J'ai trouvé la pièce assez pesante (ou en apesanteur) et rompant avec la programmation plutôt tranchante et pétillante de la Scala St-Martin. L'idée est bonne, dériver à partir de Marivaux, sauf qu'on ne n'y retrouve plus son scintillement, hors quelques éclats de beau langage par intermittence. Ça ne marivaude pas vraiment ou plus du tout dans cet entraînement dystopique de l'argument du dramaturge (ie La Dispute, isoler de tout contact avec l'extérieur et le sexe opposé deux filles et deux garçons pour savoir et disputer d'où proviendrait la fameuse inconstance amoureuse ) qui se dirige vers un sombre scénario SF aux relents d'eugénisme et de contrôle des personnalités , ou encore vers une parabole de la caverne de Platon où, dans le noir, les lumières de quelques uns ne valent pas bien mieux que l'ignorance crasse des autres. On perd le fil constamment de l'artifice pédagogique fantaisiste créé par un Prince de conte de fée du Xviiie siècle, et dans cette disputation galante promise la liste des pour et des contre est à la peine, glanés au hasard de la concentration du spectateur mise à rude epreuve. Reste une belle mise en scène, des bons acteurs, bien plus les femmes, au jeu plus spontané , que les hommes au jeu affecté et manièré, très salon de mode. Tout cela laisse un goût d'avant-garde qui confond l'emballage et le vif du sujet. En soi, la démarche est pourtant très intéressante. À resserrer peut-être, pour que le public tout-venant adhère. Il n'est pas si idiot que ça. # écrit le 30/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Un hymne à la ténacité, avec de nombreux passages cocasses. Pièce familiale qui se laisse voir avec plaisir. L'histoire est véridique,d'où l'attrait supplémentaire. # écrit le 28/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Spectacle hilarant au Lucernaire où Cécile Garcia Fogel et Flore Lefebvre des Nöettes portent au théâtre les BD de Brétécher. Les courtes saynètes des Frustrés s'y prêtent très bien, entrecoupées d'entretiens radio ou TV. Brétécher était plutôt loin dans le temps pour moi, dans les années 70 ou 80, un dessin qui ne m'attirait d'ailleurs pas ado, mais quel plaisir de redécouvrir ces dialogues au vitriol, ces portraits impitoyables de ce qu'on appelerait les bobos aujourd'hui, sphère de cadres superieurs urbains pris dans des problèmes de nantis qui font rire tout le reste du monde. Il n'empêche, Brétécher et ses personnages, incarnés par les deux actrices qui jouent à merveilles les jeunes femmes modernes libérées façon Rive Gauche, ouvrent un monde de réflexion. Que sont déja devenues ces années 80 où l'argent coulait à flot dans les boîtes de pub et où la stratosphere de gauche-caviar avait le melon, et en continuant à se prendre pour mai 68 ? N'est-ce pas plus raide actuellement ? Mais toujours aussi déconnecté et égoïste, voire notabilisé et un rien reac ? Brétécher, aborde avec finesse et frontalement des problèmes de taille à travers la derision et cette permanence affligeante du sentiment de frustration dont elle montre bien qu'il est aussi un phénomène social d'inaccomplissement et pas qu'un tic de snobs. Femmes et hommes s'opposent dans des relations dures. Baise à la volée, desir de l'homme, rejet de l'homme dans la complexité de la montée du féminisme et du désir d'affranchissement hors des fantasmes masculins (chirurgie esthétique), du mansplaining et des relations de domination. Bretecher parle crûment PMA, homosexualité et s'avère un temoin fidèle à l'esprit affranchi de nouvelles problématiques. Alors, ces bobos sont-ils pitoyables de comique et de suffisance, ou des victimes ? Brétécher a la patte humaniste et c'est là où les chants féministes ou les chansonnettes reprises et entonnées par nos deux compères prennent place et donnent une profondeur de champ (de chant) aux lazzi de Brétécher. Allez-y, ça n'a pas l'air serieux, mais la caricature décape dur et reste très actuelle. Et quel entrain des actrices! # écrit le 22/11/24
