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Comédie: Le petit poilu illustré, la grande guerre racontée aux plus jeunes

-Un petit chef-d'œuvre sur La Grande Guerre -
10/10

Les spectacles pour enfants, habituellement, ne parlent pas de sujets graves. Et encore moins de la guerre. Et encore moins de la plus meurtrière de toutes, la guerre de 14-18. "Pourquoi ?" C'est la question qu'a dû se poser Alexandre Letondeur, l'auteur du "Petit poilu illustré". Pourquoi, en effet, se dit-on soi-même en sortant de ce petit bijou de spectacle qui tient la gageure de raconter cette page sanglante de l'Histoire du monde en une heure seulement, pas une minute de plus. Et, sans préjuger de la méthode d'écriture de ce jeune auteur très prometteur, il n'est pas difficile d'imaginer qu'une fois prise la décision d'écrire ce spectacle, la question qui s'est immédiatement posée à lui, c'est : "Mais comment faire, que diantre ?"... ou quelque chose d'approchant. Mais Alexandre Letondeur étant - avant tout - comédien, la réponse lui est vraisemblablement apparue très vide évidente : pour intéresser de jeunes enfants d'aujourd'hui à un conflit dont certains ignoraient peut-être jusqu'à l'existence, il faut partir de ce qu'ils connaissent. C'est pour cette raison que le décor est on ne peut plus proche d'eux : une chambre d'enfant, remplie de jouets épars, un univers qu'ils connaissent pour y vivre tous les jours. Partir du particulier pour toucher à l'universel, utiliser les éléments du quotidien pour raconter le passé, la recette est connue, et pour une bonne raison : elle est diablement efficace. C'est donc dans ce décor familier que deux poilus morts au front, Paul et Ferdinand, magnifiquement interprétés par Romain Puyuelo et Alexandre Letondeur, sont dépêchés sur Terre par une voix (Dieu, penseront d'aucuns, mais on peut tout aussi bien imaginer que c'est l'Histoire elle-même) avec cette drôle de mission : raconter à leur jeune public la Grande Guerre en une heure. Et là se trouve la deuxième trouvaille essentielle de ce très beau spectacle : Paul et Ferdinand étaient artistes de cabaret avant la guerre : le public, ça les connaît. Alors ils improvisent. Avec tout ce qui leur tombe sous la main : un tableau, des quilles, un échiquier, des marionnettes, une maison de poupée, des fusils en bois, et même un balai pour faire des moustaches. Et puis leurs instruments de musique : un accordéon et une trompette. Et comme ils ont tous les deux des nez de clown, les enfants les adoptent tout de suite. D'autant qu'ils sont très drôles. Le sujet ne s'y prête pas ? Et pourtant, on rit énormément au cours de ce spectacle : les divers accents que les acteurs emploient pour se démultiplier, l'absurde des "avancées" du front... qui n'avance jamais, la description grotesquement irrationnelle qu'on fait de l'ennemi dans les deux camps, les difficultés à trouver un minimum de confort au fond des tranchées... Mais attention ! Il n'est pas question, ici, de ridiculiser ces hommes qui se sont battus et ont péri pour des enjeux qui n'étaient pas les leurs, bien au contraire ! Il s'agit au contraire de leur rendre hommage en combattant par le rire une guerre qui n'a jamais fait rire ses combattants... Bien évidemment, il y a aussi de nombreux et précieux moments d'émotion : la fraternisation entre les deux camps à Noël, la mutinerie de 17 et "La chanson de Craonne", Le Chemin des Dames, Verdun, les Gueules Cassées à l'hôpital, et le nombre de morts qui augmente, qui augmente, et devient si insoutenable qu'ils privent les acteurs de parole, laissant la place à un silence triste et respectueux que le public interprète comme le sien, comme le nôtre... même les plus petits. On aura bien du mal après avoir fait l'expérience, si stylisée soit-elle, d'un tel massacre, à y apposer fièrement le nom de "victoire" de l'armée française... Le plus réjouissant, c'est que les enfants sont captivés, et qu'ils n 'ont pas peur d'affronter cette horreur, dès lors qu'on la leur présente sous une lumière à laquelle ils peuvent s'identifier. Des clowns sont morts à la guerre, pour des raisons idiotes aux conséquences tragiques, et ils garderont toujours ce souvenir, à tel point qu'il m'étonnerait beaucoup qu'aucun de ces jeunes spectateurs veuillent un jour s'engager pour défendre leur patrie... en revanche, j'espère que voir deux adultes s'amuser comme le font les deux acteurs avec une joie communicative suscitera de nombreuses vocations. Nous avons nettement plus besoins de bateleurs que de soldats dans ce monde, et c'est de plus en plus vrai, de plus en plus nécessaire en ce mois de février 2015... Le jeu des acteurs s'organise comme un duo de clowns classique, où Romain Puyuelo serait le clown blanc (celui qui mène le récit) et Alexandre Letondeur l'Auguste (celui qui l'en empêche en accumulant les bêtises). Pour autant, ces rôles ne sont pas figés, et ils les intervertissent à loisir pour mieux brouiller les pistes et s'amuser des codes. Plus simplement, on pourrait dire qu'ils jouent à la guerre avec leurs accessoires d'enfants pour mieux en révéler l'absurdité "adulte". Parfois, ils reprennent leur âge et la gravité qu'exige leurs rôles, comme au moment des chants à deux voix qu'entonnaient (et qu'écrivaient) les vrais poilus au front, puis repartent d'une pirouette ou d'un bon mot taillader au coeur le ridicule des chefs envoyant à une mort certaine et injuste de pauvres gars bien sympathiques qui s'en seraient bien passé. La mise en scène de Ned Grujic a cette grâce toute particulière de coller l'air de rien à leurs moindres faits et gestes sans se faire remarquer, comme si elle aussi s'improvisait au fur et à mesure des idées des acteurs, invisible comme l'était au cinéma la mise en scène des films de Lubitsch ou d'Howard Hawks. Illusion, bien sûr, car tout est réglé au millimètre. Mais, pour paraphraser Louis Jouvet "l'élégance de la mise en scène, c'est de faire croire au public que c'est facile." Donc, pour répondre à la question du début : "Peut-on faire un spectacle pour enfants sur la guerre de 14-18 ?", la réponse est oui, quarante millions de fois oui, pour les quarante millions de victimes de cette atrocité, c'est le moins que nous puissions faire pour ne jamais les oublier. Et non seulement faut-il y emmener les siens, mais encore faut-il y aller soi-même, parent ou pas. Une chose est sûre : vous passerez un moment inoubliable, et vous en sortirez grandis.
# écrit le 01/02/15




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