apparences de l'abîme. Une superbe synchronicité des acteurs dans l'introduction et la conclusion. Hors le personnage d'Eurydice qui ne garde qu'une seule interprète, chaque acteur à l'occasion de montrer des facettes totalement différentes de son jeu, dans des personnages tantôt apeurés tantôt effrayants. Une vraie maîtrise dans leur diction et le timbre de leur voix. Ils donnent tous envie d'incarner un jour un démon sur scène. Louise Herrero rayonne dans ses dernières répliques, l'audace dont elle fait preuve face à la mort omniprésente, dans un texte écrit avec grande justesse. Chacun y trouvera ses démons et ses joies. Une impression de sentir son pouls s'appesantir au fil de la pièce. Etre toujours pris dans le même danger entourant Eurydice. En acceptant de voir cette pièce, on accepte de se noyer dans des sentiments que l'on a parfois choisi d'enfouir, de taire. Il est étrange de sentir s'éveiller autant d'émotion dans les enfers de Destremeau, mais le mythe d'Eurydice et d'Orphée reste l'une des plus vieilles preuves d'amour. A voir et revoir. Pour y rire comme y pleurer. Pour s'y délivrer. # écrit le 21/06/21 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com