Beau spectacle de Xavier Guelfi pour un seul-en-scène en equilibrisme, tout en faux departs et avancées tortueuses, façon work in progress cumulant des souverains ratés de Charlot et qui m'a rappelé un peu l'esprit pince-sans-rire de Frédéric Ferrer dans La Morue. L'argument du risque de ne pas arriver à faire un spectacle comme vecteur de ce spectacle, parabole d'hommage à la poésie pure et au farfelu, marche ici à fond. La fausse improvisation titubante, rodée dans ses moindres mécanismes cachées, prend le risque d'une salle plus ou moins attentive, qui dort ou qui retient son souffle. Ce soir, elle s'avère une quintessence d'une voltige sans filet eoù le pas sérieux nous donne effectivement de l'air face aux postures sérieuses de ce monde et de l'actualité. Brasser de l'air et s'envoler, marché concluant. Ne ratez pas cette heure de divagations qui raconte d'une autre manière l'histoire. Merci à la Piccola Scala de la Porte St-Martin. # écrit le 21/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Sous son titre balzacien en diable se devoile une heure trente d'un panier de crabes politiques incroyable de réalisme. Très bien informé, sans doute par des gens de "l'interieur", le livret laisse Victor Rossi et Matthew Luret se déchaîner dans le portrait sans filtre, sans donc plus de distance révérente entre citoyens et elus, de deux intriguants pris dans le petit cénacle de la machine à faire des hommes soi-disant d'Etat, des grands Commis de la République, et confirme la desaffection de pas mal de Français pour une certaine idée de la politique, c'est-à-dire dans un entre-soi coupé des électeurs et dégagée de toute responsabilité, tout en marmonnant la bouche pleine des grands mots qui tournent à vide. Il n'est pas difficile d'y reconnaitre des tenors du moment ou des jeunes gardes avides de postes. L'argument qui fait également contraster deux énarques, dont l'un est né une cuillère dans la bouche et l'autre provient d'un milieu modeste, est parfaitement bienvenu et boucle la boucle d'une méritocratie de facade circonvenue dans les faits par un pantouflage systemique. On sort du spectacle éberlué, car, hélas, tout est vrai et rien n'est faux, et ce n'est pas forcément la bile de Mediapart ou du Canard mais la triste réalité connue de tous. Franchement, je n'ai pas ri jaune, au contraire, malgré le risque populiste du tous pourris . Vive la catharsis du théâtre salutaire et ses acteurs, et cette pièce sophistiquée n'a rien d'une pochade simplette. N'hésitez pas à aller voir sa charge désopilante qui décrypte et décape les arcanes du pouvoir et qui, ce faisant, donne de l'air frais et l'espoir d'alternative . Le prix de l'engagement. # écrit le 17/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Satie Satie à l'envers de l'endroit Nouvelle première hier soir au Funambule de cette pièce sur Satie qui m'a laissé une impression mi-figue mi-raisin . Si j'étais content d'approfondir ma connaissance de l'energumène, le texte embarque rapidement sur des anachronismes (Aznavour) et des digressions ou ruptures historiques. Pourquoi pas ? Tout est permis au théâtre et on n'était pas venu assister à une conférence, mais ce qu'a été réellement Satie prend le risque d'être dilué. Par contre, si on suit le partie de la fantaisie et d'un prétexte d'hommage musical, la pièce procure de très belles réparties, une pièce, au fond, d'aujourd'hui, avec un tandem qui se chamaille, qui danse, et un incroyable moment poetique sous un voile. Ce mélange des célèbres traits d'humour sarcastique, de raideurs, de provocations avec le développement d'une histoire de famille putative, mais qui vaut parabole de la vie de misère de l'écrivain, sera étonnant, détonnant, agréable, déconcertant, profond, agaçant . À vous de voir, les acteurs sont, eux, excellents pour ce moment de bio fictive (ou augmentée) qui compose un morceau sur Satie en forme, non de poire, mais de femme-espoir(e) au soir de sa vie. # écrit le 16/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Un très bel hommage à Truffaut au Lucernaire dans une lecture survoltée de sa correspondance. Je ne connaissais pas l'homme, qu'on découvre entier, enflammé. Plutôt sec, voire pète-sec, avec ceux qui lui envoient des scenarii, mais