Théâtre contemporain: Barbe bleue

-Un piece dans laquelle le temps est suspendu
Rare est d'assister à une pièce si originale ! Il n'est, sans doute, point de mots adéquats pour transmettre ce qui se passe sur scène. Lorsque l'on rentre dans la salle, on aperçoit, projeté, sur un grand rideau blanc -gondolé-, une petite fille, adorable, qui accueille le public, pareille à une petite Amélie Nothomb, tout en lisant le conte initial " Barbe-Bleue " de Charles Perrault. De temps en temps, elle fait des signes au public attendant. Rideau toujours fermé et vidéo projetée, la pièce commence. Saturnine (interprétée par la fantastique Lola Zidi) entre en coup de vent pour acquérir cette fameuse chambre à 500Euros par mois, vue dans une annonce . Le public pénètre dans l'antre du théâtre, dans le merveilleux du conte, au même instant que la jeune fille belge découvre le fastueux appartement du 7e arrondissement. Le rideau s'ouvre : un décor baroque, excessivement doré, dans lequel siège Don Elemirio,un espagnol fier, (interprété par le gargantuesque Pierre Forrest). L'atmosphère du conte institué, nous suivons Saturnine, qui symbolise le lien entre le public et l'espace de la fiction théâtrale. Barbe Bleue ou Don Elemirio, personnage absurde relatif à l'univers onirique, rompt avec la logique quotidienne. La mise en scène de Frédérique Lazarini, savamment orchestrée, vise à désorienter le spectateur ; de la même manière qu'un roman ou un conte, on s'engouffre davantage encore dans l'imaginaire. La metteuse en scène est parvenue à un pari fou : associer légèreté et pesanteur dramatique -ou narratologique. Une scénographie parfaitement exécutée et dans le thème. Cette pièce est un joli mélange de tous les contes qui bercèrent notre enfance : entre Barbe-Bleue et la Belle et la Bête de Cocteau, entre Peau d'âne de Jacques Demy et un film d'Almodovar. Melun, le domestique,(interprété par la talentueux et ubiquiste Cédric Colas), presque toujours présent sur la scène, interprète le narrateur, et soutient le récit comme la pièce avec virtuosité et brio. Corine, chère amie d'enfance de Saturnine, (interprétée par la surprenante Hélène Ley) apporte le burlesque et la bouffonnerie, pareille à un personnage de bande-dessinée. Une pièce où il faut se précipiter avec hâte, dans se préoccuper du temps qui s'écoule, car, ici, il est suspendu.
# écrit le 08/03/23