dont il mesure la flagornerie. Impérial avec Godard dont il fustige ce qu'il considère l'opportunisme, affectueux et tendre, répondant toujours présent, avec les amis, les copains en difficulté (dont André Bazin qu'il considère comme un parrain), bon papa plaisantin avec ses filles, lui qui évoque discrètement, mais sauvagement, une enfance calamiteuse. Truffaut s'est fait quasi tout seul, sait remercier ceux qui lui ont sauvé la vie et ouvert des chemins , et c'est cette volonté inflexible de survivant, de pro de l'ecole buissonnière, et artisan self-made man du cinéma d'auteur, que l'on sent passionnément dans ces missives épistolaires teintées de réguliers coups de sang. On n'a pas les réponses faites à ce tempêteux intempestif, c'est dommage, car il a été sans doute caractériel à ses heures, mais le spectacle, j'imagine, eût doublé de taille. Bravo à David Nathanson, Antoine Ouvrard, Pierre Courriol. # écrit le 14/11/24
Délicieuse romance sous forme de comédie, un genre effroyablement difficile si l'on se rappelle l'âge d'or des comédies américaines, tout à fait approché . Ici, à l'image de Tinder, de l'IA , de la terrible solitude urbaine, Brigitte Froment et Olivier Hardouin sont malicieux à souhait dans cette pièce de Hugues de Rosamel, brillante et espiègle réflexion sur les attentes amoureuses. Venez marivauder sans hésiter au théâtre Hébertot. Un match épique pour le perfect match. # écrit le 13/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com
Pièce découverte par hasard grâce à un geste commercial du théâtre des Mathurins suite à une annulation de spectacle. Une fois passé le jeu ultra-outrancier des premières minutes, tout bascule soudainement et nous voilà au coeur d'une enquête policière avec participation du public. Le concept et le déroulement sont géniaux et, dans ce cluedo collectif, des personnages bien trempés, avec des acteurs à la hauteur de l'hysterie des interrogatoires, sont alors parfaitement à leur place . Qui sera le méchant dans cette foire aux affreux, plus lisses et innocents les uns que les autres ? Il faudra débrouiller une bonne heure trente d'alibis délirants, ponctuée de tirades d'anthologie. Du théâtre terriblement efficace, vraiment sympa, avec l'assurance d'une bonne soirée. Je recommande. # écrit le 10/11/24
Belle interprétation au théâtre Clavel de la pièce d'Euripide par quatre jeunes actrices très convaincantes, car tenir une heure alors que le public connaît le dénouement n'est pas aisé. Mais, puisque cette forme de théâtre est celle du constat d'événements irrévocables, rien n'a manqué, la description incarnée des passions, la douleur et les râles de la femme trompée, le cortège venimeux des Erynnies (les Furies des Romains) la mecanique implacable chère aux Tragiques, tout y est avec le souffle qui emporte jusqu'au bain de sang final, sans compter l'effroi particulier que donne, par moments, le recit en mode rapporté, et non sur la scène, de tel ou tel désastre et qui saisit, non les yeux, mais l'imagination. . Affliction, drame de l'extrême, ces vicieux de Grecs nous font réfléchir et bondir de nos strapontins en mode, là, crash-test, en poussant les situations aux limites, par le sacrilège, les franchissements de l'infranchissable. Dans cette restitution de Louise Le Coz, Manon Reyniers, Flavie Taillefer, Philippine Vahé, dans la mise en scène de Quentin Caillot-Gueugneau, on sent particulièrement la femme trahie et perdue, traquée, exilée, une migrante démunie avec trois enfants à charge, porteuse également d'une rationalité autre, magicienne d'ailleurs, de Colchide et non pas d'Athènes (Euripide) ou de Corinthe (Jason). Coincée, la femme bafouée, l'Étrangère pas d'ici? Sortie grandiose, façon hara-kiri plus d'hémoglobine tu meurs, mais quelle critique des bien propres-sur-eux Créon et Jason! Et quelle descente dans nos effrois les plus profonds, de nos blasphèmes redoutés, la trahison de l'aimé et/ ou le meurtre d'enfants. Couvrez-vous les cheveux de cendres, tremblez, les Grecs viennent vous ouvrir le ventre. Quelle tornade ! # écrit le 09/11/24 , a vu cet évènement avec BilletReduc.com